Le Burkina Faso a besoin d’un contexte apaisé pour entreprendre de grands chantiers de développement socio-économique. Malheureusement, au fil des jours, les indicateurs sont des plus inquiétants. 7 mars 2016. Des élèves de Diapaga exigeaient la libération d’un des leurs, présumé auteur de faits de viol commis sur une fille âgée de seize ans environ. N’ayant pas obtenu gain de cause, ils usent de violence pour obtenir la libération du mis en cause. Après avoir dégradé certaines parties des locaux du palais, ils se rendent à la Maison d’arrêt et de correction de Diapaga, non sans prendre en otage la mère de la victime que certains suggéraient de violer également si elle ne retirait pas sa plainte.
Bilan de cette descente musclée: 10 blessés parmi les gardes de sécurité pénitentiaire dont un grièvement, des dégâts matériels au palais et à la Maison d’arrêt et de correction. Colère des magistrats, des greffiers et de la garde de sécurité pénitentiaire qui observent un arrêt de travail dans tous les palais de justice et établissements pénitentiaires du Burkina Faso afin de protester contre des violences perpétrées début mars contre les personnels judiciaires de Diapaga. Le 15 octobre 2015, les étudiants de l’Université de Ouagadougou lancent un ultimatum pour l’ouverture des cités du CENOU au DG.
Leur ultimatum expiré, ils donnent donc «l’assaut» et défoncent 274 portes, séquestrent le secrétaire général du CENOU et deux secrétaires. Le véhicule du secrétaire général est «réquisitionné».
Le 13 mars 2016, une foule en colère constituée d’environ 1.000 personnes, s’attaque à la brigade de gendarmerie de Cinkansé, dans le Koulpélogo, pour s’en prendre à un présumé assassin de deux agents de change de Cinkansé. Ce présumé assassin était en garde à vue dans la cellule de la brigade. De cette descente, on enregistrera un mort en la personne du présumé assassin, suite à son lynchage par les populations, et quatre gendarmes blessés. Un hangar et un magasin de la brigade ont été également incendiés, des fenêtres et portes endommagées. 14 avril 2016 à Nagaré dans la Tapoa. Dans le CEG de ce village, après l’expulsion d’un élève, ses camarades saccagent et brûlent les biens des enseignants. Le drapeau national qui flottait dans la cour de l’école a été déchiré par les manifestants. Les enseignants désertent la localité. Les deux écoles sont fermées jusqu’à nouvel ordre par le gouvernement. Moins d’une semaine après cet incident, soit le 20 avril, les étudiants de l’Université polytechnique de Bobo-Dioulasso (UPB) entrent en colère contre le Directeur régional du Centre national des œuvres universitaires (CENOU). Ils prennent d’assaut l’administration de la cité de 1.008 lits pour exiger des explications sur la suspension de certaines prestations du Restaurant universitaire. La séance d’explications tourne mal. Résultats: des véhicules de certains responsables sont caillassés.
Le 10 mai 2016 à Ouagadougou, un agent de la police nationale est fauché par un usager de la route à moto, alors qu’il était de service. Cet usager après avoir ignoré le feu rouge heurte grièvement le policier qui tentait de l’arrêter, avant de prendre la fuite. Le policier décèdera plus tard.
Le 15 mai, soit 5 jours après, le Professeur Laurent Bado, député à l’Assemblée nationale, sur la route de l’Eglise, veut raisonner un jeune qui aurait brûlé le feu. L’honorable sera giflé par ledit jeune.
Et tout récemment, le 16 mai, juste au lendemain de la gifle de Laurent Bado, le lycée départemental de Gounghin, dans la province du Kouritenga, est en ébullition. Des élèves, qui réclament des examens blancs, prennent à partie leurs professeurs et saccagent les bureaux, détruisent le mobilier de bureau et brûlent des engins de leurs éducateurs.
Ainsi va tristement le Faso. Inquiétant ! Comment soigner cette plaie qui se gangrène. Cette montée brutale et fulgurante des actes d’incivisme donne à réfléchir. Dans ces cafouillages, il arrive que des coupables d’actes involontaires et jouissant par définition de la présomption d’innocence essuient les foudres d’une foule déchaînée, jusqu’à trépasser.
Le péril est à nos portes, s’il n’a pas déjà amorcé son entrée dans la maison. Il faut travailler à empêcher certains acteurs de livrer le Burkina à des excès et à l’anarchie. La population doit être éduquée à la citoyenneté. Chacun doit développer en lui le sens du civisme. Et tout commence par la cellule familiale.
Alexandre Le Grand ROUAMBA
Simon Compaoré: «Il faut arrêter ça!»
Sur tous les événements d’incivisme qui se succèdent, on ne sent pas trop le gouvernement qui tarde à sévir. Après la dernière scène assurée par les élèves du Lycée de Gounghin, le ministre en charge de la Sécurité intérieure, Simon Compaoré, semble être excédé. Il brandit le gourdin des sanctions: «Ces cas d’incivisme doivent être traités avec vigueur et sans complaisance. Il n’est pas acceptable que des élèves, pour quelque raison que ce soit, prennent les montures de leurs encadreurs, brûlent, agressent – comme cela a été à Logobou et à Gounghin. Ces enfants-là vont recevoir l’enseignement de qui? Ce n’est pas acceptable. C’est une gangrène. Il faut étouffer la chose dès maintenant. Il ne faut pas que d’autres exemples viennent en rajouter à ce que nous connaissons aujourd’hui. C’est pourquoi je pense que des sanctions doivent tomber. Des sanctions aussi bien en famille qu’au niveau de l’administration. Et je ne doute pas que ça le sera parce que, qui que tu sois, en entendant et en voyant ce qui se passe, on ne peut pas ne pas être révolté. Des enfants qui ne respectent plus les anciens. Vous avez entendu aussi cette histoire de gifle. Ce n’est pas normal! On va arrêter cela. Il faut que force reste à la loi. Il faut qu’on sente qu’il y a des pilotes dans le cockpit. Et ça, il n’y a pas de doute. Ça le sera !».