Le 17 mai dernier, l’Organisation des Nations-Unies a publié son rapport annuel sur le recensement des abus sexuels qui auraient été commis par les Casques bleus. Et pour cette année 2016, 44 accusations ont été regroupées. La plupart de ces faits remontent aux années précédentes, même si ce n’est qu’en début d’année qu’elles ont été dénoncées.
Parmi les 44 dossiers en possession de l’ONU, 29 ont un rapport direct avec la Mission onusienne en République centrafricaine (MINUSCA). 7 autres cas ont été recensés en République démocratique du Congo (RDC), 2 en Haïti. Les 6 autres cas d’abus sexuels sont localisés entre la Côte d’Ivoire, le Soudan du Sud et le Mali, selon le rapport de l’organisation. Quant aux soldats soupçonnés d’avoir causé ses actes, ils sont originaires de la RDC pour la majorité et du Congo-Brazzaville. Viennent ensuite ceux du Niger, du Maroc et de l’Afrique du Sud.
L’ONU dans son rapport stipule que ces cas ne prennent pas en compte les accusations révélées début avril. L’on se souvient que pour ces derniers dossiers, c’est la force française résident en Centrafrique qui est mise en cause. Cette enquête est toujours en cours, selon le porte-parole de l’ONU.
Les Nations-Unies ont recensé 69 cas d’abus sexuels présumés sur l’ensemble de l’année 2015. Ces faits, qui impliquaient des Casques bleus de 21 pays, ont pour la plupart eu lieu en Centrafrique et en RDC. Seuls 26 cas ont jusqu’ici fait l’objet d’enquêtes, qui ont abouti à des peines de prison de quelques semaines contre trois soldats.
La réputation des soldats de la paix est ternie depuis des mois par toute une série de scandales de viols et autres exactions, notamment en Centrafrique, où l’ONU a déployé 12.000 hommes en 2014.
Afin de rehausser la réputation de l’organisation face à cette crise sur les abus sexuels, une coordonnatrice spéciale a été nommée en février dernier. Jane Holl Lute, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a débuté sa mission par la Centrafrique et la RDC. Elle y avait affirmé l’existence d’une grave défaillance de la chaîne de commandement au sein des unités impliquées de la MINUSCA. Avec ce nouveau rapport, la priorité pour elle actuellement est de «sensibiliser tous les échelons du système», a-t-elle confié à l’AFP.
Ce changement d’attitude implique, notamment, d’appliquer «un programme énergique» en fixant des règles plus strictes aux unités militaires et de police servant dans les seize missions de maintien de la paix de l’ONU dans le monde: non-fraternisation pour empêcher les soldats d’entretenir des relations entre eux, cantonnement et couvre-feu. Jane Holl Lute admet des «poches de résistance» chez certains responsables militaires qui ne veulent pas assumer la responsabilité de prévenir les abus sexuels. Mais, à ceux qui prétendent «qu’il n’y a pas de problème dans [leur] mission, je réponds : c’est du baratin, a-t-elle lancé. Nous devons tous nous préoccuper de ce problème».
NK
Une justice qui tarde
En plus de rehausser la réputation de l’ONU ternie par ses abus sexuels, l’institution appuie la pédale du côté de la répression de ces crimes. Mais la machine tarde à réagir. En 2015 par exemple, sur les 69 cas d’abus sexuels recensés, seulement 26 ont fait l’objet d’enquêtes abouties. Malheureusement, ces enquêtes n’ont entraîné que des peines de prison minimum de quelques semaines pour 3 soldats.
Ces statistiques sont pires pour les cas recensés cette année. Pour l’instant, des 44 cas de crime connus, trois enquêtes ont abouti et deux militaires ont été punis de peines de prison.
L’Egypte est le seul pays à avoir sanctionné pour 5 ans d’emprisonnement un de ses soldats coupable d’abus sexuels en Centrafrique après un mois d’enquête.
Face à cette lenteur dans la justice, les Nations-Unies ont émis des recommandations pour la création de cours martiales afin de juger rapidement les coupables et envisagent relever l’empreinte génétique de chaque Casque bleu. Mais jusqu’à present, l’Afrique du Sud reste le seul pays à avoir annoncé la mise en place d’une cour martiale en RDC pour juger ses soldats.
Enfin, les Nations-Unies ont par ailleurs créé en mars un fonds pour aider les victimes de ces abus sexuels. La Norvège a été le premier pays à l’abonder en versant 125.000 dollars (110.000 euros).