Taïwan peut être rassurée. Même si le Burkina a aujourd’hui des raisons objectives de vouloir se rapprocher de la Chine populaire, les autorités actuelles entendent maintenir les relations diplomatiques avec Taïwan. Depuis 1949, l’île de Taïwan revendique son indépendance vis-à-vis de la Chine populaire. Mais Pékin continue de considérer Taïwan comme une province de la Grande Chine.
Après une interruption en 1973, c’est depuis 1994 que le Burkina a décidé de renouer les relations diplomatiques avec Taïwan en tournant le dos à Pékin. Diplomatiquement, Pékin pratique le principe «Nous ou Taïwan». Un principe qui rejette la possibilité d’avoir simultanément des liens avec les deux Chine.
Toutefois, depuis que le parti Kuomintang (KMT), artisan du rapprochement avec Pékin, était revenu au pouvoir à Taïwan en 2008, la Chine populaire a beaucoup concédé des fléchissements par rapport à son principe. Ce qui a permis à des pays, notamment en Afrique, de s’ouvrir à la fois aux deux pays.
Mais la victoire, lors de l’élection présidentielle taïwanaise du 16 janvier dernier, du Parti nationaliste et partisan d’une politique plus musclée vis-à-vis de Pékin pourrait rétablir à Pékin la rigueur du principe «Nous ou Taïwan».
Dans le monde, chaque Etat devrait désormais faire un seul choix et l’assumer tout en étant averti des enjeux.
Le Burkina a fait le sien. Il s’agit en réalité d’une confirmation, car le pays entend demeurer proche de Taïwan sur le plan diplomatique. Le 3 avril dernier, à Bobo-Dioulasso, lors de sa conférence de presse entrant dans le cadre de ses «100 premiers jours au pouvoir», le président Roch Kaboré a donné sa position sur ce sujet. D’entrée de jeu, il a tenu à indiquer que «les relations entre les Etats survivent aux hommes». On peut bien comprendre par là que ce n’est pas parce que les relations entre Taïwan et le Burkina Faso ont été établies sous le président Blaise Compaoré, qu’elles devraient être rompues systématiquement. «Nous avons signé des accords avec Chine Taïwan. Jusqu’à nouvel ordre, ces accords ne sont pas remis en cause», a ajouté le président Kaboré.
Les choses sont donc claires que Burkina ne va pas faire le choix de se mettre avec la Chine populaire, qui dispute aujourd’hui avec les Etats-Unis la place de leader de l’économie mondiale.
Le dynamisme de l’économie chinoise, caractérisé notamment par des taux de croissance élevés et surtout les projets d’investissements de la Chine en Afrique ont fini par convaincre et attirer tous les pays africains. Au dernier Sommet de coopération Chine-Afrique, tenu du 4 au 5 décembre 2015, seulement trois pays africains (Burkina Faso, Sao Tomé et Swaziland) étaient absents en raison de leur lien avec Taïwan.
Une cinquantaine de pays africains avait participé au forum économique où la Chine a décidé d’accorder un total de 60 milliards de dollars d’aide financière aux pays africains. Une somme destinée à financer dix programmes de coopération sur trois ans dans les domaines notamment de l’agriculture, de l’industrialisation, de la réduction de la pauvreté, de la santé, de la culture, de la sécurité, de la protection de la nature ou encore du développement vert. En refusant de céder face à ces offres mirobolantes et attrayantes, le Burkina trouve peut-être dans sa coopération bilatérale avec son ami taïwanais l’équivalent, voire plus. Il reste cependant qu’en matière d’échanges commerciaux, la Chine populaire reste incontournable pour les hommes d’affaires burkinabè. C’est un aspect qui ne devrait pas être négligé.
Karim GADIAGA
Un lobbying payant
Depuis la chute de Blaise Compaoré, la diplomatie taïwanaise n’a cessé d’être active au Burkina, dans une sorte d’opération séduction. Pendant toute la période de la transition, l’ambassadeur Shen Cheng-Hong a multiplié les rencontres avec les responsables du pays pour affirmer la présence de Taïwan aux côtés du Burkina. Taïwan s’est aussi montré, plusieurs fois, généreux et solidaire du Burkina sur des questions où le pays avait besoin d’aide.
Des autorités influentes, sous la transition, avaient pu effectuer des visites sur l’Ile pour renforcer leurs connaissances de ce pays. L’activisme de la diplomatie taïwanaise a repris dès l’élection de Roch Kaboré. Une délégation taïwanaise a participé à l’investiture du président Kaboré. Le 30 décembre 2015, un émissaire du président taïwanais s’est entretenu avec le président du Faso, qui a été invité à visiter Taïwan.
En mi-janvier 2016, l’ambassadeur Shen Cheng-Hong, reçu successivement en audience par le président du Faso et celui de l’Assemblée nationale, a réaffirmé «l’engagement de son pays à poursuivre la coopération avec le Burkina». Au dernier forum économique Africallia, en fin février dernier à Ouagadougou, la délégation d’hommes d’affaires taïwanais était la plus importante.