L’assaut contre les jihadistes a été mené par les forces de sécurité burkinabè en collaboration avec celles de la France et des Etats Unis d’Amérique, dans la nuit du 15 janvier jusqu’à la matinée du 16 janvier. Depuis ces attentats terroristes, de nombreuses voix s’élèvent pour critiquer l’action des forces de sécurité burkinabè. Si certains parlent d’inefficacité, d’autres accusent le manque de coordination ou de moyens.
Le recoupement de plusieurs informations émanant de diverses sources indique que les forces de sécurité burkinabè ont joué les premiers rôles dès que les premiers coups de feu ont éclaté, jusqu’à la fin de l’assaut.
Selon les témoins, c’est au environ de 19h30 que les premiers tirs ont été entendus. Certains d’entre eux disent n’avoir pas prêté attention, pensant à des détonations de pétards que les citadins s’amusent à faire éclater depuis les fêtes de fin d’année.
Face à la persistance des détonations, ils ont compris que c’était des coups de feu. Des personnes sur place au moment des faits racontent que les assaillants ont tiré sur la terrasse du restaurant Capuccino avant d’y entrer.
Une fois dans la salle, ils ont vidé leurs chargeurs sur les clients en ciblant les personnes à la peau blanche. Ils sont ressortis pour mettre le feu à des voitures garées au dehors avant de revenir au Capuccino où les tirs ont continué. Ils se sont ensuite repliés à l’hôtel Splendid d’où les tirs se sont poursuivis. Les forces de sécurité burkinabè, françaises et américaines ont donné l’assaut sur l’hôtel au environ de 1h du matin.
Tous les otages ont été libérés sans que ceux-ci ne trouvent aucun jihadiste. Ces derniers ne seront abattus que le lendemain, le samedi matin.
Quel rôle ont joué les forces de sécurité burkinabè sur le terrain ?
Des sources concordantes affirment que les éléments de la police nationale ont été sur le site du drame dès que les tirs ont été entendus.
Une patrouille de l’Unité polyvalente de la police nationale (UIP-PN) s’est dirigée aussitôt sur les lieux dès qu’elle en a été informée. En mouvement vers Kwamé N’Krumah, la patrouille croyait dans un premier temps avoir à faire à des braqueurs.
Elle a été stoppée dans son avancée vers l’hôtel Splendid par les tirs des assaillants qui la prenaient pour cible. Les policiers ont donc replié pour attendre du renfort qui ne tarda pas à venir. Ils foncent vers l’hôtel mais sont repoussés par des tirs nourris. Ils décident de se mettre à l’abri en attendant. Ils occuperont leur position jusqu’au matin du samedi. L’un d’eux raconte qu’ils ont reçu comme consigne de «tenir bon». Ils ont respecté cette consigne jusqu’au matin. Par moment, ils étaient la cible des tirs des assaillants. A leur tour, ils ripostaient.
Comme on peut le constater, la cible des assaillants semblait être le restaurant Capuccino où se trouvaient de nombreux Occidentaux. Mais avec la riposte des éléments de la police, ils se sont réfugiés dans l’hôtel. Ayant réussi à repousser les policiers, ils sont ressortis de l’hôtel pour prendre position au dehors, notamment au maquis Taxi Brousse situé du côté sud du restaurant Capuccino et de l’hôtel Yibi adossé au Capuccino du côté est. Pendant que l’unité de la police maintenait le contact, arrivèrent sur les lieux les éléments de l’unité spéciale de la gendarmerie.
Selon leur mode opératoire, dès qu’un danger se présente, des précurseurs en tenues civiles se rendent sur les lieux pour faire le point de la situation. Ici, il s’agissait de savoir quelle est la menace réelle, le nombre des assaillants, les types d’armes utilisées? C’est sur la base des informations que l’unité d’intervention se rend sur le terrain. Ceux qui étaient à proximité des lieux ce jour-là ou ceux qui ont suivi les reportages sur les différentes chaines de télévision ont dû les apercevoir en civil tenant des armes et portant des gilets par balles. En pareille situation, un Quartier général (QG) est installé non loin de la zone attaquée afin de coordonner les opérations de terrain. Le bâtiment du ministère de la Fonction publique sur l’avenue Kwamé N’Krumah a servi de QG.
Une fois sur place, les éléments de l’unité spéciale de la gendarmerie vont intervenir au niveau du Capuccino dans 2 chars blindés. Les témoignages des rescapés le confirment. Mais les assaillants avaient quitté ce lieu et se trouvaient dans d’autres positions où ils tiraient sans cesse sur les gendarmes qui tentaient d’évacuer les victimes. Toujours selon les témoignages des éléments qui ont participé à l’opération, une fois les clients du Capuccino libérés et s’étant fait une idée de là où se trouvaient les assaillants, ils comptaient prendre d’assaut l’hôtel Splendid. Ils attendront l’ordre en vain. Ils apprendront plus tard que la hiérarchie a été informée de l’arrivée d’un renfort de forces françaises. Il fallait l’attendre. Et l’attente fut longue.
Ces forces qui devaient quitter le Nord Mali pour Ouagadougou arriveront après minuit. Des forces américaines sont également annoncées sur place. Après une brève séance de coordination, la décision de prendre l’hôtel est prise. Les 4 étages de l’hôtel sont passés au peigne fin et environ 150 clients libérés. Mais point de jihadistes dans les parages. Il faisait déjà jour et l’unité d’intervention, au sortir de l’hôtel, essuie les tirs des jihadistes plaqués de l’autre côté de l’avenue.
Le blindé de la gendarmerie s’avance et les terroristes sont abattus devant le Taxi Brousse. A partir de là, les éléments de police nationale qui étaient à l’abri en bas de l’hôtel Yibi tentent de sortir mais un tireur qui était dans l’immeuble les prend pour cible. Une fois de plus, les forces burkinabè nettoient les lieux. Les opérations de ratissage continuent parce que, selon les témoins, il y aurait au moins 6 personnes qui ont attaqué le Capuccino, alors que le nombre d’assaillants tués est de 3 ou 4 personnes. Aux environs de 10h30, les forces françaises reprennent la route pour Kamboïsin, leur base.
Joël BOUDA
Contre les terroristes, les forces de défense et de sécurité ont les moyens
N’eût été l’attente des forces françaises, les forces de défense et de sécurité auraient donné l’assaut avant 22h00. Formées pour les uns par la GIGN de France, elles disposent de compétences et d’un minimum de moyens matériels et logistiques pour le faire. Les visières des casques sont équipées de visions nocturnes capables de détecter des mouvements de personnes en pleine nuit.
Une mini-camera est placée au côté droit du casque. Elle transmet en temps réel l’avancée des hommes sur le terrain. Sur le dos, les éléments portent un sac rempli d’eau. Un cordon permet à son porteur de se désaltérer pendant qu’il est en mouvement. Ils sont tous équipés d’un système de radio qui les permet de rester en contact avec le QG. Les forces spéciales françaises ont apporté une technologie plus avancée à leurs frères d’armes burkinabè.
Les forces de défense et de sécurité nationales en présence
Avec l’appui des forces spéciales françaises et américaines, l’assaut et la gestion sécuritaire des attaques de Ouagadougou ont été exécutés par les éléments de la gendarmerie nationale (l’Unité spéciale d’intervention de la gendarmerie, la compagnie de gendarmerie de Ouagadougou, le groupement de gendarmerie mobile de Ouagadougou), la police nationale (l’Unité d’intervention polyvalente de la police nationale, la brigade anti-criminalité, la Compagnie républicaine de sécurité), la Brigade nationale des sapeurs-pompiers, l’armée de terre, l’armée de l’air, le génie militaire et les différents services de renseignements. L’information a été donnée par le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, dans un message adressé à l’Assemblée nationale et lu devant les députés par le président de la commission défense et sécurité, Halidou Sanfo, le 19 janvier 2016.
Dans le même message, le président Kaboré informe que la cellule de crise mise en place était composée de 10 personnes dont le ministre en charge de la Sécurité intérieure, Simon Compaoré, le ministre sortant de la Sécurité, Alain Jean-Claude Zagré, le chef d’état-major général des armées, le Général Pingrenoma Zagré, le chef d’état-major de la gendarmerie nationale, le Colonel Tuandaba Coulibaly, du directeur général de la police nationale, le contrôleur général Lazare Tarpaga et bien d’autres personnes.