La transition, est fini depuis le 29 décembre dernier avec la passation des charges entre le président sortant, Michel Kafando, et le président élu, Roch Marc Christian Kaboré. Pour en arriver là, le pays a traversé 13 longs mois portés d’abord par les espoirs de l’insurrection populaire, mais aussi marqués d’une part par les erreurs d’appréciation des nouvelles autorités et d’autre part par les soubresauts du RSP et son putsch avorté, puis les élections couplées. Ces événements ont mis au premier plan certains acteurs qui, malgré eux pour certains, ont marqué de leurs empreintes l’année qui vient de s’achever.
L’Afrique a besoin d’institutions fortes plutôt que d’hommes forts. Cette déclaration du président américain, Barack Obama, lors de sa visite au Ghana, avait été mal appréciée en son temps sur les bords du Kadiogo par le régime du président Compaoré. L’histoire récente du Burkina vient de démontrer que les organisations et les institutions de la République, lorsqu’elles se nourrissent à la sève des valeurs démocratiques, sont capables de résistance, des victoires et des transformations qualitatives.
Au nombre des institutions au cœur de cette transition, se trouve en première ligne les autorités de la transition : le gouvernement, l’Assemblée nationale, l’armée, les syndicats, la jeunesse burkinabè fer de lance des OSC qui ont déployé, intelligemment, leurs moyens pour observer les élections et les syndicats.
Institution
Le gouvernement de transition C’est un gouvernement de 26 membres qui est formé le 23 novembre 2014 sous la houlette du Lieutenant-Colonel Isaac Zida, Premier ministre et ministre de la Défense, sorti des rangs du RSP. Mais la réputation de certains membres de l’exécutif déclenche la colère de la rue et de certains agents publics qui veulent des ministres qui montrent patte blanche. Le nouveau ministre de la Culture ne tiendra que quelques jours. Son collègue des Infrastructures dont le casier ne serait pas vierge finira par abdiquer de son poste après une vraie guérilla médiatique. Après cet intermède peu flatteur, le gouvernement resserre ses rangs et déroule ses actions. Il s’attaque au chantier de la justice avec les états généraux et surtout la réouverture des dossiers Sankara et Norbert Zongo.
Il relance la lutte contre la corruption en remettant au goût du jour l’ASCE rebaptisée l’ASCE-LC. Les dossiers de corruption de l’ancien régime sont transmis à la justice avec la mise en accusation de plusieurs ministres pour corruption, fautes de gestion ou enrichissement illicite. Le mandat de ce gouvernement a été marqué par l’austérité. Une gestion serrée des dépenses publiques avec des recettes en baisse dans un contexte marqué par l’attentisme des investisseurs et des hommes d’affaires. Service minimum donc de ce côté-là. Mais l’honneur est sauf avec la tenue effective du double scrutin fermant ainsi la page de la transition.
L’armée
Elle était au cœur de cette transition, dans sa grande majorité, en tout cas. Surtout avec un Premier ministre venu directement du RSP qui faisait également office de ministre de la Défense. Jusqu’ au premier coup de sang du RSP qui, sentant son élément devenir incontrôlable, a sorti le grand jeu, l’armée nationale est restée spectatrice de ce duel à distance entre Zida et le RSP. Elle ne réagira qu’au lendemain de la prise en otage du gouvernement et du coup d’Etat du Général Diendéré des 16 et 17 septembre 2015. De jeunes officiers, las des exigences du RSP, menacent d’aller à l’affrontement avec leurs frères d’armes pour désarmer les putschistes et sauver la République. L’assaut de Kosyam marquera la fin du RSP en tant qu’entité et surtout réaffirmera la cohésion et l’attachement de la grande muette aux valeurs républicaines.
Les jeunes
Omniprésents lors de l’insurrection, ils le seront pendant la transition, surtout lorsqu’il a fallu dire au nom au putsch du RSP. Fer de lance des organisations de la société civile et des partis politiques, cette frange de la société a incarné l’esprit du changement et de la résistance démocratique. Les martyrs se comptent surtout parmi eux et ce n’est pas un hasard. Cette jeunesse a voulu prendre son destin en main. Le CNT la compris, mais n’avait pas les moyens de sa politique. Le président Roch Marc Christian Kaboré sera l’interlocuteur privilégié de cette jeunesse en quête d’emploi et de formations adaptées.
Syndicats : le coup de pouce décisif
Lorsque, au lendemain du 17 septembre, la coalition de syndicats et d’organisations de la société civile lançait son mot d’ordre de grève générale, personne ne pouvait imaginer un tel degré de mobilisation, de suivi et d’engagement jusqu’au plus profond du Burkina. Défenseurs des intérêts des travailleurs, les organisations syndicales se sont érigées en défenseurs de la démocratie, à travers l’Union d’action syndicale (UAS).
Personnalités
Le Général Diendéré, le putsch de trop
Indiscutablement, il aura été celui qui a marqué la transition, négativement s’entend. Patron des renseignements militaires, figure emblématique du RSP, il s’est d’abord présenté tour à tour comme le porte-parole des jeunes soldats lors des deux premiers sautes d’humeur du Régiment, pour ensuite assumer la tentative de putsch du 17 septembre 2015. Le Général Diendéré qui est aujourd’hui derrière les barreaux pour répondre de son acte a paradoxalement révélé les aspirations profondes d’un peuple qui ne veut plus de militaires aux affaires.
Le trio de médiateurs
L’empereur des mossé vient d’être décoré de la Grand-Croix des Ordres burkinabè. Homme de dialogue, très pondéré, c’est autour de sa personne que les négociations entre militaires se sont retrouvées afin de trouver une issue pacifique au putsch militaire. On se rappelle encore de son appel du 26 septembre qui interpellait toutes les couches de la société burkinabè à préserver la paix.
A côté de ce chef traditionnel, le religieux Mgr Paul Ouédraogo. Lui aussi aura été de toutes les médiations sous la transition. Président de la Commission pour la réconciliation nationale et les réformes, son équipe vient de mettre à la disposition de la transition et du nouveau régime un lot de recommandations et de mesures à mettre en œuvre pour préserver les acquis démocratiques, telle la paix sociale.
Le troisième élément de ce trio est un ancien président, militaire de surcroit, Jean-Baptiste Ouédraogo. A eux trois, ils constituaient une bonne dose de sagesse, d’expérience et de force de persuasion face aux protagonistes de la crise qui a secoué le pays. On leur doit la paix.
Le président de la CENI
The last but not the least, le président de la CENI, Me Barthélémy Kéré. Sur ses épaules et celles des membres de son équipe reposait le clou de la transition : l’organisation d’une élection libre et transparente afin de garantir des résultats indiscutables aux protagonistes. Les scrutins présidentiel et législatif ont été jugés des plus chers de la région. Mais ne dit-on pas qu’à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels ?
Dr Luc Marius Ibriga : monsieur main propre
Cet enseignant à la faculté de droit de Ouagadougou est signataire de la Charte de la transition, membre du Focal et du Manifeste des intellectuels. A la mise en place du gouvernement, il hérite du poste de contrôleur général de l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat. Sous son impulsion, l’institution lance un certain nombre d’investigations pour faire le point sur certains éléments de la gestion du défunt régime et une loi anti-corruption est votée. Dans la foulée, l’ASCE change de dénomination. On lui ajoute la lutte contre la corruption et elle devient ASCE-LC. Mais une des actions visibles de cette autorité reste le transfert des dossiers de corruption et de mauvaise gestion des anciens dignitaires avec des mises en accusation en cascade des membres du gouvernement de l’ancien régime.
Beaucoup y voient la traduction en actes du fameux «plus rien ne sera comme avant» lancé par le président de la transition, Michel Kafando, lors de son investiture.
FW