Le nouveau pouvoir élu de Roch Marc Christian Kaboré pourra-t-il bénéficier d’une période de grâce? Autrement dit, que pourrait être le contenu d’une trêve sociale dans ce Burkina post-transition? La question a été posée avant même que la présidentielle ne se tienne. Un panel organisé le 26 novembre dernier par la structure «Burkina International», dirigée par l’activiste de la société civile Harouna Kaboré, a regroupé des universitaires, des journalistes, des organisations de la société civile autour du thème: «Les enjeux de la trêve sociale pour une gouvernance post-transition».
Toutes les communications qui ont été faites à l’occasion de ce panel ont reconnu que la trêve sociale devrait favoriser une période post-transition apaisée, mais pour cela, elle devrait aussi résulter d’une prise en compte des préoccupations essentielles des syndicats, de la société civile et de la population, avec un début de solution. C’est ce que d’aucuns appellent «des préalables». Du point de vue du Pr Augustin Loada, ministre en charge de la Fonction publique, la trêve sociale, en même temps qu’elle constitue une «situation favorable à la recherche des solutions, entraine la stabilité nécessaire pour attirer les investisseurs et promouvoir le développement».
Pour ce qui concerne le milieu scolaire et estudiantin marqué par une crise qualifiée de «profonde», le Pr Magloire Somé, également paneliste, explique qu’une trêve sociale pourrait aider à trouver des solutions. Toutefois, cela nécessitera «des engagements fermes de l’Etat à construire des infrastructures, former le personnel enseignant, etc.». Ce qui impose que toutes les composantes du système éducatif s’asseyent pour discuter. Si c’est la volonté de modification de l’article 37 de la Constitution qui a été l’élément déclencheur de l’insurrection populaire de fin octobre 2014, tout le monde s’accorde à dire que ce sont les inégalités sociales, l’injustice et les problèmes de gouvernance qui ont nourri la colère des Burkinabè. C’est pourquoi le régime de la transition avait pour missions, entre autres, de «tracer des sillons pour corriger ces inégalités et promouvoir la justice sociale». Au moment où cette transition tire à sa fin, il ressort du bilan que certaines attentes ont été comblées, mais qu’il reste encore des revendications légitimes non satisfaites. Le manque de moyens a très souvent été l’argument avancé par la transition. Il y a le cas des universités engluées dans un système LMD qui a du mal à prendre, le cas des travailleurs en conflit avec leurs sociétés, les revendications des syndicats, la question de la vie chère pour la population de façon générale, etc.
A présent, il est clair que tous les dossiers sociaux en instance vont être refilés au nouveau pouvoir élu le 29 novembre dernier. Comment s’y prendre pour permettre au président Roch Kaboré et à son gouvernement d’apporter des réponses satisfaisantes aux différentes attentes? Déjà, il apparait qu’il n’y aura pas de répit dans les revendications. Toute la question est de savoir comment définir les modalités de résolution des problèmes pour au moins calmer la colère des populations concernées.
Karim GADIAGA
L’idée de la trêve rejetée par la CGT-B
Interrogé la semaine dernière sur la question de la trêve sociale, Bassolma Bazié, secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B) et membre du Collectif anti-impunité et de la Coalition contre la vie chère (CCVC), exclut toute idée d’accorder une période de grâce au nouveau pouvoir. «La trêve sociale est synonyme de calme social ou de paix sociale. Mais la paix sociale est une conséquence. Conséquence qui découle d’une cause. Et la cause, c’est la gouvernance politique, économique et culturelle. On ne peut pas aller d’une conséquence à une cause. C’est l’inverse. Si on ne se prépare pas pour une cause, on ne peut pas avoir la conséquence. C’est comme si on te couche, on te cisaille puis on te dit de ne pas crier car c’est la trêve sociale», explique Bassolma Bazié.
«On peut accepter une trêve sociale à condition que les autorités nous disent qu’il y a un médicament qui pourrait faire en sorte que dans cette trêve aucun Burkinabè ne tombe malade. La trêve sociale ne nous permettra pas de circuler lorsqu’il n’y a pas de carburant dans les motos. De même à la maison, quand on ne donnera pas le prix de la popote, madame ne dira pas : ça marche, on est en trêve sociale. Quand les enfants ne vont pas manger, on ne dira pas c’est la trêve sociale», ajoute Bassolma Bazié.