Economie

Coopération : Casse-tête chinois pour Roch?

A quelle Chine le Burkina doit-il se vouer? La Chine Taïwan (l’île) ou la Chine populaire (continentale)? La question revient avec insistance depuis la chute du pouvoir de l’ancien président Blaise Compaoré et à l’occasion des évènements concernant la Chine et le continent africain. Les réponses des Burkinabè restent encore partagées. Dernièrement, c’est l’élection de Roch Marc Christian Kaboré à la tête du Burkina et la tenue presqu’au même moment du deuxième Sommet de coopération Chine-Afrique (FOCAC) en Afrique du Sud du 4 au 5 décembre qui ont relancé les commentaires. Le FOCAC est un sommet économique entre la Chine populaire et le continent africain.

Sur la cinquantaine de pays africains ayant participé au sommet de Johannesburg, seuls trois pays africains (Burkina Faso, Sao Tomé et Swaziland) n’ont pas été conviés. Mise à l’écart justifiée par le principe «nous ou Taïwan». Les trois pays non invités entretiennent en effet des relations diplomatiques avec Taïwan, île séparée de la Chine continentale depuis 1949. C’est en 1994 que le Burkina Faso a décidé de se remettre avec Taïwan après une interruption qui l’avait amené du côté de la Grande Chine à partir de 1973. Depuis le retour sur l’île, les deux pays entretiennent une coopération bilatérale qui couvre plusieurs domaines. Le Burkina soutient la participation de la République de Chine Taïwan aux organisations internationales, notamment aux institutions spécialisées de l’ONU. En retour, Taïwan finance des projets dans notre pays. Plus d’une vingtaine de projets basés au Burkina bénéficient aujourd’hui de l’accompagnement de la coopération taïwanaise. Ils s’étendent du domaine de la santé à l’agriculture en passant par la formation professionnelle et la technologie solaire. En plus, Taïwan apporte régulièrement son soutien financier ou matériel à des préoccupations ponctuelles au Burkina.
L’ambassade de Taïwan encourage aussi des missions d’hommes d’affaires burkinabè pour leur permettre de découvrir des opportunités d’affaires à Taïwan. Sous Blaise Compaoré, ces éléments visibles et bien d’autres avaient suffi pour que les deux pays s’assurent mutuellement de leur volonté de demeurer ensemble. Mais depuis le départ de Compaoré, la position du Burkina semble avoir perdu de sa fermeté et Taïwan le soupçonne. Sinon, l’île cherche au moins à obtenir la même assurance avec ceux qui ont pris les rênes du Burkina.
L’opération de reconquête et de séduction a commencé immédiatement après l’insurrection populaire de fin octobre 2014. L’ambassadeur taïwanais Shen Cheng-Hong a plus d’une fois rencontré le Premier ministre Zida et le président Kafando. Le ministre des Affaires étrangères taïwanais a même fait le déplacement à Ouagadougou pour rencontrer le président Kafando en février dernier. En sens inverse, le Premier ministre Zida et Cheriff Sy, le président du Conseil national de la transition (CNT), ont chacun effectué un voyage d’amitié à Taïwan sur invitation officielle. Alors qu’ils n’étaient que des candidats favoris à la présidentielle, Zéphirin Diabré et Roch Kaboré avaient également reçu la même invitation. Toutes ces rencontres et initiatives visent à réaffirmer la volonté de Taïwan de rester un partenaire diplomatique du Burkina et expliquer l’intérêt d’une telle situation. Par ailleurs, Taïwan a apporté son soutien spécial à l’organisation des dernières élections présidentielle et législatives. Il y a eu également des soutiens financiers spéciaux, après l’insurrection, en faveur de la Radiotélévision du Burkina (RTB), de l’hôpital Yalgado, de la lutte contre la grippe aviaire, etc.
A présent, c’est le tout nouveau président élu du Burkina, Roch Marc Christian Kaboré, que l’ambassadeur de Taïwan s’est empressé de rencontrer dès la première semaine de l’annonce des résultats du scrutin.
Officiellement, il s’est agi de féliciter le nouveau président du Faso mais dans l’attitude, on peut voir clairement une façon de dire «nous sommes là et nous souhaitons être présents à vos côtés». De même, il s’agit de dire aussi que Taïwan est ouverte à tout pouvoir mis en place par les Burkinabè et de répondre à ceux qui estiment que «Taïwan était trop proche du pouvoir de Blaise Compaoré que du Burkina».
Lors d’un diner organisé le 30 octobre 2015 à l’intention de tous les Burkinabè ayant participé à des séminaires économiques à Taïwan, l’ambassadeur Cheng-Hong avait d’ailleurs tenu à expliquer cela à ses invités. Taïwan souhaite donc continuer à coopérer avec le Burkina. Il revient maintenant au Burkina d’expliquer ce qu’il entend mettre dans sa coopération, car c’est une position qui n’est pas facile à tenir dans le contexte actuel. La tentation de la Chine populaire, première puissance économique mondiale depuis décembre 2014, selon des données du FMI et de la Banque mondiale, est de plus en plus pressante. De nombreux pays qui étaient avec Taïwan ont fini par rejoindre Pékin. En Afrique, il ne reste que des «petits pays», qui étaient du reste les 3 non invités au sommet de Johannesburg.
Or les promesses chinoises lors de ce sommet ne manquent pas de susciter l’appétit et de faire saliver. C’est sous des applaudissements des dirigeants africains que le président Xi Jinping a annoncé les projets de la Chine pour l’Afrique. «La Chine a décidé de donner un total de 60 milliards de dollars d’aide financière incluant 5 milliards de prêts à taux zéro et 35 milliards de prêts à taux préférentiels», a-t-il indiqué. Cette somme est destinée à «financer dix programmes de coopération sur trois ans dans les domaines notamment de l’agriculture, de l’industrialisation, de la réduction de la pauvreté, de la santé, de la culture, de la sécurité, de la protection de la nature ou encore du développement vert». Un ensemble de projets desquels le Burkina est d’office exclu. Pour se consoler, il va falloir trouver pareil ou mieux ailleurs. C’est-à-dire avec Taïwan, au stade où nous en sommes.

Karim GADIAGA


 

Le réalisme doit primer

Entre Taïwan et la Chine populaire, les relations ont très positivement évolué par rapport à ce qu’elles étaient en 1949. Les deux voisins entretiennent de bons rapports, notamment en matière de commerce. Cette décrispation devrait pouvoir se répercuter sur les relations que les deux pays entretiennent avec le reste du monde.
Aujourd’hui, des pays africains comme l’Algérie, le Nigeria et l’Afrique du Sud accueillent des bureaux de représentation de Taïwan tout en restant des fidèles amis de la Chine populaire. Le Burkina pourrait aussi regarder dans cette direction. Le pays a certainement des choses à gagner avec Taïwan, mais il pourrait difficilement tenir le pari d’ignorer la Chine populaire, devenue incontournable sur le plan économique. Même le « grand rival » américain ne peut l’ignorer. En matière de commerce, la Chine est une source d’approvisionnement privilégiée de nos commerçants et de nombreux produits chinois se vendent sur nos marchés. Ne serait-ce que pour faciliter les questions de visas et de mobilité de nos commerçants en Chine, le Burkina doit s’ouvrir à Pékin.

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