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Elections : La sincérité budgétaire éprouvée par les promesses – Par Pr Séni OUEDRAOGO

Notre pays s’est engagé dans la campagne électorale avec la lueur d’espoir de désigner des autorités qui auront la légalité pour gérer le pouvoir. Certaines promesses interpellent les chercheurs en finances publiques tant les fondamentaux de notre discipline sont questionnés. C’est donc par devoir de conscience qu’il nous a paru utile de revisiter un principe budgétaire transporté sur la civière des programmes politiques. Les directives financières de l’UEMOA de seconde génération, particulièrement la directive portant code de transparence du 26 juin 2009 a prévu le principe de sincérité budgétaire.

A court terme, il ne faut guère parier sur l’impact immédiat des réformes minières pour au moins deux raisons: la clause de stabilisation des contrats miniers et l’incidence non immédiate de la fin de certaines exonérations antérieurement accordées aux compagnies minières. (Source : DR)
A court terme, il ne faut guère parier sur l’impact immédiat des réformes minières pour au moins deux raisons: la clause de stabilisation des contrats miniers et l’incidence non immédiate de la fin de certaines exonérations antérieurement accordées aux compagnies minières. (Source : DR)

Celui-ci implique la sincérité des évaluations portées au budget et des informations qui le soutiennent. Les financiers disent alors que la préparation du budget doit être marquée par l’absence d’intention de fausser les évaluations et l’absence d’erreur manifeste d’appréciation. Ce prisme conduit à être dubitatif à l’écoute des ressources astronomiques de milliers de milliards que nos champions s’apprêtent à mobiliser pour le prochain quinquennat. En attendant de nous laisser convaincre par ces chiffres astronomiques, il convient de partir de la réalité des derniers indicateurs de nos finances publiques pour apporter la nuance qui sied dans la formulation des promesses. Ce qui conduira à montrer le surréalisme des promesses financières entendues (I) pour relever que les véritables enjeux sont occultés (II). Or, il faut servir un langage de vérité au regard des prétentions salariales démurées qui poussent à la surenchère de la revendication de statuts particuliers chez les différents corps de fonctionnaires.

L’information sincère et la responsabilisation du citoyen
Il s’agit là d’une exigence fondamentale de la démocratie cristallisée par la DDHC suite à la révolution de 1789 en France. L’article 15 de cette déclaration dispose que: «La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration». Ce principe fondamental a été également repris par l’UEMOA dans la directive n°01 du 29 juin 2009 portant code de transparence dans son point VI intitulé «Information du public».
Cette exigence interpelle les candidats en lice que la propagande électorale ne doit pas reposer sur la construction du rêve dans l’esprit des électeurs dans la mesure où la conduite des affaires publiques ne peut pas être assimilée à un conte de fée. Les programmes de gouvernance doivent être établis sur la base des capacités réelles du pays.
En effet, rien ne sert de tenir des promesses gratuites aux citoyens dont les nombreuses attentes insatisfaites expliquent en partie l’insurrection populaire d’octobre 2014. La responsabilisation souhaitable du citoyen exige avant tout une information sincère et objective de celui-ci sur les potentialités réelles du pays. On remarquera que la perte du pouvoir par les socialistes espagnols, emmenés par le Premier ministre José Maria Aznar, a été expliquée par le manque de sincérité dû à des prévisions budgétaires irréalistes ; lesquelles ignoraient les conséquences de la crise économique de 2008 sur le pays.
Le peuple espagnol avait alors préféré voter pour la droite emmenée par le Premier ministre actuel Manuel Raron, qui proposait pourtant un programme d’austérité ! Cette expérience espagnole montre bien que le peuple sait rester indulgent envers ses dirigeants lorsqu’ils sont tenus informés sur la situation objective du pays. Au vrai, les propositions politiques devraient faire le choix d’une des deux solutions suivantes: l’austérité budgétaire ou le déficit. Le premier conduirait à dire aux citoyens que notre pays n’a pas une grande potentialité économique. Par voie de conséquence, il faudra réduire drastiquement le train de vie de l’Etat et corrélativement améliorer le rendement fiscal. Cette solution aurait pour conséquence l’effort fiscal de chaque Burkinabè.
Par contre, le déficit budgétaire sera la voie de l’illusion. En effet, le niveau d’endettement d’un pays est proportionnel à sa capacité de mobilisation des ressources. Au regard des performances précitées, il est illusoire de croire qu’il est possible à court terme de mobiliser des ressources très importantes pour un investissement massif. Du reste, il n’est guère permis de penser à la mobilisation de l’épargne intérieure comme alternative immédiate.
Il faut dire aux citoyens, plus particulièrement aux fonctionnaires qui sont parmi les couches les plus favorisés de notre pays, que les salaires doivent être contenus dans un indicateur précis : le ratio de la masse salariale sur les recettes fiscales ne doit pas excéder 35% l’an. Certes, ce n’est pas un tabou infranchissable, mais la soutenabilité de notre budget commande de la prudence. Il faut dire aux Burkinabè que pour 2015, les dépenses de personnel ont été estimées à 469.214.720.000 pour des recettes fiscales estimées à 1.035.210.376.000. Comme disent les civilistes, le bon père de famille a déjà fait des efforts au-dessus de la limite communautaire pour soulager une vraie problématique, il lui faut améliorer les performances des régies pour faire face aux besoins d’investissement revendiqués véhément chaque jour.
C’est pourquoi, Excellence Madame/Monsieur le futur président, la principale priorité de la première partie de votre mandature devra être le bon emploi des deniers publics.

Pr Séni OUEDRAOGO
Agrégé de Droit public, Fiscaliste
Enseignant à l’Université Ouaga 2


L’illusion de la solution minière à court terme

Tous les Burkinabè ont fini par se convaincre que les ressources minières sont la clef de notre développement. S’il faut rester prudent à cet optimisme, il faut se garder d’épouser la théorie de la malédiction des ressources naturelles. A l’évidence par contre, les ressources minières ne devront être une vraie solution que si notre pays parvient à créer une valeur ajoutée au minerai brut. Les résultats du tableau ci-dessous contraignent au réalisme puisque le prix de l’or a connu une chute vertigineuse (passant de plus de 1.900 $ l’once à 1.200 $ actuellement).
A court terme, il ne faut guère parier sur l’impact immédiat des réformes minières pour au moins deux raisons: la clause de stabilisation des contrats miniers et l’incidence non immédiate de la fin de certaines exonérations antérieurement accordées aux compagnies minières.

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