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Techniques agricoles améliorées :Augmenter le taux d’adoption-Par Maria Porter, Melinda Smale et Andrew Dillon

De 1960 à1980, l’Asie et l’Amérique latine ont connu leur «Révolution verte». Cet effort, visant à étendre les techniques agricoles existantes aux nations les moins industrialisées, a entrainé une croissance importante de la productivité agricole.
Cela n’est cependant pas le cas en Afrique subsaharienne, où le rendement des terres et la rentabilité des récoltes sont particulièrement faibles et stagnent depuis longtemps. Des chaînes d’approvisionnement qui fonctionnent mal, un marché du crédit absent ou encore un manque d’information sur les techniques et leur utilisation sont autant de freins potentiels à une adoption plus large de ces méthodes de production agricole. Face à ce constat, de nombreux Etats africains, ONG ou bailleurs internationaux ont commencé à tester différentes stratégies pour encourager l’utilisation d’intrants et de techniques agricoles permettant d’améliorer la productivité. Au Mozambique, par exemple, le gouvernement a lancé un projet de recherche visant à déterminer si un programme de subventions d`intrants agricoles pouvait augmenter leur utilisation. Au total, 514 agriculteurs ont été répartis entre un groupe test, qui a bénéficié du programme, et un groupe témoin, qui a servi de comparaison. La constitution de ces deux groupes a été effectuée par tirage au sort afin d’assurer une comparabilité totale des deux populations et d’identifier rigoureusement l’impact des subventions. Les agriculteurs du groupe test pouvaient obtenir des bons couvrant les 3/4 du coût de semences améliorées et d’engrais. Même si la demande pour cette subvention a été relativement faible (50% des agriculteurs du groupe test sont venus réclamer leur bon), celle-ci a entraîné une augmentation de l`utilisation d’engrais, et cet effet a perduré après la fin du programme, pendant les deux saisons suivantes. De plus, les agriculteurs qui n’ont pas participé au programme, mais dont des amis ou des proches avaient bénéficié d’une subvention ont également augmenté leur utilisation d’engrais, ce qui suggère que la diffusion de l’information sur les avantages des nouvelles techniques agricoles constitue un levier possible pour augmenter la demande.

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En s’appuyant sur les éléments de ces différentes études, une équipe de chercheurs affiliés à l’ONG Innovations for Poverty Action a conduit une évaluation sur l’adoption de techniques améliorées pour améliorer la culture du sorgho au Burkina Faso. Cette évaluation souhaitait tester si le fait de varier le prix des intrants et/ou la période de vente auprès des producteurs augmentent ou non la demande pour des semences améliorées et pour l’engrais, et si les réseaux sociaux des agriculteurs renforcent les messages de vulgarisation tout en promouvant l’adoption de ces intrants. 164 villages ont été répartis par tirage au sort entre six groupes test et un groupe témoin (A-F ci-dessous). Tous les villages du groupe test ont bénéficié de formations conduites par des agents de l’Institut de l’environnement et des recherches agricoles (INERA) sur une technique agricole particulière appelée «le microdosage». En plus de ces formations, les 78 villages du groupe A ont reçu des kits d’intrants agricoles, composés de 7kg de semences améliorées de sorgho et de 32kg d’engrais NPK, distribués gratuitement de façon aléatoire parmi les producteurs. Dans les groupes B (16 villages) et C (15 villages), des kits ont également été distribués gratuitement, mais cette distribution a ciblé les personnes influentes au sein de la communauté. Cette approche a pour objectif d’analyser la diffusion de l’information au sein des réseaux sociaux, et son impact sur l’adoption des nouvelles techniques agricoles. Les groupes D, E et F ont été conçus de manière à cerner les effets de la variation du prix et de la période de vente. Dans chaque groupe, les engrais étaient vendus sur le marché. Dans les villages du groupe D, les foires aux intrants ont eu lieu fin février. Les producteurs qui voulaient acheter de l’engrais au prix du marché devaient les commander à l’avance et verser un acompte correspondant à 5% du prix. Les agriculteurs recevaient l’engrais et devaient payer le reliquat quatre mois plus tard. Les foires aux intrants pour les groupes E et F ont eu lieu en juin, au moment des semis. Dans le groupe E, l’engrais était vendu au prix du marché tandis que le groupe F bénéficiait d’une subvention à hauteur de 20%. Les résultats préliminaires de l’étude montrent qu’offrir aux producteurs la possibilité de s’engager tôt dans la saison pour l’achat de l’engrais entraîne un taux moyen d’adoption de 38%, tandis que lorsque les intrants sont vendus plus tard dans la saison (au prix du marché ou subventionné) les taux moyens d’adoption sont de 6 et de 10% respectivement. Cependant, même si le fait de proposer des kits fin en février a favorisé leur adoption, seuls 40% de kits commandés à l’avance ont été effectivement achetés 4 mois plus tard.
Ainsi cette étude a permis de confirmer l’importance de la période d’achat pour l’adoption d’intrants agricoles, liée aux liquidités détenues par les ménages. Mais pour favoriser davantage l’adoption des intrants, il faudrait effectuer un examen plus approfondi des raisons de la baisse de participation entre février et juin alors même que les producteurs avaient la possibilité de faire leurs commandes à l’avance.

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Innovations for Poverty Action (IPA) et J-PAL laboratoire d’action contre la pauvreté ont pour mission de découvrir et de divulguer des solutions efficaces pour lutter contre la pauvreté dans le monde. En partenariat avec les décideurs politiques, IPA et J-PAL conçoivent, évaluent rigoureusement et aident à améliorer les programmes de développement ainsi que la manière dont ils sont mis en œuvre.

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