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Ouagadougou: dans l’univers des fous

Au phénomène de mendiants qui envahissent la ville et de petits voleurs, est venu se greffer un autre: celui des malades mentaux errants. Le nombre de déficients mentaux qui sillonnent les artères des différentes localités de Ouagadougou est impressionnant. Leur présence effraie, leur tenue ou nudité dérange, ils font quelque fois peur, d’aucuns rebroussent chemin quand ils les croisent. C’est un spectacle désolant que de voir cette frange de la société, qui menace la quiétude des autres à longueur de journée sur les places publiques.
Patte d’Oie, la France-Afrique. En face de la pharmacie Dominique Kaboré. Ce samedi 17 octobre, une jeune femme de la trentaine, totalement nue, est couchée dans un espace balayé qu’elle a aménagé. Les cheveux coupés au ras. Elle, c’est Binta ou Sala ou encore Maï, tous ces noms sont fonction de la localité où elle se retrouve lors de sa pérégrination, pour désigner la jeune femme. Ils désignent la même et seule personne qui ne jouit pas de la totalité de ses facultés mentales.
Alors qu’il est 10h, Sala vient de se réveiller. Juste derrière elle, elle prend un récipient où se trouve une eau sans doute non potable qu’elle boit et utilise pour sa petite toilette. «Depuis que Sala vient ici, elle n’a jamais agressé quelqu’un. Au contraire, lorsqu’elle voit les gens passer elle sourit ou même les salue. C’est une folle propre et sympa même si elle aime la nudité», affirme un riverain, Seydou Mamadou Nikiéma.
Des fous sympathiques aux fous violents en passant par les fous nomades, il en existe de plus en plus à Ouagadougou. En effet, on assiste depuis quelques années à la prolifération des malades mentaux.
Tampouy, marché de Markoussy. Il est 14h ce dimanche 18 octobre et les passants et les riverains se dispersent. Enfants, femmes et hommes courent dans tous les sens. Un homme d’une trentaine d’années, robuste, cheveux hirsutes, habillé d’une chemise bleue et d’un pantalon crasseux, machette en main, arpente la voie du marché. «Machété», comme pour désigner son «jouet», ou encore comme le tueur sanguinaire dans le film espagnol, c’est ainsi qu’on l’a surnommé. Il avance, sa machette sur le dos.
De temps en temps, il la brandit pour menacer ceux qui l’espionnent de par les fenêtres ou des murs des maisons. «Machété arrive», s’écrie un gamin. Tous ses copains courent vers la maison la plus proche. «Machété n’a pas encore agressé quelqu’un ici.
Mais comme c’est un fou, mieux vaut prévenir que guérir», explique un habitant de Markousy, Abou Bambara. «D’où il vient, il parait qu’il a tué et blessé beaucoup de personnes», lance son voisin depuis son mur.
La violence alimente de plus en plus le quotidien de nos «fous et folles», comme en Occident, où certains, pris dans l’étau de la schizophrénie, s’en prennent violemment aux passants. Les fous d’ici, le jour où leurs têtes ne fonctionnent plus normalement, le corps lâche, ils courent auprès les passants avec des cailloux ou des machettes, ou les agressent verbalement. «Une fois, j’étais au marché, un jeune homme est venu sans que je ne sache me tripoter les fesses. Lorsque je me suis retournée, je me suis plaint croyant que c’était une personne normale; il m’a giflée. Comment on peut laisser des gens comme ça sillonner les rues?», s’offusque Anne-Marie Compaoré. Elle confie que personne n’est venu à son secours lorsque le fou l’a frappée. «Ah ! C’est un fou. On peut rien faire, laissez-le avec sa folie, disaient-ils autour de moi. Et ils l’on laissé partir comme si de rien n’était», confie-t-elle révoltée.
Le palmarès des fous ne s’arrête ni aux gifles ni aux insultes, lorsque l’agressé n’est pas extirpé de leurs griffes, il encourt la mort. On se souvient encore de ce fou dans les années 2000 qui tournait dans les quartiers périphériques de Ouagadougou avec une hache, coupant les têtes des individus qui dormaient à la belle étoile.
Comment en arrive-t-on là ?
En plein 13h, au carrefour de Pissy sur la national N1, un fou joue au flic, imitant les gestes des agents de sécurité, il tente de réglementer la circulation. Les gens passent et personne ne dit mot, il crie sur ceux qui ne respectent pas «la procédure».
Selon les riverains, lorsqu’il qu’il perd ses esprits, il délire et hurle: «Pif pif pif…, il faut tous les tuer, ne les laisser pas atteindre les barrières». Ce sont les termes qu’il a l’habitude d’utiliser. «Nous, nous avons peur, parce que le jour où il va avoir une arme, on ne sait pas ce qu’il va faire», s’inquiète Justin Kam.
Au nombre des forfaits des fous furieux et agressifs, un agent d’une banque de la place s’est vu agresser le 28 septembre dernier par un fou armé. «Il était 7h, j’étais dans ma voiture pour me rendre au service, il barrait le passage sur la voie rouge jouxtant les cités ASECNA jusqu’au goudron qui conduit au palais de la culture Jean Pierre Guingané.
Je suis descendu pour lui demander aimablement de me laisser le passage. Il s’est énervé, a dégainé son arme. Je vais te tuer, je vais te buter, me disait-il. J’ai sauté sur lui, et j’ai réussi à le désarmer mais il disposait de beaucoup d’autres armes dans son sac.
J’ai donc pris la fuite laissant mon véhicule», raconte Patrick Ouédraogo, la gorge nouée par l’émotion.
La population ayant réussi à le maitriser a confié que ce dernier était des forces de l’ordre, chauffeur d’un ancien responsable de l’armée et qu’il s’agissait de sa première crise. Aux dernières nouvelles, l’homme est en soins en psychiatrie.
Rejeté par la société et parfois par sa propre famille, le malade mental a toujours été considéré comme atteint de troubles mentaux irrémédiables ou de folie incurable. La maladie mentale ou la dépression n’est en réalité que la traduction de la misère sociale, du chômage et des déceptions. Ces différents maux sociaux fragilisent l’état psychologique de l’individu, le rendant plus vulnérable et incapable de gérer ses émotions.
JB KABORE


Le plus fou !

On trouve dans la ville de Ouagadougou différents types de fous: des nomades, des fous sédentaires squattant les rues à côté des poubelles et dépotoirs, des fous plasticiens jouant avec des objets, des fous comédiens répétant les mêmes gestes tout le long de la journée, des fous travestis,…
Mais les pires des fous, ce sont ces hommes qui veulent s’enrichir à tout prix et qui feraient commerce, raconte-t-on, avec les «esprits», lesquels les obligent en contrepartie de l’acquisition de la richesse à coucher avec des folles.
Dans les CSPS, certaines folles vont accoucher, puis disparaissent dans la nature. Qui sont les pères des enfants ? La ville de Ouagadougou garde pour l’instant jalousement son secret.


«Ouahigouya, la cité des fous !»

C’est fou d’en voir autant dans une ville. Ouahigouya ou «la cité des fous» comme le disent les Gourmaché (leurs parents à plaisanteries) regorge d’une multitude de fous. La légende raconte que c’est dans le souci d’embellir la ville de Ouagadougou, lors d’un évènement important dans les années 90, que l’on a ramassé tous les fous de Ouagadougou pour les y conduire.


 

Pr Arouna Ouédraogo: «Toutes les folies ne sont pas chroniques»

Selon le Pr Arouna Ouédraogo, les personnes souffrant de folie sont également des êtres humains qui ont droit aux soins. (DR)
Selon le Pr Arouna Ouédraogo, les personnes souffrant de folie sont également des êtres humains qui ont droit aux soins. (DR)

Le psychiatre, chef de service de psychiatrie du CHU Yalagdo Ouédraogo, Pr Arouna Ouédraogo, déplore l’abandon des malades par leurs familles.

– L’Economiste du Faso : Qui est-ce qu’on appelle malade mental?
Pr. Arouna Ouédraogo : On peut dire tout simplement que c’est toute personne qui présente une maladie mentale ou encore toute personne souffrant d’un ensemble de dysfonctionnements comportementaux, psychologiques et/ou biologiques.

– A partir de quel moment peut-on dire que telle personne est folle ?
C’est complexe parce qu’il y a des signes qui ne se présentent pas. Chez certaines personnes, la maladie peut être déclenchée d’une seconde à l’autre. Par exemple, vous êtes en train de causer et l’instant d’après la personne émet des discours ou des comportements pas cohérents. Il y a aussi des cas où la maladie peut se manifester et s’étendre progressivement sur plusieurs mois, voire sur plusieurs années.

– Y a-t-il plusieurs types de maladies mentales?
Il y a plus d’une centaine.

– Quels sont les plus fréquentes au Burkina, les cas que vous rencontrés le plus?
Nous rencontrons des affections aiguës, et parmi lesquelles il y a des étapes psychotiques aiguës que nous rencontrons très fréquemment. A l’intérieur, il y a aussi des cas de troubles chroniques, dominés par des psychoses chroniques au nombre desquelles l’on peut citer les schizophrènes.
– La folie est-elle une maladie incurable ?
Il y a des cas où le traitement efficace permet d’avoir une guérison clinique. Mais dans les cas de folies chroniques, la maladie évolue sur une longue période et parfois jusqu’à la mort. J’insiste sur le fait que toutes les maladies ne sont pas chroniques.

– Un mot à l’endroit des personnes qui cachent ou qui abandonnent des personnes souffrant de maladies mentales?
Ce sont des conduites à proscrire car il s’agit d’êtres humains qui ont aussi droit à l’entraide de la famille, de la société. Et aussi, ils ont le droit d’être soigner. Pour ceux qui ne comprennent pas ces dimensions, il faut savoir qu’il faut entreprendre un traitement qui pourrait améliorer la qualité de vie de la personne souffrante. Nous invitons les familles à entreprendre des démarches auprès de structures sanitaires afin qu’elles puissent entreprendre les traitements.

– Parlant de structures sanitaires, comment se fait la prise en charge à l’hôpital Yalgado ?
Nous recevons les malades. En fonction de leurs états, il est proposé une hospitalisation complète et dans d’autres cas nous proposons la prise en charge à titre ambulatoire, c’est-à-dire que le malade est en famille et revient régulièrement pour des soins. Quels que soient les types de prise en charge, nous avons des moyens médicamenteux et psychologiques complémentaires qui permettent une amélioration de l’état des malades.

– Est-ce qu’il arrive qu’on vous envoie des malades sans famille, comment est la prise en charge dans ces cas ?
Oui hélas, il y a ce cas de figure. Il arrive des fois que les forces de l’ordre nous amène des malades désocialisés, qui n’ont pas de famille connue et qui erraient dans les rues. Cela nous cause des difficultés supplémentaires à cause du manque d’accompagnant. Cela ne veut pas dire que l’on peut refuser la prise en charge de ces malades. Nous essayons avec les moyens de bord d’apporter des éléments de réponses thérapeutiques à leur mal.

J. B. KABORE


Le rôle des autorités …

Les malades mentaux ont pour maison la section psychiatrie de l’hôpital Yalagdo, mais depuis quelques années, cette maison ne semble plus être à mesure d’accueillir tous les malades mentaux au vu du nombre croissant de malades qui squattent les rues. Qui s’occupe alors de tous ces fous?
Il faut noter qu’aucune association ne s’active pour apporter un semblant de coup de main. Il y a un manque flagrant d’infrastructures d’accueil et de campagnes de sensibilisation de la société sur la pathologie mentale. Il est évident que pour la sécurité des populations, des solutions s’imposent.
Il faut mobiliser l’attention des services sanitaires, de la société civile qui a sa part de responsabilité vis-à-vis de cette tranche marginalisée.
Il faut tirer la sonnette d’alarme sur la situation inquiétante de ces personnes errantes, qui sont avant tout des êtres humains, mais constituent un danger pour eux-mêmes et pour les autres du fait de leur état.
Il est souhaitable de les prendre en charge sur le plan médical et dans un milieu spécialisé. Les pouvoirs publics doivent s’y pencher sérieusement quitte à élargir la capacité d’accueil de la psychiatrie ou créer un autre endroit spécialement pour les fous furieux. Et dans la même veine, créer une police spéciale pour assainir les rues de certains déficients mentaux avant qu’ils n’agressent les individus.
Il est grand temps de prendre les mesures appropriées à ce phénomène qui, outre la psychose, présente un danger réel pour la vie des citoyens. Bon nombre de ces vagabonds aliénés pourraient éventuellement recouvrer leur santé mentale s’ils étaient régulièrement pris en charge.
Malheureusement, à défaut d’une prise en charge adaptée et sous le regard indifférent de tous, l’état de santé de ces malades mentaux, abandonnés et livrés à eux-mêmes, ne fait que s’aggraver davantage, surtout en saison hivernale qui est la période la plus difficile pour eux.


Sénégal : la société civile est déçue du premier rapport ITIE

Le Sénégal a publié le 23 octobre 2015 à Dakar son premier rapport ITIE, couvrant la période 2013. Ce rapport intervient 18 mois après que le pays ait obtenu le statut de pays candidat.
Mais après avoir parcourus le document, Aly Sagne, Président de Lumière Synergie pour le Développement, une organisation de la société civile exprime sa déception et son indignation. « Le rapport ITIE est une exigence de la Norme, sa qualité et sa crédibilité reposent essentiellement sur ces 3 critères :
Il doit fournir des informations contextuelles sur les industries extractives ;
Il doit porter sur des déclarations exhaustives ;
Il doit être basé sur des informations fiables, et conformes aux normes internationales en la matière » indique-t-il.
Malheureusement, il constate que le rapport, réalisé du cabinet Fair Links, bien que faisant dans politiquement correct, est très critique sur des manquements graves relatifs à ces éléments qui, du reste constituent des critères essentiels dans l’appréciation « assurance qualité » de la Norme ITIE !
En effet, sur 15 exigences définies dans la phase actuelle où se trouve le Sénégal, l’analyse du rapport met en évidence le non-respect de 5 d’entre elles et non les moindres.
D’autre part, le rapport évoque l’existence d’écarts importants entre les déclarations des organismes collecteurs de l’Etat et celles des entreprises extractives. « Même si par ailleurs, Fair Links n’est pas en mesure d’expliquer ses écarts importants, ceci renseigne au moins sur un gap énorme en matière de transparence du secteur » précise Aly Sagne.
Malgré tout, Lumière Synergie pour le Développement, exige du gouvernement la mise en œuvre et le suivi effectif de toutes les recommandations issues du rapport tout en exhortant ses collègues de la société civile à s’impliquer résolument dans ce suivi des recommandations.

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