Le profil-type des classes moyennes dans les pays africains vient d’être présenté par une nouvelle enquête sur cette catégorie de personnes. C’est CFAO, un leader en Afrique de la distribution des équipements, services et biens de consommation produits par des grandes marques internationales, qui a réalisé cette étude en partenariat avec l’institut de sondage IPSOS et le cabinet de conseil Bearing Point. L’étude intitulée «Les classes moyennes en Afrique, quelle réalité, quels enjeux?» avait pour objectif de quantifier la classe moyenne en Afrique et de mieux comprendre ses habitudes de consommation.
La classe moyenne définit une catégorie de consommateurs au sein de la population. C’est elle qui, majoritairement, achète sur le marché et fait bouger la production dans les entreprises. Grâce à sa consommation, la classe moyenne influence la croissance et fait évoluer le rythme du développement. D’où l’intérêt pour les projections économiques et particulièrement pour le secteur de production industrielle et de la distribution de la connaitre. Maitriser les caractéristiques de la classe moyenne permet d’anticiper ses besoins et d’ajuster l’offre sur le marché.
Dans un contexte où l’Afrique est présentée comme un marché en pleine croissance et porteuse d’avenir pour les multinationales, notamment, ses classes moyennes font l’objet d’un grand intérêt mais aussi de nombreuses spéculations.
La toute première étude sur les classes moyennes africaines a été réalisée par la Banque africaine pour le développement (BAD) en 2011. Toutefois, les résultats de l’enquête de la BAD peinaient à faire l’unanimité. La BAD n’avait considéré que les revenus et comptabilisé dans la classe moyenne toute personne disposant de 2 à 20 dollars par jour. C’est ainsi que déjà en 2010, environ 34 % de la population africaine, soit près de 327 millions de personnes sur le continent, étaient considérés comme appartenant à la classe moyenne. Par ailleurs, les projections étaient très spectaculaires et prédisaient que le continent deviendrait très rapidement le premier pôle de consommation au monde. De nombreux observateurs avaient alors estimé que l’enquête de la BAD a surestimé la réalité. En outre, l’étude de la BAD, qui reste intéressante d’un point de vue macroéconomique, paraît insuffisante pour éclairer les entreprises spécialisées dans les biens de consommation, dont la principale cible est ces nouveaux consommateurs.
La nouvelle étude réalisée par CFAO et présentée le 15 octobre dernier essaie d’être plus réaliste. Elle a adopté une approche différenciée selon les régions du continent. Elle est moins euphorique que celle de la BAD, mais elle confirme que «la tendance qui se dessine clairement est celle d’une croissance plus rapide des classes moyennes africaines au cours de la prochaine décennie».
Les nouveaux consommateurs pourraient représenter 224 millions d’individus sur le continent africain à l’horizon 2040. Selon la CFAO, la classe moyenne africaine comprennait 78 millions de personnes en 2010. C’est largement en dessous des 327 millions annoncés par la BAD. Pour dégager ces chiffres, l’enquête de CFAO a administré des questionnaires dans plus de 4.000 foyers africains répartis dans cinq pays moteurs du continent choisis pour leur complémentarité, à la fois géographique, économique, sociale et culturelle (Maroc, Cameroun, Côte d’Ivoire, Nigeria et Kenya). Et pour compléter qualitativement les résultats de l’étude, des enquêtes sociologiques ont été conduites auprès de 50 ménages afin de cerner en profondeur leurs habitudes, leur perception de leur propre situation économique et leurs valeurs.
Au total, il y a eu environ 29 paramètres autres que le revenu qui permettent de segmenter les populations et de définir la classe moyenne. Les réalités révèlent cependant que les classes moyennes ne sont pas les mêmes dans les 54 pays du continent. Elles n’ont pas le même pouvoir d’achat et ne fonctionnent pas de la même manière psychologiquement.
Ainsi, par exemple, la classe moyenne au Burkina ne saurait être comparable à celle de la Tanzanie. D’après les experts de l’enquête, la classe moyenne comprend une catégorie basse qui regroupe les ménages dont les revenus sont compris entre 12 et 25 dollars par jour environ et une plus haute concernant ceux qui gagnent quotidiennement entre 25 et 60 dollars.
Tout un ensemble de données qui devraient être très utiles pour les entreprises qui veulent toucher ces nouveaux consommateurs.
Karim GADIAGA
Les traits caractéristiques de la classe moyenne
Selon l’enquête CFAO, les nouveaux consommateurs africains sont majoritairement des salariés du secteur privé sortis d’une logique de subsistance et qui privilégient la consommation locale. Ils dépensent un quart de leurs revenus pour leur alimentation et gèrent rigoureusement leurs budgets. Ils cumulent souvent emplois formel et informel et investissent dans l’avenir, notamment dans l’éducation de leurs enfants.
Ils considèrent les supermarchés comme les garants de la qualité des marques internationales et les fréquentent au minimum une fois par mois. Le paiement en espèces reste leur mode de règlement le plus courant, mais selon le niveau de développement du pays, la carte bancaire et le paiement mobile sont utilisés. L’étude souligne également que les classes moyennes sont généralement bien équipées en matériels technologiques (télévisions, Smartphones, équipements informatiques, etc.).
Enfin, le projet immobilier est très important pour elles: 39 % sont déjà propriétaires et parmi ceux qui ne le sont pas, 68 % espèrent le devenir dans un délai de deux ans.