La commission d’enquête parlementaire sur la fraude fiscale, l’impunité fiscale, les restes à recouvrer des régies de recette ainsi que les chèques revenus impayés du trésor sur les années 2012, 2013 et 2014 a remis son rapport au président du Conseil national de la transition (CNT), Cheriff Sy, et au gouvernement, le vendredi 16 octobre 2015. C’est un rapport «accablant» qui met à nu les défaillances du système financier burkinabè. L’Etat économiserait des dizaines de milliards de francs CFA si ce «réseau de complicité entre les agents» était défait.
Le CNT n’a pas fini de dévoiler «la pagaille», «les complicités» et la «mauvaise foi» qui font loi dans la gestion des finances publiques burkinabè. Des fraudes organisées, de la mauvaise foi, des faux documents, de truquages de logiciels, bref, notre système financier croupit dans la misère qu’il a lui-même épousée et entretenue. La commission d’enquête parlementaire sur la fraude fiscale, l’impunité fiscale, les restes à recouvrer des régies de recette ainsi que les chèques revenus impayés du trésor sur les années 2012, 2013 et 2014 a dévoilé le fruit de ses deux mois d’enquête le 16 octobre dernier. «Cette enquête a permis au niveau des administrations fiscales de prendre conscience qu’il y a un problème et que beaucoup d’administrations étaient assises sur ce phénomène. Au niveau des dettes à recouvrer, nous avons vu des dettes de 10 ans, 15 ans et même 20 ans. On a vu un seul contribuable qui a émis 102 chèques impayés», s’indigne le vice-président de la Commission d’enquête, Alexandre Sankara. Pour lui, il ne fait aucun doute qu’il existe «un réseau de complicité entre les agents». Il cite pour preuve des logiciels comptables truqués ou même volontairement oubliés. Au cours des enquêtes, il confie que des contribuables qui ont été auditionnés ne savaient même pas qu’ils étaient redevables à l’Etat. A qui la faute ? Le trésor public qui ne relance ni les contribuables ni les banques pour les informer que les chèques ne passent pas.
Cependant, à la faveur de l’enquête, des personnes physiques dont des personnalités de l’ancien régime et des personnes morales ont soldé leurs dettes ou ont pris des engagements avec le trésor public pour commencer à payer. Au cours des auditions, la commission a «engrangé près de 4 milliards de francs CFA», souligne Alexandre Sankara. Toujours selon lui, six anciens ministres du gouvernement déchu ont même épongé une partie de leurs dettes, tandis que six entreprises ont été entendues et une d’entre elles (EBOMAF) a épongé sa dette de 700 millions de francs CFA sur le champ.
Des Restes à recouvrer (RAR) difficiles à quantifier
Trop de pertes enregistrées : des fraudes fiscales et des milliers de chèques impayés. Conséquences, des sommes colossales de restes à recouvrer au niveau des impôts, des douanes et du trésor. La fraude sur le carburant, uniquement, a engendré des pertes de plus de 21 milliards de francs CFA pour l’Etat. Les restes à recouvrer au niveau de la direction des grandes entreprises et celles de moyennes entreprises de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso (DGE et DME) sont estimés à plus de 123 milliards de francs CFA. Les RAR au niveau de la direction générale des douanes sont estimés à plus de 29 milliards de francs CFA contre plus de 49 milliards représentant les restes à recouvrer des prêts contractés par les membres du gouvernement, des présidents d’institution, des députés et des personnes morales de l’ancien régime, de 2012 à 2014. Les pertes de l’Etat sont énormes.
Difficile selon Alexandre Sankara d’évaluer ces pertes, compte tenu du caractère insaisissable de certaines opérations. Des dizaines, voire des centaines de milliards de francs CFA sont absorbées par les fraudes et le « laxisme ». La commission a pointé du doigt d’énormes défaillances au niveau du système financier du pays. On retiendra : les déclarations de faillite sans cessation d’activités, les présentations volontaires de bilans toujours déficitaires, l’utilisation frauduleuse d’Identifiant fiscal unique (IFU), le non versement des TVA collectées, les certifications de faux bilans par des experts comptables, les fausses factures, les fausses déclarations, la falsification des documents, etc.
Le président du CNT a remis le rapport au gouvernement par l’entremise de François Lompo, ministre de l’Agriculture, qui à son tour a promis de le transmettre au chef du gouvernement qui l’analysera et prendra des mesures.
O.S