Société-Culture

Coup d’Etat manqué : Syndicats /Armée, la synergie inattendue

Le véritable gagnant de l’échec du coup d’Etat du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) est le peuple burkinabè dans son ensemble. Mais les syndicats, que d’aucuns taxaient de travailler contre la transition, ont redoré leur image fortement écornée depuis l’insurrection d’octobre 2014.

L’opinion publique burkinabè accusait les syndicats de n’avoir pas rejoint les rangs de la contestation contre la révision de l’article 37 qui a conduit à l’insurrection. Pire, les syndicats ont été taxés de travailler contre la transition. Leurs détracteurs se basent sur les faits suivants.
Dès les premiers moments de la transition, les syndicats ont rejeté certaines nominations dans les ministères (Infrastructures et Fonction publique) et au CAMEG. Ils ont soutenu les revendications et grèves engagées par les travailleurs de la BRAKINA, de la SAP avec occupations d’usines, de la SOCOMA, de la SOFITEX, de FASOPLAST, de la SEMAFO, de la Société des mines du Belahourou, des transporteurs qui ont bloqué divers axes routiers, des agents de CANAL 3, des greffiers, des contrôleurs et inspecteurs du travail. Le 8 avril 2015, le monde syndical s’est mobilisé auprès de la CCVC pour une Journée nationale de protestation. Ces actions ont perturbé la sérénité de la transition qui a eu du mal à prendre ses marques.
Le mouvement syndical s’en est toujours défendu. Dans le message adressé au gouvernement le 1er mai 2015 à la faveur de la Fête du travail, ils ont estimé «qu’aucune organisation ne peut se targuer d’avoir organisé l’insurrection. Par contre, nul ne peut nier qu’elle a été préparée par une longue lutte du mouvement démocratique et révolutionnaire à laquelle les syndicats ont contribué activement».
C’est dans ce contexte qu’est intervenu le coup d’Etat. Dès que la nouvelle de la prise en otage du Conseil des ministres a été rendue publique le 16 septembre dans la soirée, le mouvement syndical a lancé un mot d’ordre de grève illimitée. Un mot d’ordre bien suivi par le monde des travailleurs, puisque pratiquement tous les services publics et privés sont restés fermés.
N’est- ce pas pour cela qu’au sortir du premier Conseil des ministres d’après-putsch tenu le vendredi 25 septembre 2015 Augustin Loada, ministre de Fonction publique, a reconnu que: «Le mouvement syndical a joué un rôle très important dans la résistance»
En guise de reconnaissance, «un message de gratitude du gouvernement» a été adressé au mouvement syndical selon le ministre qui a informé par la même occasion qu’il comptait négocier la levée du mot d’ordre de grève décrété par les syndicats.
Le message a été transmis aux syndicats qui ont suspendu (et non levé) leur mot d’ordre de grève le samedi 26 septembre 2015 en appelant leurs militants à reprendre le travail dès le lundi 28 septembre, au cours d’une conférence de presse organisée le samedi 26 septembre. Pour les syndicats, de nombreuses mesures prises ont milité en faveur de leur décision, dont la dissolution du RSP prononcée en Conseil des ministres, le début du désarmement de ce corps de l’armée, la publication de la liste des personnes ayant leurs avoirs gelés, etc.
Les syndicats reviennent de loin. Accusés hier d’être en marge de la transition, ils sont cités aujourd’hui parmi les héros de la résistance contre le coup d’Etat.
Elie KABORE


Les syndicats accusent

Après l’insurrection, s’en sont suivies des concertations pour l’adoption d’une charte et la mise en place des organes de la transition. Les syndicats relèvent avec amertume que les différentes concertations menées ont tenu à l’écart bon nombre d’organisations représentatives telles que le mouvement syndical dans son ensemble. Pendant que 10 places étaient accordées au CDP, on a entendu des responsables de groupuscules associatifs ayant à peine une année d’existence pour la plupart théoriser sur le fait que les syndicats ne méritaient aucune place dans les organes de la transition, sous prétexte qu’ils n’ont pas pris part à l’insurrection.
Le 20 novembre 2014, les syndicats ont annoncé qu’ils ne participeraient ni au gouvernement, ni au Conseil national de transition (CNT). Par contre, ils estimaient qu’ils avaient leur place dans la Commission de réconciliation nationale et des réformes. Dans ce sens, ils ont adressé une correspondance au Premier ministre le 30 janvier 2015 avec ampliation au président du CNT pour qu’on leur permette d’être présents dans les différentes sous-commissions. Cette demande est restée sans suite.o
L’armée nationale applaudie

L’armée nationale a joué un rôle essentiel dans le démantèlement du RSP. Suite au coup d’Etat, les populations des différentes villes du pays ont organisé des manifestations quotidiennes. Dans les villes qui abritent des camps militaires, les manifestants ont lancé des appels à l’armée afin qu’elle prenne ses responsabilités. Un appel très bien reçu puisque des unités venues des provinces ont dans un premier temps contraint le RSP à regagner ses camps, à signer un accord pour son cantonnement et son désarmement et dans un deuxième temps lancé l’assaut sur les bases du RSP. L’action de l’armée nationale a été saluée à sa juste valeur par les populations. Elle rompt d’avec l’image négative que bon nombre de citoyens avaient d’elle.

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