On a eu peur pour les salaires du mois de septembre. Tombera, tombera pas? C’est une des préoccupations qui se sont posées aussi bien pour les travailleurs du secteur public que ceux du privé en cette période.
En effet, depuis le soir du 17 septembre 2015, les syndicats de travailleurs observent une grève illimitée de protestation contre le coup d’Etat.
Si les uns ont répondu au mot d’ordre de leurs syndicats, les autres se sont abstenus de se rendre au travail pour des raisons de sécurité. Une situation qui n’est pas sans conséquence sur la disponibilité des salaires en cette fin du mois.
Du côté de la Fonction publique, des mesures ont été prises afin de rendre les salaires disponibles le 23 septembre dans l’après-midi. Selon des sources émanant de la Direction générale de la solde et de l’ordonnancement d’une part et de la Direction générale du trésor et de la comptabilité publique, cela a été rendu possible parce que l’essentiel du travail avait été fait avant et pendant le coup d’Etat. Mais avec la fermeture des banques, il était difficile pour les agents d’avoir accès à leur dû.
Les salaires du public sont mis à la disposition des agents suivant une chaine de travail, et nos sources nous expliquent comment se fait le traitement à chaque étape de la chaine.
Le point de départ du traitement salarial est la Solde. C’est à ce niveau que s’effectue le travail de calcul, de vérification et correction des salaires.
Ce travail s’effectue en début de mois sur la base du logiciel SYGASPE. Selon nos informations, pour les salaires du mois de septembre 2015, la Solde avait terminé son travail le mercredi 16 septembre 2015, jour même de la prise en otage du président de la Transition lors du Conseil des ministres.
Après la Solde, c’est le Trésor public, précisément la paierie générale, qui prend le relais. C’est donc au niveau de la paierie générale que s’effectuent la préparation des bons de caisse et les virements des salaires dans chaque banque. Du fait de la grève et du climat d’insécurité, les fonctionnaires s’inquiétaient de ce que ce service ne puisse pas travailler. Une source interne nous rassure que des agents ont bravé les obstacles pour assurer le travail en toute clandestinité jusqu’au lundi 21 septembre 2015 avant de regagner leurs domiciles parce que les rumeurs faisaient état d’un affrontement entre militaires venus des provinces et le Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Mais comment s’effectuent les virements ?
Le Trésor public adresse à chaque banque un chèque trésor accompagné d’un bordereau qui indique la liste des agents dont les comptes bancaires y sont domiciliés.
Il appartient à chaque banque de procéder au positionnement des montants indiqués dans les comptes des agents. Ce travail se fait généralement autour du 20 et 22 de chaque mois, mais selon une convention verbale entre le Trésor et les banques, ces dernières ne sont invitées à mettre les salaires à la disposition des agents que le 25 du mois. Mais pour des raisons de marketing, certaines banques dès réception du chèque du Trésor fournissent les salaires aux agents. C’est d’ailleurs à cette date que les agents payés au billettage reçoivent leurs salaires.
Il ne restait plus que l’étape du virement pour que les salaires soient disponibles dans les différentes banques.
Cependant, deux difficultés majeures se sont dressées. Dans un premier temps, le virement des salaires a coïncidé avec la période où l’actualité était dominée par l’absence de gouvernement et l’affrontement imminent entre frères d’armes. Il était impossible d’avoir un agent dans un bureau et un responsable pour les différentes signatures. Ce qui a donné des sueurs froides aux 135.563 agents que compte la Fonction publique. Cette étape avait été franchie. Mais aucune banque de la place n’était ouverte pour réceptionner les demandes de virement afin de les traiter. Cette situation inquiétait encore plus. Une inquiétude vite levée après la conférence de presse des syndicats qui ont annoncé la disponibilité des salaires pour l’après-midi du 23 septembre. Les banques ont positionné les différents montants dans les comptes et on pouvait observer de longues files devant les distributeurs automatiques immédiatement. Le jeudi 24 septembre, jour de Tabaski, la quasi-totalité des banques a ouvert ses portes jusqu’à midi pour le paiement des salaires.
En rappel, les dépenses des 135.563 agents que compte la Fonction publique sont évaluées à 469,214 milliards de FCFA, avec une masse salariale brute mensuelle de 29,211 milliards de F CFA et un net à payer de 25,920 milliards de F CFA. La masse salariale des agents publics connait une hausse de 68 milliards de FCFA, soit 17% de plus entre 2014 et 2015.
En 5 ans, elle a augmenté de 223,773 milliards de FCFA puisqu’elle est passée de 245,441 milliards de FCFA en 2010 à 469,214 milliards de FCFA en 2015, représentant un taux d’accroissement de 91,17%.
Elie KABORE
ONG et secteur privé, même galère!
Pour ce comptable d’une Organisation non gouvernementale (ONG) de la place, habituellement, les ordres de virement des salaires des agents de son service sont déposés dans les banques au plus tard le 20 du mois. Dès le 22 du mois, les agents pouvaient disposer de leurs salaires. Avec la situation, tout le personnel a été «libéré» dès le 17 septembre.
Il n’y a donc personne au bureau pour signer le moindre papier. Même si c’était le cas, aucune banque n’était ouverte pour recevoir les ordres de virement. La même situation est vécue par les agents du secteur privé.
Incertitudes pour les salaires de fin octobre
Si les salaires du mois de septembre des travailleurs du public ont été payés à bonne date, ceux du mois d’octobre pourraient connaitre des difficultés. En effet, la situation nationale marquée par la fermeture des services publics et privés et le ralentissement de l’activité économique d’une manière générale impacte la mobilisation des recettes. Il nous revient qu’à la date du putsch, la Direction générale des impôts affichait un taux de recouvrement de 21% par rapport aux prévisions du mois de septembre.
Cette situation est aussi observable à la Direction générale des douanes. Une situation qui impacte la disponibilité des ressources propres et le paiement des dépenses, y compris les salaires.