Situation inhabituelle dans le secteur bancaire du Burkina Faso! Les banques et établissements financiers sont restés fermés une semaine durant suite au putsch du 17 septembre dernier. Entre manifestations et répressions, les banques et établissements financiers ont préféré baisser leurs rideaux de fer pour non seulement mettre leurs personnels à l’abri des balles, mais aussi éviter d’être la cible d’individus mal intentionnés comme ce fut le cas lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.
En effet, beaucoup de banques avaient été vandalisées par des manifestants profitant de la situation chaotique. Tirant leçons de cette situation, les banques ont cette fois-ci pris les devants. Fermeture totale. Aucun service minimum offert. «Nous avons choisi de ne pas prendre de risque. Nous nous devions de sécuriser les biens que nous ont confiés nos clients», nous a confié au téléphone un patron de banque qui a requis l’anonymat. Et d’ajouter que «certaines d’entre nous ont payé un lourd tribut en octobre dernier». Les pertes suite aux casses de l’insurrection subies par l’ensemble des institutions bancaires attaquées en 2014 se chiffraient à près de deux milliards de F CFA, selon Docteur Ra-Sablga Ouédraogo, coordonnateur de l’Institut Free Afrik.
La concurrence dans le milieu bancaire et celui des établissements financiers est très accrue ces dernières années. En plus des nouveaux produits et services développés pour appâter le client, on a assisté à l’ouverture de nouvelles agences à travers le pays et surtout dans les quartiers des grandes villes du pays. Un avantage certes, mais aussi un inconvénient. Elles se retrouvent ainsi à découvert sur les théâtres des manifestations en cas de crise. Cette fois-ci, les appels contre les casses ont été entendus. Les banques n’ont pas été touchées, mais le client a failli y laisser sa peau. La présente situation a été révélatrice de l’état de précarité de lequel vit la majorité des Burkinabè. Les travailleurs de l’administration privée comme du secteur public perçoivent leurs salaires à partir du 25 du mois. La crise est donc intervenue à un moment où de nombreux travailleurs tiraient le diable par la queue. Pas de quoi faire des provisions pour assurer la pitance quotidienne de la famille.
En pareille circonstance, nous explique un client, Constant Zongo, «nous bénéficions de la compréhension des banques à travers des octrois d’avance de solde. Solution non envisageable au vu de la fermeture des banques et établissements financiers. Aussi, les Guichets automatiques de banque (GAB) se sont vidés de leurs contenus dès le lendemain de la fermeture des banques».
L’ampleur de la crise était telle que personne ne pouvait prédire quand elle prendra fin. Les jours passaient et les choses se compliquaient. Fermeture des banques, marchés, magasins et boutiques, l’assèchement des GAB, couvre-feu, insécurité, etc.
Que faire alors pour survivre? Mamadou Ouédraogo, «fonctionnaire en arrêt forcé de travail» comme il se définit, tente une réponse : «On ne sait pas à quel saint se vouer ». Et son ami Adama Ouédraogo, fonctionnaire lui aussi, de répliquer : «Je dirais plutôt qu’on ne sait pas à quelle banque se vouer». Tous dans le groupe de huit personnes éclatèrent de rire et Adama Ouédraogo de préciser sa pensée: «Ce qui nous arrive n’est pas le fait de Dieu, mais des hommes». La discussion s’anima au sein du groupe et chacun y est allé de ses commentaires. Des commentaires, il s’agissait en réalité de malédictions proférées à l’endroit des auteurs du coup de force déclencheur des désagréments vécus par les populations.
Germaine BIRBA
Tabaski : «J’ai prié à la banque»
La crise a éclaté à une semaine de la célébration de l’Aïd el Kébir ou encore Fête du mouton. A l’occasion, les musulmans qui ont les moyens se devaient de sacrifier un mouton. Mais au fil du temps, beaucoup ont perverti la nature et l’esprit de cette fête, faisant du sacrifice du mouton une obligation, voire une question d’honneur. «Il me faut un mouton à tout prix, sans quoi je ne pourrai plus marcher la tête haute dans le quartier après la fête». Ceci est une confession de El Hadj Ibrahim Sana, rencontré après la prière du soir dans une mosquée du quartier Pissy.
Malgré le couvre-feu, il a tenu à dire qu’il a été au pèlerinage à la Mecque il y a deux années de cela et que, par conséquent, avec ou sans banque, il lui faut trouver de quoi s’acheter «un bon mouton» pour la fête. Mais l’espoir est revenu ce 23 septembre suite au retour à la normale marqué par la réhabilitation du président de la Transition Michel Kafando et à l’ouverture des banques le 24 septembre, jour de la Tabaski.
Les banques et les établissements financiers, suite à l’appel des syndicats, ont décidé d’assurer un service minimum ce jour-là de 8h à 10h. Le temps était tellement bref qu’ils ont été pris d’assaut dès les premières heures. Toute chose qui n’a pas permis à tous de se rendre à la prière de l’Aïd el Kébir. «J’ai prié à la banque», déclare Youssouf Traoré qui a préféré aller faire un retrait à la banque pour ensuite se rendre au marché de moutons. «Dieu me pardonnera», ajoute-t-il avec conviction, comme pour se donner bonne conscience.