LES artisans et vendeurs d’objets d’art de Bobo sont à la peine. Tous crient à la mévente de leurs oeuvres, dont la principale raison est la rareté de touristes européens, leurs clients fidèles. Pendant que le village artisanal de la cité de Sya est en phase de construction, les artisans craignent pour l’avenir de leur métier.
Autrefois, la capitale culturelle du Burkina, la cité de Sya, était très réputée pour ses diverses boutiques de vente d’objets d’art, sans oublier ces touristes qui sillonnaient ça et là les boutiques pour acheter qui des statuettes, qui des djembés, des objets d’art culturels propres au terroir. Fabricants et vendeurs de ces objets ont du mal aujourd’hui à joindre les deux bouts ou, du moins, c’est ce que les concernés laissent entendre. Et pour cause, il n’y a presque plus d’acheteur.
Pour Alassane Diarra, vendeur d’objets d’art sculptés, cette mévente remonte à 2010 avec le conflit armé malien à l’occasion duquel le corridor des touristes est coupé avec l’occupation du nord du Mali par les rebelles et les djihadistes. Il explique que les touristes qui passaient par les falaises de Bandiagara au Mali jusqu’à Sindou au Burkina en passant par Fabédougou ont vu leur itinéraire occupé par les djihadistes depuis leur entrée au Mali en 2010, et ce serait à partir de cette date que leur calvaire a commencé.
Du même coup, les grossistes européens, selon Mohamed Abdoulaye, vendeur des objets d’art, se sont raréfiés; toute chose qui n’est pas sans répercussion sur le marché d’art tant à Bobo que dans d’autres localités. Il va plus loin en ajoutant que le terrorisme en Afrique a fortement contribué à la chute du marché. Alassane Diarra, lui, déplore le fait que les Africains eux-mêmes méprisent les objets d’art sous prétexte que ce sont des choses qui n’intéressent que les Blancs. « On a remarqué qu’il y a parfois beaucoup de gens qui viennent regarder nos oeuvres, tout en reconnaissant qu’elles sont belles, ils disent que c’est bien pour les Blancs. Et cela me touche de voir qu’on pense que le luxe est propre aux Occidentaux, ainsi que des choses fabriquées ici par nous-mêmes. Cela me donne l’impression que les Africains ne connaissent pas la valeur de leur culture », s’indigne Alassane Diarra.
Est-ce vraiment une question de bourse si les Africains estiment que les objets d’art sont bien pour les touristes européens ? A cette question, Salif Sanou, un acheteur occasionnel de ces objets, dira le contraire. Pour lui, ce n’est que simple complexe propre aux Africains, prompts à consommer ce qui vient d’ailleurs, à l’image des poupées qu’ils adorent tant au détriment des statuettes par exemple.
Assina Abdrahamane, ancien vendeur d’objets d’art, exprime son ras-le-bol pour dire que la vente d’ objets d’art ne nourrit plus son homme au Burkina et cela depuis une décennie, ce qui l’a conduit à cesser ce métier. Pour lui, il revient à l’Etat burkinabè de tout mettre en oeuvre pour sauver l’artisanat. Il fustige l’organisation du SIAO, car «là-bas, c’est l’océan où les gros requins mangent les plus petits», dit-il.
En somme, le domaine de l’artisanat décline dangereusement avec un nombre impressionnant d’acteurs qui sont menacés de chômage. Sans clientèle, aucune institution n’est prête à financer cette activité; déjà que le financement est quasi-inexistant. En attendant, les artisans sont contraints de tirer le diable par la queue. Or la résolution définitive de la question du terrorisme en Afrique n’est pas envisageable à court terme pour espérer un retour massif des touristes.
JD