EN 2014, l’orpaillage au Burkina a engendré 208 kg d’or, contre 431 en 2013, soit une baisse de 51,8%. Selon ces chiffres du gouvernement, la contrebande d’or serait la cause de cette baisse de rendement enregistrée. Une grande quantité d’or est exportée illégalement hors du pays. «Pourquoi ces comptoirs se donnent tant de mal à exercer leur métier dans l’illégalité alors qu’ils pourraient travailler légalement ?», s’est interrogé Patrick Gagnon, président de l’Association des grands exportateurs d’or artisanaux au Burkina Faso (AGE/OAB), lors d’une conférence de presse le 15 septembre dernier.
Pour lui, l’AGE/OAB, créée en août dernier, pourrait être la panacée à la contrebande d’or. L’une des missions de l’AGE/OAB sera de proposer des améliorations à l’achat final de l’or et à son exportation à l’international.
Le coût d’exportation d’un kilogramme d’or dépasse les 500.000 F CFA TTC au Burkina. Selon les chiffres avancés par M. Gagnon, le profit ne dépasserait pas les 200.000 F CFA. «Il est donc impossible de travailler à perte à coup de 300.000 F CFA /kg quand des pays comme le Togo, le Bénin ou le Ghana ont des frais d’exportation de plus de 10 fois moins élevés».
Face à ce problème, l’AGE/OAB sollicite l’aide du gouvernement de transition.
L’idée est de permettre aux grands exportateurs d’or d’être plus compétitifs dans leurs prix d’achat d’or pour contrer la fraude et maximiser l’exportation d’or directement du Burkina vers l’international.
Ainsi, Patrick Gagnon propose la mise en place d’un agrément de type VIP pour ces grands exportateurs. Ce ticket d’entrée aura un coût supplémentaire initial et un coût mensuel fixe. «Ce coût mensuel permettrait d’exporter un nombre de kg illimité par mois par titulaire d’agrément de type VIP, avec un ajout de 1.000 F CFA symboliques par kg via le trésor public lors des exportations, pour permettre de contrôler la quantité réellement exportée», a expliqué le président de l’association. Le montant proposé mensuellement est de 10 millions de F CFA par an et par titulaire de l’agrément VIP. Et d’ajouter «qu’avec nos calculs, si l’Etat adoptait une telle proposition, d’ici 18 à 24 mois, il y aurait une moyenne de 10 détenteurs d’agrément de type VIP par an».
Belle initiative donc pour cet homme qui a déjà eu maille à partir avec la justice dans une affaire contrebande d’or (lire encadré NDLR). Seulement, la mise en place d’une structure telle qu’expliquée par M. Gagnon ne sera pas aisée. Peu de sociétés exportatrices d’or accepteront de s’afficher officiellement comme membre de l’AGE/OAB, craignant les services des impôts. Ceci explique peut-être que pour le moment les 3 sociétés membres de l’AEG/OAB refusent de se faire connaitre.
Patrick Gagnon aura alors à convaincre le gouvernement de transition d’accepter la proposition d’agrément VIP pour les grands exportateurs, mais il devra aussi approcher ces derniers afin de les convaincre d’adhérer à son association. «Nous savons qu’il ne sera pas facile de convaincre les grands exportateurs, mais notre association est jeune et elle est à sa première activité. Pour cela, nous lançons un appel à tous les orpailleurs, acheteurs et exportateurs d’or à prendre attache avec nous afin qu’ensemble nous puissions travailler dans la légalité», a-t-il imploré. Et de conclure que «quand le travail est fait de façon illégale, la question de la sécurité se pose aussi, vu les montants d’argent qu’implique un seul kilogramme d’or, il est très risqué pour les opérateurs économiques et aurifères artisanaux de pouvoir dormir sur leurs deux oreilles».
NK
Le parcours de Patrick Gagnon
C’EST après sa sortie de prison le 23 juin 2015 que Patrick Gagnon a créé l’Association des grands exportateurs d’or artisanaux au Burkina Faso (AGE/OAB) le 3 août 2015 à Ouagadougou, sous le récépissé N°2015-/MATD/SG/DGLPAP/DOASOC.
Ce Canadien, désormais marié à une burkinabè, avait été emprisonné au Burkina pour contrebande de 77 kilos d’or le 24 novembre 2014. Il avait entamé une grève de la faim à partir du 27 février 2015 et a été relâché le 23 juin dernier, après avoir fait appel de cette peine en demandant à l’ambassade du Canada au Burkina Faso de l’appuyer pour favoriser sa sortie de prison. Aujourd’hui, il affirme qu’un accord a été trouvé entre les autorités et sa société et qu’il dispose à présent d’un casier vierge.
Sur l’affaire, son avocat, Me Bénao Batibié, rappelait en mars dernier que son client était poursuivi pour des faits déterminés à savoir: vente illégale d’or à une personne sans agrément; fausse déclaration en matière d’exportation; exportation illégale et manoeuvre frauduleuse en vue de cacher à la douane une exportation illégale. Ce qui a constitué l’objet des débats à l’audience.
«Nous avons, dans notre plaidoirie, travaillé à faire tomber chacune des accusations car elles étaient non-fondées. Maintenant le tribunal, au moment de délibérer, a décidé de le retenir dans le lien de la prévention (le condamner ndlr), pour des faits de contrebande», avait déclaré Me Bénao, contacté au téléphone.
Notons quand même que selon les autorités burkinabè, le Canadien qui disposait d’un comptoir de vente et d’exportation d’or était considéré comme le cerveau de cette fraude.