Bien que la plupart des pays africains soient parvenus à assurer une scolarisation primaire universelle, avec des taux d’inscription souvent supérieurs à 90 %1, la qualité de l’éducation demeure un défi majeur. Des classes surchargées, des manuels scolaires en nombre insuffisant, des enseignants peu qualifiés ou trop peu nombreux : telles sont les conséquences de cet accroissement du nombre d’élèves. Pour y remédier, Gouvernements et organisations non-gouvernementales s’accordent pour considérer que l’implication des communautés et des parents d’élèves dans la gestion des écoles pourrait être une solution. L’idée étant que les parties prenantes locales connaitraient mieux les besoins des écoles que les autorités gouvernementales et qu’en tant que bénéficiaires directs, elles seraient plus concernées par l’amélioration des services éducatifs. Elles seraient ainsi les mieux placées pour assurer une allocation plus efficace des ressources destinées à l’enseignement.
En effet, des politiques de gestion participative des écoles ont déjà été mises en place dans de nombreux pays africains comme le Burkina Faso, le Mali, le Kenya, l’Ouganda ou encore Madagascar. Mais pour garantir la qualité de l’instruction, la solution réside-t-elle vraiment dans l’implication des communautés locales? Dans quelles conditions cette gestion participative peut-elle améliorer la qualité de l’enseignement?
Au Niger, le ministère de l’Education nationale a mis en place depuis 2006 les Comités de gestion des établissements scolaires (Coges) au niveau de toutes les écoles primaires publiques du pays. Composés de six membres (le directeur de l’école et des représentants des parents d’élèves élus par les parents), ces Comités sont chargés de la gestion des ressources financières et matérielles de l’école, ainsi que de la supervision de l’assiduité et des performances des enseignants. Les membres des Coges ont reçu une formation en comptabilité, en gestion de groupe et en gestion de projet. Cependant, en 2007, le Gouvernement a constaté que beaucoup de Coges étaient inactifs. Pour les encourager à s’impliquer davantage, le ministère a lancé un programme pilote de subventions, évalué rigoureusement par des chercheurs2 affiliés à J-Pal, Laboratoire d’action contre la pauvreté, en partenariat avec le gouvernement nigérien et la Banque mondiale.
L’étude, basée sur la méthode de l’évaluation aléatoire, visait à mesurer l’impact des subventions octroyées aux Coges sur la participation communautaire à la gestion des écoles. Elle a porté sur mille écoles assignées par tirage au sort à un groupe-test ou à un groupe-témoin. Les écoles du groupe-test ont reçu en moyenne une somme annuelle de 209 dollars (environ 100.000 FCFA).
Elles ont aussi reçu une note officielle définissant les directives générales sur l’emploi de ces fonds tout en leur laissant le choix d’en déterminer librement la répartition. Les Coges des écoles du groupe-témoin n’ont pas reçu de subvention.
Les résultats montrent que cette incitation financière aux Coges a eu un effet positif sur la participation des parents aux réunions d’école (Graphique 1) et à la gestion du matériel scolaire. Le programme a également contribué à une baisse du taux d’abandon au CP1 et à une augmentation de 10% du taux d’inscription au CP2 l’année suivante.
Cependant, ces changements ne se sont pas traduits par une amélioration des résultats scolaires. D’une part, dans cette étude, la plupart des Coges ont investi plus dans les équipements de jeux, les fêtes de l’école, des projets agricoles, l’entretien des infrastructures et le matériel de santé que dans la création de cours supplémentaires ou de manuels scolaires.
En revanche, les Coges dont les membres avaient un niveau d’éducation moyen supérieur au primaire ont augmenté leurs contributions financières volontaires et ont investi davantage dans les infrastructures que dans les fêtes et jeux. Ils ont également mieux supervisé les enseignants, mais cela n’a pas eu pour autant d’incidence sur leur présence à l’école.
Ainsi, dans un contexte où la majorité des parents ont un faible niveau de formation, voire aucune scolarisation, une implication dans la gestion de l’école ne suffit pas pour améliorer la qualité de l’enseignement. Les parents n’ont pas toujours l’information et les compétences nécessaires pour effectuer des investissements judicieux.
D’autre part, on a remarqué une baisse de l’effort des enseignants (assiduité, ponctualité, grève) dès lors que la subvention a été octroyée aux Coges. Cela s’explique sans doute par le fait que les enseignants préfèrent que l’administration centrale ait un rôle prépondérant, ils auraient donc montré des réticences à coopérer avec les Coges, surtout quand l’utilisation des subventions ne leur profitait pas directement (en payant leur loyer, en leur achetant des livres, etc.). Par contre, l’assiduité des enseignants s’est améliorée lorsque les Coges ont fait des investissements améliorant leurs conditions de travail.
Ainsi cette étude a permis de mettre en évidence que le programme d’octroi de subventions aux Comités de gestion d’établissements scolaires peut augmenter la participation des parents d’élèves à la gestion des écoles, sans décourager leurs contributions financières. Mais, pour obtenir une amélioration de la qualité de l’enseignement, il faudrait que ceux-ci aient la capacité d’effectuer des investissements efficaces. Enfin, il est important de tenir compte des dynamiques de pouvoir à l’école, afin d’éviter qu’une plus grande implication des parents ne démotive les enseignants.
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J-Pal Laboratoire d’action contre la pauvreté et Innovations for poverty action (Ipa) ont pour mission de découvrir et de divulguer des solutions efficaces pour lutter contre la pauvreté dans le monde. En partenariat avec les décideurs politiques, J-Pal et Ipa conçoivent, évaluent rigoureusement et aident à améliorer les programmes de développement ainsi que la manière dont ils sont mis en œuvre.