DAKAR – Après Monterrey et Doha, la troisième Conférence internationale sur le financement du développement s’ouvre le 13 juillet 2015 à Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie, ville pleine de symboles pour notre continent.
L’organisation de cette conférence intervient donc en 2015, l’année du développement durable, axe central de l’Agenda post-Omd et objet du Sommet spécial prévu en septembre 2015 à New York. Elle est également l’année de la Conférence internationale sur le climat, la Cop21, qui aura lieu en décembre à Paris.
Dans la plupart des pays en développement, de fortes attentes sont placées dans la conférence d’Addis-Abeba, en vue de consolider les efforts inlassables de nos Gouvernements pour améliorer le bien-être des populations, efforts qui butent inexorablement sur d’énormes difficultés d’accès à des niveaux de financement adéquats pour nos projets de développement.
Pour cette raison, il me plait, à l’approche de cet événement historique, d’inviter à travers cette tribune toutes les parties prenantes impliquées dans la préparation de la Conférence à ne ménager aucun effort à garantir son succès.
Au-delà du suivi et de l’évaluation appropriés de la mise en œuvre des actions convenues dans le cadre du consensus de Monterrey et de la déclaration de Doha, un tel succès nécessitera le renforcement du cadre de coopération existant en matière de développement international en passant, notamment, par une meilleure définition des rôles respectifs de nos Gouvernements et des partenaires techniques et financiers dans la mobilisation des ressources destinées au financement du développement.
L’enjeu fondamental pour le continent et les pays africains est de réussir la transformation structurelle de nos économies en harmonie avec la dynamique de la transition démographique. En cette année 2015, l’Afrique abrite un milliard d’habitants dont 74 % âgés de moins de 24 ans et 61,3 % de femmes.
En 2040, c’est-à-dire en l’espace d’une génération, la population africaine atteindra plus deux milliards d’individus dont 70,1 % âgés de moins de 25 ans et 57,7 % de femmes, d’après les statistiques des Nations-Unies.
Ces jeunes et ces femmes ont besoin d’une éducation de qualité, d’emplois, d’infrastructures économiques et sociales, ainsi que d’un cadre de vie digne du XXIe siècle.
Je voudrais donc saisir cette occasion pour plaider en faveur d’un financement accru du développement durable reposant dans chaque pays sur l’aménagement d’un espace budgétaire conséquent articulant la mobilisation de ressources internes substantielles et la mise à disposition diligente et efficace des financements extérieurs complémentaires requis.
Au niveau des Etats comme des communautés économiques régionales et autres organisations continentales, la mobilisation des ressources intérieures fait l’objet d’une attention accrue pour servir de levier puissant à l’efficacité de l’aide extérieure. Le renforcement des capacités de nos administrations en constituera un gage supplémentaire pour l’atteinte de cet objectif. Il nous permettra également de capitaliser davantage sur le renforcement de l’assistance technique et financière fournie par les institutions bilatérales et multilatérales en appui à la mise en œuvre de nos politiques de croissance et de développement.
Afin de mieux lutter contre la pauvreté et les inégalités sociales, le programme du développement durable pour l’après-2015 nécessitera encore pendant quelques années une mobilisation de ressources extérieures sans précédent pour faire face aux besoins de financement supplémentaires, notamment dans les pays à plus faible revenu.
Au regard des contraintes qui pèsent sur la capacité de la plupart de nos Etats à lever, de façon efficace, les financements de source privée, il sera essentiel que la communauté internationale renforce l’aide publique au développement qui leur est allouée. En particulier, nous encourageons les institutions multilatérales telles que la Bad, le Fmi et la Banque mondiale à continuer leurs efforts visant à améliorer l’accès de ces pays à leurs ressources concessionnelles et non concessionnelles, en conformité avec la nécessité de préserver la viabilité de la dette publique. La déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide doit également reprendre toute sa place dans les dispositifs de mobilisation de l’aide publique au développement.
Dans le même ordre d’idées, la 3e Conférence internationale sur le financement du développement constitue une opportunité à ne pas manquer pour approfondir la réflexion sur les activités financières illicites. Au-delà des questions de sécurité qu’elles soulèvent, celles-ci occasionnent un préjudice énorme pour les finances publiques des pays africains, affectant ainsi la mobilisation des ressources intérieures nécessaires au financement de leur développement. Le manque à gagner, pour les pays africains, est estimé entre 30 à 60 milliards de dollars par an, soit un montant supérieur à l’aide publique au développement reçue par l’Afrique en 2012 (46,1 milliards de dollars).
Il est regrettable de constater que les activités financières illicites sont en pleine expansion ces dernières années, notamment dans les pays africains. C’est pourquoi, je voudrais profiter de cette occasion pour saluer l’initiative américaine pour un partenariat Etats-Unis – Afrique contre le financement illicite, en vue de promouvoir la transparence dans la gestion des affaires publiques ; de lutter contre la corruption, de renforcer la justice et l’Etat de droit et de promouvoir les obligations redditionnelles, avec la participation de la société civile et du secteur privé.
Dans ce cadre, une première réunion a été organisée à Dakar, le 25 juin 2015, pour la mise en place d’un Groupe de travail regroupant plusieurs pays africains ainsi que des organisations observatrices que sont la Banque africaine de développement (Bad), le Fonds monétaire international (Fmi), la Banque mondiale et l’Ocde.
Pour la promotion de la transparence dans la gestion publique, la mise en œuvre d’initiatives telles que l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie), l’Initiative pour la transparence dans le secteur de la construction et les autres initiatives pertinentes serait utile.
En outre, la révision des Codes miniers et pétroliers pourrait permettre d’améliorer la transparence et d’assurer une plus grande équité dans le partage des revenus au profit des pays africains.
De façon générale, la conférence d’Addis-Abeba devra jeter les bases de financement efficace du développement durable. Son succès requiert l’engagement et la mobilisation de tous, particulièrement en Afrique.
Copyright: Project Syndicate, 2015.
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Réfléchir sur la fiscalité dans les Codes des investissements, miniers et pétroliers
La troisième Conférence internationale sur le financement du développement est, par ailleurs, marquée par un contexte de révision des règles du système fiscal international. Sous ce rapport, il y a lieu de saluer la mise en œuvre du projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting en anglais, Beps), auquel participent quatorze (14) pays en développement dont le Sénégal.
Tout comme l’adoption en cours d’une convention multilatérale, ce projet, piloté par l’Ocde sous l’impulsion de la communauté internationale dans le cadre du G20, constitue un début de solution. Toutefois, il conviendra de s’attaquer à la question plus large des incitations fiscales exorbitantes contenues dans des dispositifs comme les Codes des investissements, ainsi que les Code miniers et pétroliers.