«Les jeunes de moins de 30 ans constituent actuellement plus de 50% de la population ouest-africaine. Si on va au-delà de 30 ans, les jeunes de 15 à 44 ans représentent actuellement 60% de cette population. En moyenne, ils sont touchés à 60% par le chômage. Ainsi, malgré les récentes performances réalisées par les pays d’Afrique de l’Ouest, concernant en particulier la croissance du Pib, d’importants défis restent à relever dans le domaine de la réduction de la pauvreté et de l’emploi des jeunes».
C’est le contexte que décrit le Centre de programmation stratégique de recherche et de veille de la Commission de l’Uemoa, organisatrice des conférences de l’intégration dont la 2e édition a planché sur l’emploi des jeunes en Afrique de l’Ouest, en lien avec la pression démographique et la migration. Pour Aly Coulibaly, le directeur de ce centre, l’Uemoa compte une centaine de millions d’habitants, avec la proportion de jeunes la plus importante au monde. C’est une information capitale à mettre en relation avec la croissance que nos économies affichent chaque année (autour de 5%).
Mais, on a l’impression que cette croissance est en partie fictive, puisqu’ incapable d’inverser la courbe migratoire des jeunes de l’Union. Il est donc impératif de se pencher sérieusement sur la bombe sociale que constituent le chômage et le sous-emploi des jeunes. D’éminentes matières grises des universités que sont les professeurs du Centre de recherches économiques appliquées de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Ahmadou Aly Mbaye, et John Igué du Laboratoire d’analyse régionale et d’expertise sociale basé à Cotonou sont invités à apporter expérience et expertise sur ces problématiques complexes. Les éclairages partagés par le premier sur le chômage, le sous-emploi et la précarité ont trouvé un écho complémentaire dans les propos du second qui s’est focalisé sur les défis et les enjeux de l’emploi des jeunes en Afrique de l’Ouest, berceau de la population la plus jeune du monde. La faiblesse du niveau des emplois décents disponibles inquiète.
D’après les analyses des conférenciers, nos économies, malgré l’embellie observée, créent très peu d’emplois. Les performances enregistrées au niveau de la croissance du Pib ne sont pas traduites en termes de création d’emplois, encore moins de réduction de l’incidence de la pauvreté. Les entreprises du secteur formel sur lesquelles l’espoir est basé ne créent pas suffisamment d’emplois, préoccupées elles aussi à lutter pour leur propre survie à cause de l’environnement des affaires non favorable et des coûts de facteurs de production très élevés.
Les explications du Pr Mbaye tendent à démontrer que le marché du travail ouest-africain est déséquilibré par une évolution divergente de l’offre et de la demande de travail.
D’un côté, on a une main-d’œuvre essentiellement jeune, abondante, peu formée et en forte extension, soutenue par une démographie galopante et de l’autre, des entreprises formelles limitées en nombre, très peu compétitives, avec des capacités très limitées de création d’emplois décents.
Les options politiques face à cette situation consisteraient, de l’avis du Pr Mbaye, à développer une approche holistique soutenue par des faits tangibles, à identifier et appuyer de manière efficiente et efficace les activités intensives en main-d’œuvre et les inciter en conséquence. Son confrère John Igué, co-auteur de la publication intitulée «La jeunesse en Afrique de l’Ouest, un potentiel pour construire», publiée chez l’Harmattan, a surtout alerté sur l’oisiveté des jeunes, devenue un pendant à l’insécurité dans la région africaine. «Si nous voulons réguler les questions de paix de façon durable, nous sommes obligés de nous attaquer à la question de la jeunesse, au risque de les voir être mobilisés par les seigneurs de la guerre» qui se donnent un droit de cité dans la région.
Pour l’ancien ministre de l’Industrie et des petites et moyennes entreprises (1998-2001), les solutions aux problèmes des jeunes nécessitent que l’on revoit la nature de l’économie. Il soutient que l’avènement d’une croissance soutenue, qui ne soit pas volatile, devrait aller avec un changement de nature des forces productives.
Pour cela, il faut aller au-delà l’économie de rente qui n’offre pas des conditions réelles pour l’emploi. La diversification de l’économie des Etats de la région est devenue un impératif pour ne pas être pris dans le piège démographique.
Christian KONE
Priorité absolue
L’ampleur et le caractère multidimensionnel du phénomène de la migration exige de nos pays, selon la président de la Commission de l’Uemoa, de faire de la migration un élément essentiel des politiques de développement. Le commissaire Dabiré, qui a pris la parole au nom de l’institution communautaire, espère que la pression démographique épouse un profil conforme à notre potentiel de création de richesses afin que la jeunesse de notre population ne soit plus un handicap, mais plutôt une fenêtre d’opportunités. Pour cela, il faut s’efforcer à réunir les conditions qui permettraient de profiter du dividende démographique défini par les Nations-unies comme «l’avantage économique tiré d’une proportion relativement importante de personnes en âge de travailler au sein de la population, qui bénéficient d’investissements en faveur de leur autonomisation, de leur formation et de l’emploi». Autonomiser, former, employer, trois termes sur lesquels il engage les politiques et les décideurs sous-régionaux à toujours méditer en mettant en place les politiques publiques en faveur de la jeunesse.