Dans le N°108 de L’Economiste du Faso, nous évoquions la colère des gérants de stations. A travers leur syndicat, ils s’en prenaient aux marketeurs qui siphonneraient leurs marges à travers des loyers élevés et les commissions «peines et soins» qu’ils remboursent au marketeurs. Le Groupement des professionnels du pétrole (Gpp) qui regroupe Oryx, Vivo energies, Pétrofa, Oil libya et Total, par la voix de son président, Olivier Lassagne (Dg de Total Burkina), justifie les loyers et explique le maintien des commissions «peines et soins». D’entrée, il pense que le problème est ailleurs.
– L’Economiste du Faso : Les gérants de stations se plaignent du fait que vous siphonnez leurs marges ?
Olivier Lassagne, Dg de Total Burkina: Ce que je voudrais dire à nos partenaires, c’est qu’il ne faut pas se tromper de sujet. Le sujet aujourd’hui est axé sur les marges. Je parle des marges des marketeurs, mais aussi celles des gérants de stations. Cela fait 12 ans que les marges n’ont pas augmenté d’un franc. Ce n’est pas normal vu l’inflation, les standards et la réglementation à respecter, le coût de la vie qui a augmenté en 12 ans, sauf nos revenus à nous, alors que les charges augmentent. C’est cela qui est anormal, si on y ajoute l’augmentation de la fraude. Il faut des mesures fortes pour éradiquer cette fraude qui pénalise les professionnels et il faut réviser les marges pour que tous les acteurs puissent mieux vivre. Il n’y a pas de conflit entre les marketeurs et les gérants de stations. Nous sommes embarqués dans le même bateau. Les uns ont besoin des autres pour fonctionner.
– Les gérants de stations critiquent aussi les loyers pratiqués, trop élevés selon eux, et plombant leurs affaires…
Il est important que vos lecteurs sachent un certain nombre de choses. Le premier point relatif aux redevances/loyers que les marketeurs réclament aux gérants.
Une station-service aux normes et standards à respecter coûte entre 500 à 600 millions de F CFA hors terrain. Si on y ajoute la flambée des prix des terrains, il faut y ajouter entre 100 et 200 millions pour acquérir une parcelle. L’équipement des stations est entièrement importé avec des droits et des taxes assumés par le marketeurs.
Un gérant, sa mission est de gérer cette station. Il vient généralement avec un fonds de roulement de 30 à 40 millions pour acheter son stock et vendre. Le rapport est de 20 à 25 fois plus au niveau du marketeur que chez le gérant. Ensuite, il y a le travail de marketing et de communication qui est fait derrière pour amener les clients vers ces stations et qui ne sont pas intégrés. Ce sont des frais indirects. Il est légitime dans ce cas-là que nous demandions un loyer aux gérants
– Ici, c’est le niveau des loyers qui inquiète les gérants, ils estiment que ce n’est plus supportable.
Les loyers sont fonction de la taille des stations, de la localité et du potentiel. Rien n’est imposé. Les loyers sont définis, discutés, calculés et mis dans un contrat de location-gérance entre le marketeur et le gérant. Les termes sont discutés avant signature. On ne peut cependant pas faire de généralités la- dessus. Il y a un système de loyer pratiqué par chaque marketeur.
– Le second point de divergence, ce sont les commissions «peines et soins». Les gérants disent travailler pour vous en fait, et qu’ils perdent de l’argent sur chaque litre vendu par le biais des bons et des cartes de carburant.
C’est tout à fait faux. On a deux types de stations-service : les promoteurs indépendants et vous avez les réseaux (Total,Vivo energies, Pétrofa, Oil Libya et Oryx). Le principe du réseau, c’est le fait d’avoir une marque, une notoriété. C’est surtout le fait d’offrir aux clients la possibilité d’avoir du carburant partout sur l’ensemble du réseau qu’il aura choisi et dans tout le pays. C’est cela la force d’un réseau et son attractivité. Derrière, il y a une marque et une garantie de services de qualité.
Parmi les services qu’offre un réseau, il y a justement la possibilité d’un moyen de paiement (bons ou cartes magnétiques). Le client s’approvisionne directement au siège du réseau, paie et va distribuer à ses agents et à ses partenaires qui vont prendre du carburant dans les stations partout sans avoir à débourser de l’argent.
Ce qu’il faut savoir, c’est que ce système de bons et de cartes nécessite énormément de développement informatique. Pour les cartes, il faut des cartes sécurisées, en ligne et des serveurs. Il y a des commerciaux qui font le tour des clients pour les fidéliser. Parmi les clients, il y a l’Etat, notamment avec le Parc auto, qui est un gros client, ainsi que les grandes sociétés. Leurs attentes premières, c’est que le système fonctionne et soit sécurisé et que partout, ils puissent avoir le carburant.
Si on prend un client comme le Parc auto, il est géré au niveau central par le marketeur qui gère la partie paiement et les délais de paiement, ainsi que tout incident y relatif. Tout cela est supporté par le marketeur. Le gérant lui n’attend que le client qui va se présenter à lui. Ce n’est pas son client, puisqu’il ne l’a pas démarché. Il n’a en plus aucun risque de paiement. Automatiquement, lui, il est payé. C’est une vente garantie. Donc, c’est normal qu’une petite commission soit facturée pour amortir les frais que nous avons engagés. D’ailleurs, cette commission est faible et ne couvre en aucun cas les frais engagés.
– Mais pour les gérants, cela leur occasionne des pertes de recettes à combler par leurs ventes directes. Qu’avez-vous à répondre ?
Je dis que c’est faux. Depuis toutes ces années que le système existe, s’il ne marchait pas, il aurait disparu. Ce n’est pas possible d’avoir un système qui fait perdre de l’argent à un partenaire au point de le ruiner. Je comprends que les gérants préfèrent la vente cash où ils ont 100% de leurs marges. Mais il faut qu’ils se disent que ce sont des clients additionnels qu’ils n’auraient pas sans les cartes.
– Votre commentaire sur les faillites ?
Là aussi, il faut faire attention. Le nombre de gérants qui fait réellement faillite est extrêmement limité et se compte sur les doigts d’une main chaque année.
Le business de gérant de station-service, c’est un business de détaillant. Cela veut dire qu’il faut être extrêmement rigoureux et être présent sur le site afin de pouvoir contrôler en permanence toutes les opérations, le personnel, les flux financiers et de carburant, etc.
Juste un exemple. Si un gérant perd un seul litre de carburant, il lui faut en vendre 30 pour rattraper le préjudice, tellement les marges sont faibles.
Quand un gérant n’est pas présent, confie la gestion de sa station à quelqu’un qui n’est pas un professionnel, ce n’est pas un litre qu’il perd, mais 100 litres. Pour compenser cette perte, c’est 300 litres ou plus qu’il doit vendre, et très vite on entre dans un engrenage où effectivement on peut perdre de l’argent du fait de sa mauvaise gestion. Il ne faut donc pas confondre ceux qui gèrent mal leurs affaires et qui perdent de l’argent avec un système qui a priori doit permettre de se faire de l’argent.
Mais l’immense majorité des gérants de stations sont de grands professionnels, qui savent que c’est un business de détail et qu’il faut être là pour contrôler et surveiller. Ces gens-là ne font pas faillite. C’est pour cela qu’ils sont là depuis 20 ou 30 ans. Il ne faut pas tout mélanger.
Sur Total Burkina, j’ai pu lire qu’il y a eu 79 faillites en 10 ans, c’est faux. Total Burkina a un système qui est particulier qui s’appelle «jeune gérant», mis en place depuis le début de la présence de notre groupe au Burkina.
Ce sont des pompistes chez nous que nous formons et au bout d’un moment, on leur prête de l’argent pour devenir gérants de stations et ils nous remboursent progressivement. Si un jeune gérant fait faillite, ce n’est pas lui qui perd de l’argent, c’est plutôt Total Burkina.
FW