Ils se sont parlé et semblent s’être compris. Les parties prenantes au forum paysan du 25 avril à Dédougou ont tenu les promesses d’un échange franc et direct sur les problèmes qui freinent l’élan de développement de l’agriculture au Burkina. Sans tabou et sans protocole, les représentants du secteur agricole ont interpellé le président intérimaire et ses ministres sur les actions qu’ils doivent et peuvent entreprendre pour tirer leurs activités vers le haut au bénéfice de tous, au regard du fait que c’est de leur labeur que se nourrit la majorité de la population du Faso.
L’exercice était quelque peu différent des précédents. Les paysans ne sont pas limités à demander de meilleures conditions, ils les ont presque exigées, témoignant de leur impatience à voir se résoudre les préoccupations liées au statut de l’agriculteur, à l’exonération des intrants et à la banque agricole. Pour le premier sujet, le président reconnait que c’est une juste revendication. Si un secteur aussi important n’est pas réglementé, il est difficile qu’il soit efficient, puisqu’il sera confronté à des questions juridiques et de financement. Pour Michel Kafando, c’est une faille qui n’a que trop duré et à laquelle son Gouvernement prévoit apporter une solution appropriée dans les meilleurs délais.
S’agissant de la question du foncier, elle serait difficile à résoudre, car elle nécessite beaucoup de sensibilisation et de concertations autour de la loi y relative.
De la banque agricole, le principe est acquis par le gouvernement de Isaac Zida, mais avant toute chose, il s’accorde un travail préalable, celui de faire le bilan et de chercher à comprendre les raisons qui ont conduit à la fermeture des précédentes institutions dédiées au secteur, à l’image de la Caisse nationale de crédit agricole. Il promet de se servir du dossier de Faso Bank déjà peaufiné par la Confédération paysanne du Faso, pour évaluer avec la faîtière le meilleur scénario de banque agricole à arrêter.
L’autre bonne nouvelle concerne la poursuite des subventions relatives aux intrants agricoles. Malgré le contexte d’austérité, Il n’y aurait pas de baisse. Le Gouvernement consentira aussi à l’exonération de certains produits à savoir : les tracteurs et autres pièces détachées, pour encourager la mécanisation agricole. Ces exos se feront en accord avec les institutions internationales de financement avec qui le Burkina a des programmes. Pour ce qui est du coton, la détermination du prix du kilogramme restera autour des 220 F CFA.
La consommation des produits agricoles nationaux est revenue à plusieurs reprises dans les discussions de la 18e journée nationale du paysan. «Consommons burkinabè» est une priorité de la Transition, assure le président intérimaire. C’est la raison pour laquelle des instructions ont été données au ministère de la Défense et à celui de l’Enseignement pour que les casernes et les cantines scolaires soient alimentées en priorité par les produits locaux, notamment le riz de Bagré. Une des solutions pour favoriser son écoulement.
Une stratégie de consommation des produits nationaux élaborée par le ministère de l’Agriculture suivra dans les prochains mois pour sensibiliser et convaincre le plus grand nombre à consommer local. Déjà, l’Etat a mis 7 milliards de FCFA au compte de la Société nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire pour acheter le surplus des récoltes aux agriculteurs. De plus, des infrastructures de valorisation des produits nationaux seront mises en place par le ministère de l’Industrie, de l’artisanat et du commerce dans le cadre de son plan quinquennal 2015-2019, en complément des foires et les journées promotionnelles qui se tiennent sur le territoire national. Le ministère de l’Agriculture, cheville ouvrière de la politique nationale en matière de développement du secteur rural, s’active à mobiliser les finances pour réussir ces chantiers. D’après François Lompo, deux propositions de projets sont soumises à la Fao pour la période 2016-2017. Il s’agit du recensement général de l’agriculture et du développement des oléagineux dont le tournesol, plante à forte teneur en huile.o
Christian KONE
Agriculteurs, contribuables comme les autres
Les acteurs du monde paysan ont été invités à être des entrepreneurs citoyens, respectueux de leur part contributive au Trésor national. «Sa contribution aux impôts est quasi-nulle. Certes, l’agriculture familiale n’est pas concernée, mais il existe de grands producteurs qui gagnent beaucoup d’argent, mais qui ne payent aucune taxe au titre de l’impôt sur le bénéfice», déclare le ministre de la Jeunesse et de l’emploi, Maître Salifou Dembélé. Pour le fiscaliste, l’Etat accompagne le secteur agricole avec des subventions et des fonds qui viennent des impôts. De ce fait, le partenariat doit être gagnant-gagnant.
Comme plus rien ne sera comme avant, les gros producteurs sont aussi invités à apporter leurs tributs à la caisse commune. «L’aspect financier est certes important, mais la passion de travailler pour son pays doit l’emporter sur toute autre considération et cela s’appelle le patriotisme», encourage le président Kafando.
Alimentation : Les communicateurs agricoles apportent une lanterne
Des jeunes journalistes et communicateurs se sont donné la main pour organiser le premier festival de films sur l’alimentation et l’agriculture au Burkina. Le projet de Comsom’acteurs était en gestation depuis deux ans et c’est finalement du 1er au 3 mai 2015 que l’Association burkinabè des journalistes et communicateurs agricoles (Abjca) a pu rendre le festival effectif. Au total quatre films réalisés dans divers horizons du monde et relatant les préoccupations communes des paysans étaient à l’affiche. «Sans terre, c’est la faim» de la canadienne Amy Miller qui a tourné sa caméra au Cambodge, au Mali et en Ouganda pour mettre en lumière l’accaparement des terres. «Paysans d’ici et d’ailleurs, blues sans frontière», réalisé par le Burkinabè Souleymane Ouattara de Jade productions, met en parallèle les peines vécues et racontées par les agriculteurs burkinabè et leurs confrères européens.
Les quatre panels ont abordé des thématiques liées à l’impact réel des programmes d’investissement agricoles, au financement de l’agriculture, à la nouvelle Alliance sur la sécurité alimentaire et la nutrition. Pendant les trois jours, à travers les projections des films suivis de débats, experts du ministère de l’Agriculture, consultants d’Oxfam et leaders de la société agricole ont échangé avec le grand public sur les enjeux de l’agriculture durable en lien avec la consommation des produits agricoles et alimentaires.
Le festival a permis d’engager le débat dans un contexte où les Etats de la Cedeao sont en train d’adopter les accords de partenariat économique avec l’Union européenne. Ce qui va, selon Inoussa Maïga, le président de l’Abjca, occasionner l’ouverture du marché sous régional aux produits importés.