Pour son essor, le secteur privé peut compter sur l’appui sincère du Gouvernement actuel. Ce soutien va s’intéresser notamment à la question cruciale du financement des entreprises. C’est un engagement pris lors de la 14e édition de la traditionnelle Rencontre Gouvernement/Secteur privé (Rgsp), tenue le 27 avril dernier à Bobo-Dioulasso, siège de cette activité annuelle.
Le thème de la 14e Rgsp a permis de s’arrêter sur «la problématique du financement des Pme/Pmi au Burkina Faso : enjeux, défis et perspectives». Pour la première fois après l’insurrection populaire de fin octobre 2014, le gouvernement de la transition et le secteur privé, dans toutes ses composantes, se réunissaient pour échanger sur les voies visant à promouvoir les entreprises.
Forte mobilisation de part et d’autre. Côté Gouvernement, 15 ministres conduits par le Premier ministre, Isaac Zida, étaient présents, accompagnés de leurs conseillers techniques. Dans les rangs du secteur privé, toutes les couches représentatives du monde des affaires étaient également présentes. De nombreux patrons du Syndicat des commerçants importateurs et exportateurs (Scimpex), du Groupement professionnel des industriels (Gpi), les banquiers, les assureurs ont partagé les sièges avec les nombreux délégués des associations de la micro-économie et du secteur informel.
La journée marathon a d’abord permis de dresser l’état des lieux en matière d’accès au financement pour les entreprises. Selon les résultats d’une enquête de la Banque mondiale, le Burkina Faso est l’un des pays où le taux des entreprises identifiant l’accès au financement comme «une contrainte majeure» est très élevé. 75% des entreprises estiment que l’accès au financement est un vrai problème. En Côte d’Ivoire, ce taux est à 70%, 60% au Togo, 50% au Mali et 34% au Rwanda. Comparativement à la situation dans les autres pays, le Burkina a donc des efforts à faire pour satisfaire les besoins de financement de ses entreprises.
Les obstacles à l’accès au financement sont connus. Il s’agit essentiellement des difficultés d’accès aux banques, à cause du problème de la garantie ou même de l’inadaptation des offres. De son côté également, l’accompagnement du Gouvernement, à travers les fonds nationaux, est insuffisant et parfois mal organisé.
Conscient du rôle moteur des Pme/Pmi (80% des entreprises) dans l’économie, le Gouvernement s’est engagé à promouvoir des actions, qui leur ouvrent l’accès au financement.
Deux grands axes de solutions ont été identifiés pour parvenir aux résultats escomptés. L’une entend s’appuyer sur les fonds nationaux (Fasi, Faarf, Fbdes, etc.). «Le Gouvernement poursuivra les efforts déjà entrepris, en renforçant les fonds nationaux et en améliorant les conditions d’accès à ces fonds, tout en travaillant à les pérenniser et à rendre souples les critères de sélection des bénéficiaires», a indiqué le Premier ministre Zida. Son ministre de l’Economie et des finances, Gustave Sanon, a précisé qu’il ne s’agira pas de multiplier la création des Fonds pour chaque activité, mais «c’est au contraire travailler à rationaliser l’existant, les regrouper, les fortifier et mieux les ouvrir aux demandeurs».
L’autre grande piste envisagée par le Gouvernement consistera à agir auprès des banques. D’une part, il s’agira de renforcer les capacités financières des banques et de mettre à leur disposition une meilleure information sur les Pme/Pmi. D’autre part, l’Etat va travailler à lever la contrainte de la garantie qui limite l’accès des Pme/Pmi aux banques, en donnant plus de moyens à la Société financière de garantie interbancaire du Burkina (Sofigib). Au titre du renforcement de ses capacités, la Sofigib bénéficie, pour le financement des Pme/Pmi, d’une dotation budgétaire de 2 milliards de F CFA. Et l’entrepreneuriat féminin, à lui seul, bénéficie d’un fonds de garantie d’un montant de 500 millions de F CFA à la Sofigib. Par ailleurs, le Gouvernement a indiqué que la question du financement des Pme est également en étude au niveau de l’Uemoa et les solutions bénéficieront à tous les pays. La Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm) a aussi un projet de créer un compartiment dédié aux Pme/Pmi pour faciliter la levée de ressources au profit de ces entreprises. Pour une prise en compte optimale des Pme, le Premier ministre a émis l’idée de la création d’un département en charge des Pme dans le dispositif institutionnel du Burkina.
Karim GADIAGA
Nouvel espoir
Au cours des longs échanges entre le Gouvernement et les acteurs du privé, beaucoup n’ont pas manqué de signifier au Premier ministre l’espoir de changement qu’ils nourrissent avec la situation politique actuelle. Certains ont estimé que les précédents Gouvernements n’ont pas réalisé les recommandations les plus significatives des Rgsp passées. Ce qui avait fini par créer un manque d’engouement pour la rencontre, notamment de la part des entrepreneurs et commerçants modestes.
Un appel a été lancé pour que le Gouvernement porte plus d’attention aux recommandations en se fixant comme objectif «l’émergence d’un secteur privé plus compétitif et l’amélioration de façon durable des conditions de vie des Burkinabè». En guise de réponse, le chef du Gouvernement a rassuré du soutien de son équipe. Mais il a aussi demandé aux entrepreneurs d’être des vrais modèles dans la société en évitant notamment la fraude et l’incivisme fiscal.
«Je puis vous assurer, d’ores et déjà, que ces recommandations feront l’objet d’une attention particulière. Le gouvernement de la transition, dans la limite de ses moyens, veillera à la mise en œuvre des recommandations de la présente rencontre», a conclu le Premier ministre.
Les recommandations du secteur privé sur le financement
– La création d’une banque d’investissement et d’une banque des Pme/Pmi, avec une implantation dans les différentes régions
– La mise en place et le renforcement des fonds de garanties en vue de leur permettre de couvrir les financements à long terme
– Le cautionnement de l’Etat auprès des banques pour l’acquisition de matériels techniques dans le cadre de la sécurisation foncière
– La facilitation de l’accès des Pme/Pmi aux mécanismes innovants de financement, notamment la finance islamique, le capital-risque, le crédit-bail, le financement participatif et le marché financier régional
– La promotion des sociétés de cautionnement mutuel par la prise des textes juridiques y afférents
– La réduction du coût du crédit et du refinancement des systèmes financiers décentralisés, par l’exonération de la Tva sur les intérêts des crédits octroyés et la détaxation du refinancement
– La création d’un fonds de subvention pour la transformation des produits locaux ;
– L’accroissement des capacités de financement des fonds nationaux et la création de nouveaux guichets dans les grandes villes
– Le renforcement des fonds d’appui à l’artisanat et l’assouplissement des conditions d’accès
– La mise en œuvre des recommandations de l’étude de l’Afp/Pme sur la bonification des taux d’intérêt
– La mise en place d’un fonds spécial de soutien à la promotion immobilière ;
– L’assainissement du secteur de la finance décentralisée par le redressement ou la liquidation des structures en difficulté
– Le renforcement du soutien aux structures d’appui au secteur privé pour le développement des services non financiers au profit des Pme/Pmi
– La formation des agents des banques afin qu’ils aient une meilleure appréciation des dossiers de demande de crédit, notamment ceux relatifs aux investissements
– La poursuite des actions de promotion de la politique du genre dans le financement des Pme/Pmi
– La promotion de la tierce détention de stocks par la construction de magasins spécialisés
– La mise à disposition des banques commerciales de ressources longues.
14e Rgsp : Des solutions aux urgences du secteur privé
Le thème de la 14e Rencontre Gouvernement/Secteur privé portait sur le financement des Pme/Pmi, mais on se doutait que les impératifs liés au contexte actuel de la Transition et les passifs hérités de l’insurrection populaire allaient venir sur la table. Les acteurs du milieu des affaires ont voulu comprendre le niveau de traitement des dossiers comme celui du paiement de la dette intérieure.
Le ministre de l’Economie et des finances a donné des assurances sur ce sujet. Il a indiqué qu’en fin février 2015, il ne restait que 78 milliards de F CFA à payer sur le montant total de la dette intérieure qui était de plus de 700 milliards de F CFA au départ. Le Gouvernement a donc procédé au règlement pour une large part. «Nous nous sommes engagés pour que tout soit payé d’ici à juin et au plus tard avant la fin de la Transition», a confié le ministre Sanon.
A propos des actes de destruction dans les entreprises lors de l’insurrection populaire, la Chambre de commerce et d’industrie a dressé un bilan très lourd.
«Les différentes enquêtes indiquent que 106 entreprises privées ont été touchées, entraînant des pertes estimées à 42 milliards de F CFA. Le nombre d’emplois détruits ou compromis est évalué à 7.300 emplois dont près de 2.700 emplois directs. En moyenne, ces entreprises ont perdu près de 70% de leurs capacités productives et ne pourront probablement pas reprendre leurs activités sans un accompagnement des pouvoirs publics», a fait savoir le représentant de la Chambre de commerce. A ce stade, le Gouvernement n’a pas encore indiqué sa réponse sur cette question. Une rencontre spéciale avec le patronat est prévue pour discuter des préoccupations spécifiques à ce milieu.
La question de la «forte pression fiscale» au niveau des entreprises est aussi revenue dans les échanges. A cet effet, le Gouvernement a annoncé la tenue des états généraux de la fiscalité, d’ici la fin de l’année, pour essayer d’adapter les impôts.