L’agence intergouvernementale africaine qui fait de la question de l’eau et de l’assainissement son cheval de bataille a connu ces dernières années une crise qui a mis à rude épreuve son image, son fonctionnement et partant, ses actions sur le terrain. Eau et assainissement pour l’Afrique (EAA) a été secouée.
De l’eau et beaucoup d’eau a coulé sous le pont. L’on se rappelle qu’un bras de fer avait opposé l’ancien secrétaire exécutif, le Sénégalais Idrissa Doucouré, et ses collègues. La maison s’était alors presque arrêtée de fonctionner pendant près de 8 mois. Un Conseil des ministres extraordinaire a été tenu à Ouagadougou le 25 février 2015 et de grandes décisions ont été prises. Entre autres, le Conseil extraordinaire a évincé M. Doucouré de son poste et désigné un administrateur provisoire, Théophile Gnagné. Depuis lors, le travail a repris.
Ambiance…
A l’entrée de la «maison commune», comme ils l’appellent, l’on ne remarque pas grand-chose. «Etes-vous venus ici pendant la crise?» Non évidemment, puisque les portes étaient fermées. «Il aurait fallu être là, vous auriez vu dans quel état était la cour. Tout était délaissé et EAA ne ressemblait à rien». Voici une confidence faite par un des responsables de cette institution panafricaine.
Aujourd’hui, tout brille à nouveau. Un service d’accueil vous guide jusqu’à la porte voulue. Plus en avant, on aperçoit un jardinier à l’ouvrage en train de redonner de la verdure à des plantes. Dans les couloirs, l’ambiance semble studieuse, les pas sont feutrés malgré les nombreux va-et-vient. Par les bruits de communications téléphoniques à l’intérieur des bureaux où ça bourdonne, on se rend compte que le cœur est à l’ouvrage. Difficile de se rendre compte que ces agents enfermés dans leurs bureaux avaient entre-temps troqués claviers d’ordinateurs et autres outils de travail contre des pancartes pour exiger le départ de leur désormais ex-secrétaire exécutif, Idrissa Doucouré. Théophile Gnagné est l’administrateur provisoire depuis février 2015. Dans son bureau, le décor est sobre. Il y a du boulot, explique-t-il, et cela ne saurait attendre. Théophile Gnagné venait de sortir d’une réunion avec ses collaborateurs. Après avoir accepté le principe de l’interview, il nous confie qu’une séance de travail a lieu dans l’heure qui suivait, avec le ministre en charge de l’Eau. Au pas de charge donc.
Une approche novatrice
La nouvelle approche de la panafricaine de l’eau et de l’assainissement a démarré avec l’élaboration d’un plan stratégique pour la période 2011-2015. Ce plan stratégique est essentiellement basé sur la démultiplication des interventions à travers le développement de plus d’une centaine de projets et la mise en place de nouvelles stratégies commerciales de financement des services d’eau et d’assainissement. Les projets en question intègrent désormais une nouvelle dimension, à savoir la promotion de logements sociaux intégrant les infrastructures d’eau et d’assainissement appropriées. Cette approche s’avère plus opérante du fait qu’elle se fait encore plus proche des populations, les «contraignant» à intégrer les stratégies d’assainissement dans leurs constructions. La preuve est que depuis le début de la mise en œuvre de ce plan stratégique, l’institution a enregistré, à travers les pays membres, 10 millions de nouveaux usagers des services d’eau et d’assainissement. Créée il y a de cela un quart de siècle, elle a su se positionner au cours des années comme un acteur incontournable du secteur de l’eau et de l’assainissement. Aidant les populations dans la quête du mieux-être et dans l’accès à des services d’hygiène et d’assainissement.
125 milliards pour les Etats membres
Les Etats éprouvant des difficultés de financement de ce secteur, EAA s’est fixée comme ambition de mobiliser quelques 125 milliards de F CFA pour les différents pays membres, mais avec une nouvelle stratégie de mobilisation de ressources financières. Il s’agit pour elle d’inclure des modèles économiques et financiers, en appui aux modèles traditionnels caritatifs, le financement traditionnel basé sur les subventions ayant démontré ses limites à résoudre les multiples problèmes dans le secteur de l’HAEP en l’Afrique. Les sources de financement sont non seulement multipliées, mais aussi elles sont diversifiées. Cette nouvelle manière de procéder a permis la mobilisation, en deux ans, de plus 22 milliards de FCFA avec des stratégies comme l’initiative Comptons sur nous-mêmes(ICON) qui fonde son intervention sur l’appropriation du financement des services par les communautés, les plans d’affaires qui ont permis de prouver la rentabilité de l’investissement dans le secteur de l’assainissement en particulier.
Jean De Baptiste OUEDRAOGO
Une vision
Dans le viseur de EAA, un Forum de haut niveau, où elle entend convier de nombreux acteurs sur une plateforme de réflexion en vue de doter les Etats de moyens opérants. Ainsi, ce Forum de haut niveau ambitionne de réduire considérablement le retard dans le secteur HAEP et de définir de façon participative les voies et moyens pour fournir des services d’eau et d’assainissement durables aux populations. Il accompagnera les gouvernements africains à opérationnaliser leurs engagements pour l’HAEP à travers le partage de leçons apprises et de bonnes pratiques. Les décideurs ne seront pas en reste, puisque chercheurs, bailleurs de fonds et innovateurs seront invités à la plateforme commune d’entraide et de collaboration, dans l’unique but de l’amélioration de l’accès aux services d’eau et d’assainissement.