La Conférence internationale sur le karité qu’abrite Ouagadougou du 23 au 25 mars 2015 est un rendez-vous important pour les acteurs de la filière, car tous les maillons y sont attendus. Collecteurs, producteurs, transformateurs et commerçants en profiteront pour mieux accorder leurs violons en vue d’avoir une chaîne qui fonctionne au grand bonheur de tous.
Le choix de Ouagadougou pourrait se justifier par le fait que le Burkina est considéré par de nombreuses sources comme étant le troisième producteur mondial de karité. L’on se rappelle qu’en 2009, une autre grande rencontre s’était déjà tenue dans la capitale burkinabè et avait porté la réflexion sur les voies et les moyens possibles pour améliorer la gestion de la production. Des chiffres récents de l’Agence de promotion des produits forestiers non ligneux font ressortir que, sur la période 2009-2010, le pays a produit plus de 262.231 tonnes d’amandes de karité, produisant ainsi 2.990 tonnes de beurre. Selon les spécialistes, les amandes traditionnellement pressées par les femmes sont bien appréciées pour leur teneur en matières grasses.
Depuis quelques années, elles intéressent de plus en plus les pays occidentaux pour la pharmacopée et surtout la cosmétologie. Ce qui a poussé les acteurs de la filière à explorer et à conquérir certains marchés à l’étranger.
S’agissant de l’export, le pays a fait sortir 190.193 tonnes de noix de karité en 2013. Ce qui a rapporté 21,21 milliards de FCFA aux acteurs de la filière. Selon les calculs de l’Agence nationale pour la promotion des exportations (Apex), le Danemark est le premier importateur des noix de karité en provenance du Burkina, suivi du Ghana et de Singapour. Quant au beurre de karité, les données de l’Apex indiquent que durant la même année, le pays a exporté 5,3 tonnes pour une valeur de 3,5 milliards.
Les principaux pays demandeurs sont la France qui a pris les 45%, la Belgique (35%) et l’Allemagne qui a reçu 16% des quantités exportées. Aujourd’hui, les structures techniques étatiques et la Table filière karité renforcent leurs actions pour impulser davantage de dynamisme à l’exportation des produits du karité. La stratégie nationale de promotion des exportations adoptée en juillet 2011 place le karité au rang des produits prioritaires. Elle a permis à cette matière première de faire une percée. Le beurre de karité a connu un taux de croissance de l’ordre de 20% et les amandes de 4%.
La 8e conférence annuelle internationale de l’Alliance globale karité, avec ses 500 parties prenantes internationales et régionales de l’industrie du karité et des principaux prestataires de services attendus, prendra en charge les questions liées à l’avenir de la filière karité en termes de potentialités certes énormes dans les pays de production, mais qui reste confrontée aux difficultés qui limitent son développement durable.
La réunion se veut le lieu de prise de décisions qui favoriseront une plus grande synergie d’actions entre les acteurs intervenant dans la production, la vulgarisation et la recherche. Il est prévu que l’on discute des moyens de réduire l’insuffisance d’information sur les marchés, qu’ils soient nationaux et internationaux, pour mieux appréhender les fortes fluctuations du prix d’achat et du niveau de la demande et ainsi se préparer à parer aux difficultés d’écoulement du beurre et des produits dérivés.
D’après Hajia Salima Makama, la présidente de l’Alliance globale karité, le rendez-vous de Ouagadougou regroupe les premiers responsables des grandes entreprises, des investisseurs, des financiers, des prestataires de services de transport et de logistique, ainsi que tous les acteurs de la chaîne de valeur des produits du karité, allant des associations des femmes productrices d’amandes et de beurre de karité, des marques internationales et des détaillants en passant par les transformateurs et les exportateurs. La préoccupation majeure se focalise sur le «développement d’une industrie durable de karité qui fournit des produits de haute qualité aux industries alimentaires et cosmétiques ainsi qu’au consommateur final».
Christian KONE
Le Burkina veut rester leader au plan mondial
Pour les organisateurs burkinabè de l’événement, la conférence revêt un double enjeu. Ils souhaitent saisir cette occasion pour mieux se positionner à l’international, tant sur le plan de la compétitivité de leurs produits que sur la gestion des instances du karité. Ils expliquent leurs intentions par le fait que «le Burkina possède la dotation factorielle la plus importante au monde en vitellaria paradoxa», l’une des variétés dont les amandes contiennent les propriétés les plus recherchées par les industries cosmétiques, pharmaceutiques et alimentaires au niveau mondial.
Ils entendent profiter de cet «avantage comparatif certain» pour être plus visibles car pour le moment, en termes de compétitivité de ses produits et d’attractivité des investisseurs étrangers, notamment dans le domaine de l’industrie de transformation, le Burkina ne pèse pas très lourd. Le pays ne possède que trois usines de transformation contre 10 usines pour le Ghana. L’autre coup à jouer se passe au niveau de la prise de postes dans l’exécutif de l’Alliance globale du karité (360 membres provenant de 25 pays) où le Burkina prépare sa candidature pour la présidence après avoir occupé la vice-présidence jusqu’en fin 2014. Pour réussir son coup, la Filière table karité a sonné la grande participation de ses membres en vue du vote. Elle devrait mobiliser une forte représentation, au moins 300 membres, pour s’assurer une victoire certaine face aux candidatures des autres pays, selon l’interprofession.
Pérenniser la filière, assurer la traçabilité des produits
Selon Dr Boukary Ousmane Diallo du département Productions forestières de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (Inera), les travaux de recherche effectués par leurs équipes concernent aussi bien le produit karité que la ressource. L’on peut se réjouir que la maîtrise de la technique de greffage permette actuellement de diffuser du matériel génétique de bonne qualité pour les plantations de production et de raccourcir le délai de la première mise à fruits. Cette technique a permis à l’Inera d’installer des plantations de clones greffés à Gonsé (forêt péri-urbaine, située à 35 km de la ville de Ouagadougou) et au Centre national de semences forestières de mettre en place des plantations de démonstration à Saponé sur le greffage in situ. Grâce aux études combinées de la biologie moléculaire et des données biométriques, explique Dr Diallo, le niveau de diversité génétique est connu dans les formations naturelles et dans les parcs agro-forestiers, tout comme les pollinisateurs impliqués dans la fructification des arbres, permettant ainsi une meilleure gestion des futures plantations de production. Les recherches sur les produits axées sur les normes de qualité ont abouti à l’élaboration et à la diffusion des guides de bonnes pratiques pour la fabrication d’un beurre de qualité. Selon les explications des scientifiques de l’Inera, «la technique de caractérisation biochimique du beurre (profil des acides gras) par l’utilisation de la spectroscopie par infra rouge est actuellement disponible et cette technique a été brevetée en 2012». Ils sont aussi fiers d’avoir aidé à la traçabilité des produits sur les marchés grâce à la technique qui utilise les micro-organismes associés. Des recherches sont en cours sur les ethno-variétés. L’objectif est d’arriver à mettre en place des vergers de production comme chez le manguier. Il cite la cartographie variétale en relation avec celle des menaces, le potentiel en matières grasses des ethno-variétés. Les scientifiques burkinabè et leurs partenaires s’intéressent aussi aux insectes responsables de la pourriture interne des fruits. Le focus est mis également sur le statut symbiotique du karité ainsi que le potentiel infectieux des sites à partir des échantillons de sol.