Dans un mois, exactement le 18 avril prochain à Dédougou, les représentants du monde rural seront face au Gouvernement dans le cadre de la journée qui leur est dédiée. Bien avant l’échange direct avec le chef de l’Etat, plusieurs activités se tiendront les 16 et 17 avril, avec pour objectif de discuter et de s’entendre sur ce qu’il y a lieu de faire pour donner aux producteurs tous les moyens de jouer leur rôle dans le développement économique du Burkina. Statut de l’agriculteur, banque agricole, agriculture familiale sont, entre autres les sujets prévus au menu de ce rendez-vous annuel, le plus important.
L’équipe d’organisation s’attèle à réussir cette activité qui, semble-t-il, ne sera pas comme les autres, contexte de transition oblige. Le Coordonnateur, Alphonse Bonou, nous explique les innovations apportées à la Jnp.
– L’Economiste du Faso : A un mois de la tenue du face à face entre les premières autorités de la Transition et le monde paysan, comment s’organise l’événement?
Alphonse Bonou, coordonnateur de la Jnp: Cette édition a un nouveau format, en ce sens que le nombre de participants venus du monde rural passe de 1.200 à 1.500. Cela pour permettre que dans toutes les régions, les débats soient bien menés et soient, au terme de leurs conclusions, assez représentatifs des opinions du monde rural. La deuxième innovation concerne les fora régionaux qui se tiennent sur un thème précis. Cette année, il nous a paru nécessaire de leur donner un jour supplémentaire, non seulement pour approfondir les réflexions, mais également pour avoir le temps de faire la synthèse des recommandations et de designer les personnes qui vont les présenter, tout en limitant le nombre de préoccupations majeures à deux par région, pour éviter les répétitions.
– Il semble que les paysans seront plus au-devant de l’organisation qu’ils ne l’ont été les fois précédentes ?
En réalité, nous avions, depuis la 13e édition, convenu de cela, parce que ce sont les journées des paysans, c’est donc normal qu’ils prennent en charge l’organisation de la Jnp de façon progressive. L’année dernière, la Confédération paysanne du Faso (Cpf) est montée à la présidence de trois commissions et à la vice-présidence de trois autres. Cette année, les organisations des producteurs président six commissions:
la commission Thème par la Cpf, le Transport et l’hébergement par la Chambre nationale d’agriculture, la Restauration par la Fédération des agro-industries, entre autres. L’administration accompagne, mais souhaite que les paysans prennent en charge l’organisation de leur journée en nous précisant l’appui dont ils ont besoin. Ce qui fait que nous avons aussi diminué le nombre de représentants de l’administration pour faire plus de place aux acteurs paysans.
– Vous abordez cette fois-ci un thème qui tient à cœur les producteurs, à savoir l’agriculture familiale. De grands débats en perspectives ?
Les producteurs nous le rappellent depuis la 15e édition de la Jnp, tenue à Ouahigouya. Nous allons nous pencher sur le thème en lien avec l’accroissement de la productivité des exploitations agricoles familiales, pour l’atteinte de la souveraineté alimentaire. Il s’agira de décortiquer le fonctionnement de ces exploitations et voir quelles sont les contraintes qui font qu’elles n’arrivent toujours pas à dégager des productions suffisantes pour elles-mêmes, mais également pour en mettre sur le marché de façon sûre.
Il ne faut pas qu’à cause d’un certain nombre d’aléas agro-climatiques, d’une année à l’autre, la sécurité alimentaire ne soit pas garantie dans notre pays. Nous avons choisi ce thème en liaison avec les producteurs. Dans les débats, on va cheminer vers les principales contraintes à l’augmentation de la productivité des exploitations agricoles. Il est vrai que les producteurs vivent cette réalité au quotidien et ont certainement une idée claire de ces contraintes qui sont les leurs, mais comment les résoudre ? Ce n’est pas toujours évident qu’ils voient les choses de la même façon que l’administration. Je prends le cas de l’utilisation des intrants agricoles, que ce soit les engrais ou le matériel. Les producteurs diront qu’il y a manque ou insuffisance d’engrais. Poser la question de cette manière ferait appel à une recommandation disant que le Gouvernement doit mettre à leur disposition beaucoup d’engrais et de matériel, mais ils n’analysent pas que le Gouvernement devrait importer cet engrais avec des montants élevés.
– Prévoyiez-vous de garder la même formule que les éditions précédentes ?
La formule reste la même, mais les débats vont être plus nourris au niveau des régions pour qu’on soit sûr que tout le monde a une bonne compréhension de ce qu’on doit faire. Du même coup, les recommandations et les engagements à prendre devraient être très clairs et restés dans le domaine du réalisable. Les engagements qui vont être pris devront être mis en œuvre pour éviter les critiques ultérieures. Je pense que depuis la première édition de décembre 1993 à Léo, les choses ont bien évolué. Beaucoup de problèmes ont été réglés. Sur les questions de commercialisation, les gens se sont organisés en interprofession. Mais c’est un processus de développement qui ne peut pas être vu simplement en termes linéaires. Les besoins changent, les habitudes et les techniques aussi. Aujourd’hui, la spécialisation régionale aurait voulu que des zones à pluviométrie plus régulière puissent être amenées à produire beaucoup de mil par exemple, mais qui nous donne la certitude que le mil produit dans ces zones va aller au Sahel pour satisfaire les besoins? Les acteurs du développement n’ont pas encore réglé le problème de l’écoulement, de l’expression des besoins réels et des prix de vente.
– A chaque Jnp, il y a des dossiers récurrents, le financement de l’agriculture avec la demande de création d’une banque spécifique, la centrale d’achat des intrants, le statut de l’entrepreneur agricole. A-t-on évolué sur ces dossiers ?
Il y a des évolutions depuis la 16e édition à Banfora où les missions de la banque agricole ont été débattues. La Caisse nationale de dépôt et d’investissement (Cndi) a été créée. L’an dernier à Fada, nous avons discuté de l’opérationnalisation de cette structure. Nous sommes sur ce point et cherchons à finaliser certaines questions relatives à la fixation du niveau du capital, la répartition des parts, etc. S’agissant de la Centrale d’achat des intrants, la direction générale des productions végétales a le dossier en main. La Caima, entendez Centrale d’achat des intrants et de matériels agricoles est en création. Le Gouvernement a instruit les ministères chargés du dossier de voir comment créer cette centrale sous la forme d’un partenariat public-privé. Si tout le monde s’y met, j’ai bon espoir que d’ici à la fin de l’année, la centrale devrait être créée et la Cndi rendue opérationnelle.
– Et le statut de l’agriculteur ?
Nous avons suffisamment avancé en termes de réflexion. Déjà, l’année dernière, nous avions travaillé sur le développement des filières agro-sylvo-pastorales, en liaison avec le développement des interprofessions. Nous avions entamé aussi et continuons avec l’élaboration d’une loi d’orientation agro-sylvo-pastorale sous la conduite du Secrétariat permanent des politiques sectorielles agricoles. C’est dans cette loi que le statut de l’agriculteur est défini. Nous sommes d’accord sur cela, il s’agit simplement de nous organiser et je pense qu’on le fera après la tenue de la Jnp. C’est-à-dire valider la loi lors d’un atelier, avant de la soumettre au Gouvernement. Il nous faut nous donner des délais pour ne pas piétiner là-dessus.
Propos recueillis par Christian KONE
Entre austérité et transition politique
Pour le coordonnateur de la 18e Jnp, Alphonse Bonou: «Les gens pensent que les engagements qui vont être pris seront tenus. Je ne sais pas d’où ils tiennent cette certitude, mais moi aussi je pense que le contexte ayant changé, ce sera mieux que les autres années. Les engagements vont être très réalistes. Nous avons commencé la préparation depuis le 5 janvier et nous sommes à notre 8e réunion. En ce qui concerne le budget, il est le même depuis 4 éditions. Il est de 500 millions encore cette année. Mais il y a des choses qui ont beaucoup changé. Nous essayons de contenir l’inflation par une meilleure organisation pour diminuer le coût des prestations. Nous avons revu à la baisse un certain nombre de dépenses liées à la prise en charge des participants, en termes de nombre et de transport. Nous allons certainement mieux rationaliser que les autres fois pour arriver un minimum en dessous duquel l’organisation ne serait pas possible (rires)».o