Selon le rapport 2014 du Service international pour l’acquisition d’applications agricoles biotechnologiques (Isaaa) présenté le 19 février 2015 par le Réseau des communicateurs ouest-africains en biotechnologies, le Burkina, avec ses 500.000 hectares de coton génétiquement modifié, est classé au 14e rang sur une liste de 28 pays où les biotechnologies agricoles ont cours. Ces cultures prennent de plus en plus de l’espace dans le pays, les recherches se multiplient également. L’actualité concerne le niébé et le sorgho génétiquement modifiés en vue de favoriser leur résistance aux insectes ravageurs et aux changements climatiques. Avec le Dr Edgar Traoré, virologue-généticien et sélectionneur des plantes à l’Institut environnemental et de recherches agricoles (Inera), nous faisons le point de cette recherche.
– L’Economiste du Faso : Où en est la recherche en biotechnologies agricoles expérimentées au Burkina Faso?
Dr Edgar Traoré: Le Burkina est pleinement engagé en matière de biotechnologies agricoles à travers différents programmes de recherches au niveau du département Production végétale. Il est cependant bon de bien connaître la différence entre «biotechnologies agricoles conventionnelles» et utilisation des biotechnologies modernes dans l’agriculture, à savoir les plantes génétiquement modifiées.
Ces terminologies prêtent facilement à confusion lorsqu’on n’est pas du domaine. Les biotechnologies agricoles consistent en une utilisation conventionnelle de techniques ou de technologies avancées en biologie pour le diagnostic de phytopathogènes comme en sérologie, en biologie moléculaire ou en enzymologie, la caractérisation de bio-agresseurs ou l’identification de gènes ou de protéines d’intérêt (marqueurs moléculaires, puces d’Adn, etc.). Elles concernent également la vitro-culture de plantes, entre autres techniques conventionnelles, dans le but de protéger les plantes cultivées et d’améliorer leur potentiel de production aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. D’où l’engagement de l’Inera pour la création et la promotion de variétés améliorées des spéculations.
La création variétale pour faire face à certaines contraintes peut nécessiter l’utilisation des biotechnologies modernes, donc de génie génétique, lorsque les méthodes conventionnelles présentent leurs limites. C’est alors que l’on parle de biotechnologies agricoles modernes impliquant clairement les plantes génétiquement modifiées.
Pour répondre donc à votre question, le Burkina, au niveau de l’Inera, utilise couramment toutes les méthodes de biotechnologies agricoles conventionnelles mentionnées plus haut. De plus, des chercheurs de l’institut sont impliqués dans des recherches concernant les biotechnologies modernes sur le cotonnier et le niébé ou le benga en langue nationale mooré. Des efforts de recherche sont en cours pour une utilisation sécurisée et durable du coton génétiquement modifié qui se trouve à l’étape de commercialisation. Quant au niébé génétiquement modifié, il est toujours au niveau de recherche sous autorisation de l’Agence nationale de biosécurité (Anb). En ce qui concerne le sorgho génétiquement modifié, il est toujours au stade de projet.
– Depuis 2009, on entend parler du niébé en cours d’expérimentation. Pouvez-nous donner de plus amples informations sur le sujet ? A quand espérez-vous pouvoir vulgariser le niébé-Bt?
Le niébé génétiquement modifié en question concerne le niébé-Bt. Ce niébé a reçu dans son génome un gène supplémentaire qui est responsable de la production d’une protéine de type cristalline qui est une pro-toxine.
Cette protéine cristalline est donc présente de façon systémique dans la plante transformée. Lorsque cette pro-toxine se retrouve dans l’estomac hautement basique du ravageur, à savoir la larve de papillon qui s’attaque aux organes reproducteurs de la dite plante, elle se transforme en une toxine et le tue. Cette pro-toxine est spécifiquement toxique pour des insectes précis dont les larves d’un papillon foreur des gousses et autres organes floraux du niébé.
Il s’agit du Maruca vitrata qui peut provoquer des pertes de récolte chez le niébé pouvant atteindre 80%. Aucune source de résistance contre le Maruca vitrata n’a pu être identifiée par la recherche à travers le monde à ce jour et la gestion abusive de ce ravageur par l’utilisation d’insecticides lui donne de plus en plus une résistance à plusieurs formulations chimiques.
La promotion et la vulgarisation du niébé-Bt peuvent être espérées dans les 2 à 3 prochaines années si tout se passe bien avec les autorisations de l’Agence nationale de biotechnologie qui s’assure que toutes les exigences de recherche pour garantir la sécurité de la santé humaine, animale et de l’environnent soient remplies.
– Quels seront les avantages de cette culture ?
Les avantages du niébé-Bt seront perceptibles dans la réduction des pertes de rendement causées par le ravageur, ce qui favorisera une meilleure productivité du niébé-Bt dans les zones infestées par le ravageur. Les producteurs auront besoin de moins de pesticides qui, comme vous le savez, sont très dangereux pour l’humain, l’animal et l’environnement du fait de leur mauvaise utilisation, sans oublier que certains pesticides sont non-homologués, périmés, trafiqués ou en surdosage.
Avec la niébé-Bt, les producteurs feront leur travail avec moins de pénibilité et préserveront leur santé. Les autres avantages cités sont en lien avec la meilleure qualité du niébé indemne de trace de pesticides et la protection des organismes non-cibles, à savoir les abeilles et autres insectes utiles ou importants dans des chaînes alimentaires qui sont détruits par les traitements insecticides, du fait de la spécificité de la toxine Bt ciblant seulement les ravageurs.
– Le Burkina a-t-il toutes les capacités pour mener à bien ces recherches et gérer sainement les biotechnologies agricoles ?
Oui, l’Inera dispose aussi bien d’une plateforme technique que de chercheurs hautement qualifiés. Je veux parler des généticiens, des phytopatologistes, des virologistes, des physiologistes, des malherbologistes. A ces compétences s’ajoutent celles des toxicologistes, des entomologistes, des agronomes, des socio-économistes, des agroéconomistes, des environnementalistes, des pédologues et des géographes pour gérer sainement ce type de recherche sous toutes ces formes. De plus, les chercheurs de l’Inera travaillent sous la surveillance critique de l’Agence nationale de biosécurité.
Recueillis par Christian KONE