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Mévente d’œufs: Une situation inquiétante

«Je vendais 100% de la production auprès des grossistes, au jour le jour. Mais, depuis 3 mois, la situation est devenue dramatique», s’alarme Mahamadou Samoura, un aviculteur à Bobo-Dioulasso.

Le manque à gagner causé par cette situation est énorme. Il représente la production de 15 jours. «J’ai sous la main une mévente de 100 plaquettes de 30 œufs par jour, soit 1.500 plaquettes dans le mois, d’une valeur d’environ 3 millions de FCFA», poursuit Mahamadou Samoura.
Pour faire face à la crise, il compte vendre 6.000 poulets sur les 25.000 que compte son cheptel, pendant la période des fêtes. Pourtant, ces poulets pouvaient tenir jusqu’en mars. La situation que vit ce producteur est partagée par l’ensemble des acteurs de la filière de la région des Hauts-Bassins. Mais quelle est la raison de cette crise ?
Selon les informations recueillies sur le terrain, la mévente des œufs est due à une inondation du marché par des œufs provenant essentiellement de la Côte d’Ivoire. Ces œufs arrivent à Bobo-Dioulasso par trois moyens. Premièrement, des importateurs d’œufs ravitaillent les revendeurs habituels des producteurs de Bobo sur le trajet depuis la frontière entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Ainsi, depuis les villes de Kampti, Gaoua, Diébougou, Pâ, Boromo, Sabou, Koudougou, des stocks d’œufs reviennent à Bobo-Dioulasso.
La deuxième source de ravitaillement est Ouagadougou. Les œufs convoyés depuis la capitale arrivent par les transporteurs à Bobo-Dioulasso. La troisième source de ravitaillement est assurée par les cars de transport en commun. Leurs soutes transportent des œufs qui inondent le marché bobolais.
Si les importateurs officiels disposent d’autorisations nécessaires pour leur activité, tel n’est pas le cas pour de nombreux les autres qui le font de manière frauduleuse.
Les aviculteurs des Hauts-Bassins qui viennent de s’organiser au sein d’une structure régionale sont à la recherche de solutions. Ils sont allés à la rencontre des autorités régionales et provinciales en charge des ressources animales à Gaoua, Bobo-Dioulasso et Kampti. Au cours de la mission à Kampti, un camion de 10 tonnes est entré dans le territoire burkinabè avec 500 cartons de 12 plaquettes chacun, soit 6.000 plaquettes. Chaque plaquette comptant 30 œufs, le camion a fait rentrer 1.800.000 œufs d’une valeur d’environ 12.000.000 de FCFA.
L’importateur était en règle parce qu’il disposait à la fois d’une autorisation d’importer et d’un certificat zoo-sanitaire délivrés par les services vétérinaires du ministère des Ressources animales. Il s’est également acquitté des différentes taxes. Doit-on interdire l’importation des œufs pour protéger le marché national ?
Pour un producteur qui requiert l’anonymat, «accorder de telles autorisations d’importation d’œufs étrangers me semble en total contradiction avec toute la politique de notre pays en matière d’emploi des jeunes et de développement de l’aviculture». La responsabilité du ministère des Ressources animales est engagée dans cette crise. En effet, l’administration aurait délivré, pour septembre 2014,16 autorisations d’importation d’environ 5.000 plaquettes d’œufs. Au cours du mois d’octobre 2014, 12 autorisations d’importation ont été délivrées et en début novembre 2014, 4 autorisations d’importation ont été enregistrées. Ces autorisations ont été délivrées sans tenir compte de la production nationale. Mahamadou Samoura n’est pas contre l’importation. «L’importation maintient les habitudes de consommation et régule le marché. Elle ne doit intervenir que pour pallier les insuffisances du marché national». Il propose que l’alimentation des élèves dans les cantines scolaires, des étudiants dans les restaurants universitaires, des militaires dans les casernes et des patients dans les centres hospitaliers se fasse avec la production locale.
La question fondamentale est de savoir qui doit évaluer la production locale avant que le ministère ne délivre les autorisations en fonction pour combler le déficit. La collecte des données statistiques relève de la souveraineté de l’Etat qui dispose d’agents dans toutes les communes.
Les acteurs n’ont ni les moyens ni la capacité de le faire. Seule une bonne estimation de la production nationale avant d’autoriser les exportations peut mieux réguler le marché, préconise Dramane Traoré, président de la Maison de l’aviculture des Hauts-Bassins.


 

Des importations qui dérangent

Dramane Traoré, président de la Maison de l’aviculture des Hauts-Bassins, explique: «Au sortir de la crise ivoirienne, ce pays disposait d’un cheptel d’environ 2.000.000 poules pondeuses. Les derniers chiffres de la Société ivoirienne de la production animale (Sipra) indiquent 4,5 millions de poules pondeuses. Une grosse production dont une bonne partie inonde les pays voisins dont le Burkina Faso, ce qui désavantage notre marché parce que nos œufs sont de petites tailles à cause de la chaleur. En plus, les coûts de production sont élevés. Ces facteurs conjugués font que nos produits ne sont pas concurrentiels. Nous ne demandons pas à l’Etat de fermer les frontières, parce que nous avons signé des accords économiques avec les pays voisins. Nous demandons simplement une bonne régulation des importations. Que l’on soit regardant aussi sur la qualité».


 

Impact de la mévente

L’alimentation de 30.000 poulets coûte 300.000 FCFA par jour. Ce sont les recettes issues de la vente des œufs qui permettent d’acheter les aliments. Avec la mévente, il serait difficile pour certains producteurs de tenir pendant 2 mois. Des emplois directs sont menacés de suppression.
Une autre difficulté liée au manque de recettes est le ralentissement de la production. Les aviculteurs, qui ne vendent plus, ont des difficultés à nourrir les poulets. Sans une bonne alimentation, on observe une chute de la ponte des œufs.

J B

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