Sans doute, trois (3) textes majeurs ont marqué notre profession d’expert-comptable et l’environnement des entreprises. Il s’agit :
– du règlement n° 05/Cm/Uemoa modifiant le règlement n°04/96/Cm/Uemo du 20 décembre 1996 portant adoption d’un référentiel comptable commun au sein de l’Uemoa, dénommé Système comptable ouest-africain (Syscoa) ;
– du règlement d’exécution n°005/2014/Com/Uemoa portant détermination des modalités d’application du référentiel comptable commun au sein de l’Uemoa, dénommé Système comptable ouest-africain ;
– la recommandation n°01/2014/Com/Uemoa/Ccoa précisant les modalités de mise en œuvre des dispositions du règlement n°005/2014/Com/Uemoa du 30 mai 2014 pris en application du règlement n° 05/Cm/Uemoa du 28 juin 2013 modifiant le règlement n°04/96/CM/Uemo du 20 décembre 1996 portant adoption d’un référentiel comptable commun au sein de l’Uemoa, dénommé Système comptable ouest-africain (syscoa).
L’objectif essentiel de toutes ces dispositions est d’améliorer la qualité de l’information financière au service de la performance de nos entreprises. Elles ont abouti à l’adoption d’états financiers modernes incluant des notes annexes qui donnent des explications sur la représentation des chiffres au bilan au compte de résultat et au tableau des flux de trésorerie. Le must de la réforme est que notre droit comptable commence à intégrer un pan important de notre économie qui était resté en marge de la normalisation, et qui est constitué par les projets et programmes de développement.
Malheureusement, force est de constater, que comme d’habitude, notre sous-région est lente à mettre en application de nouvelles réformes de façon générale, et particulièrement lorsqu’il s’agit de réformes portant sur la comptabilité. La justification à une telle frilosité serait que l’Acte uniforme de l’Ohada, regroupant plusieurs pays, prime sur le règlement de l’Uemoa relatif aux modifications apportées au Syscoa. Pour ma part, j’estime qu’au lieu de nous complaire dans un débat juridique, nous gagnerons à aller vite vers cette réforme car chaque mois que nous passons à ne pas mettre en application ce nouveau référentiel, c’est autant de mois de retard que nous prenons sur l’évolution vers les standards internationaux. En effet, après ce travail d’adaptation correcte de l’information financière à la réalité économique de nos entreprises par les autorités de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et le normalisateur Syscoa, il me semble urgent de nous approprier très rapidement le Syscoa révisé pour les raisons suivantes :
– nécessité fait loi. Retenons que ce sont les pays membres de l’Uemoa, qui bien que sachant qu’ils sont parties prenantes à l’Acte uniforme de l’Ohada relatif au droit comptable, ont jugé nécessaire de faire évoluer notre référentiel comptable vers les normes comptables internationales (Ias/Ifrs) en adoptant les nouvelles modifications.
– le coût très onéreux de la réforme, qui se chiffre à plusieurs centaines de millions de francs CFA, ne nous autorise pas à freiner des quatre fers pour ne pas la mettre en application, quand on connaît l’immensité et la multiplicité des défis auxquels notre espace communautaire est confronté.
En effet dans un tel contexte, il est difficilement compréhensible que l’on investisse dans la normalisation comptable (pour ensuite ne pas l’appliquer) alors que d’autres secteurs aussi prioritaires comme la santé, l’éducation et l’agriculture manquent crucialement de ressources financières. La torpeur actuelle observée par rapport à l’application du Syscoa risque de décourager les autorités politiques de l’Uemoa à investir dans les réformes comptables à venir.
Il me semble que des voix se sont élevées pour demander avec véhémence (comme c’est le cas aujourd’hui) l’abrogation du Syscoa avant sa révision, malgré la suprématie du droit comptable Ohada, même si des textes avaient été pris pour aligner le Syscoa sur les normes comptables Ohada.
Par principe, il aurait fallu à l’époque demander purement et simplement l’abrogation du Syscoa pour ne pas laisser subsister dans notre zone Uemoa deux textes de droit portant sur la même matière (la comptabilité dans notre cas).
Il est à noter que les voix actuelles partisanes de la non application du Syscoa révisé étaient présentes lorsque l’Uemoa alignait les normes Syscoa sur les normes Ohada. En choisissant la voix du silence à l’époque, elles ont contribué à créer la situation actuelle d’existence de deux référentiels comptables dans l’espace Uemoa.
En prenant les devants et en décidant de faire évoluer le référentiel Syscoa, cela pourrait amener les autres pays membres de l’Ohada à hâter le pas pour les prochaines réformes. Enfin, bien que comparaison ne soit pas raison, les pays membres de l’Ohada pourraient à leur tour (au nom de l’harmonisation) prendre un texte pour faire évoluer les normes Ohada au même niveau de qualité que celles du Syscoa révisé (les pays membres de l’Uemoa l’avaient fait en 2001 pour se conformer au Système comptable de l’Ohada), évitant ainsi de se retrouver avec deux textes différents portant sur la même matière au sein de l’Ohada.
La torpeur observée par rapport à l’application du Syscoa risque de décourager l’investissement dans les réformes comptables à venir.
S’adapter aux changements
En définitive, retenons que l’évolution économique nécessite sans cesse, pour les entreprises, une adaptation rapide des comportements et en particulier un réaménagement du droit comptable pour prendre en compte les nouvelles problématiques afin de ne pas être en marge des nouvelles dynamiques. Retenons qu’à la faveur de ces évolutions, une compétition intellectuelle s’installe entre les espaces économiques pour orienter l’évolution des règles. Charles Darwin a dit lui-même que : «Ce ne sont pas les espèces les plus fortes ni les plus intelligentes qui survivent, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements». Plus vite nous nous adapterons aux changements, plus confortable sera notre place dans la compétition mondiale. C’est de cela dont il est éminemment question avec le Syscoa révisé.