Luc Marius Ibriga a pris officiellement fonction à la tête de l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat. La tâche ne sera pas aisée pour lui, tant les gros dossiers sont légion. Sous l’ère Compaoré, l’institution dont il est à la tête actuellement ne faisait pas peur aux candidats au détournement de déniers publics. Le public attend la suite qui sera donnée à certains dossiers emblématiques. La construction d’un immeuble R+1 à l’Université polytechnique de Bobo-Dioulasso (Upb) qui accuse un retard de plus de 10 ans. C’est ce que l’on peut lire dans le rapport 2012 de l’Asce suite à une mission d’investigations qui a eu lieu pour situer les responsabilités sur ce retard.
Le retard porte sur l’exécution du marché n° 99-26/MEF/SG/Dcmp/Messrs du 04 mars 1999. L’Asce avait constaté des irrégularités et insuffisances suivantes: «Le non-respect des dispositions de la réglementation générale des marchés publics et ses textes d’application ; le non-respect des dispositions de la nomenclature des pièces justificatives en matière de dépense publique quant au paiement du décompte provisoire n° 2 du marché».
Cependant, le rapport ne situe pas clairement les responsabilités dans cette affaire. C’est là une des insuffisances de cette institution dont Luc Ibriga, nommé par les autorités de la transition, a la lourde tâche de changer la manière de faire. Dans ses investigations, l’Asce a évalué à 4,899 milliards de F CFA. Les identités des personnes qui se sont rendues coupables de ces actes ont clairement été identifiées dans un rapport transmis à l’ancien Premier ministre Luc Adolphe Tiao. A ces personnes, il a été demandé des comptes, mais seulement 44 millions de FCFA ont été recouvrés, soit 0,89% de taux de recouvrement.
Autre malversation, le rapport 2011 de l’Asce fait le point de la mission de contrôle des lotissements de la mairie de l’arrondissement de Boulmiougou. Il a été reconnu l’ouverture irrégulière d’un compte à la caisse populaire pour la gestion des fonds des lotissements (sans autorisation du ministre de l’Economie et des finances) en plus, l’inexistence d’autorisations de lotir pour tous les lotissements effectués dans l’arrondissement de Boulmiougou depuis 1999.
L’Asce a recommandé de prendre des dispositions qui s’imposent afin de faire rembourser la somme de 19 millions de FCFA par Alfred Tiendrebéogo Stéphane, comptable de fait des lotissements. Aussi, Joanny Ouédraogo, ex-premier adjoint au maire et ex-maire, doit la somme de 1.015.000 FCFA, tout comme Ouédraogo Séraphine et Alfred Tiendrebéogo qui restent conjointement redevable de la somme de 174 millions FCFA, représentant les dépenses non justifiées, les dépenses justifiées avec des pièces irrégulières, etc.
Enfin, le contrôle à la Direction de l’administration et des finances (Daf) du ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique (Messrs) a permis de déceler des irrégularités dans la gestion sur la période 2008-2009 et 2009-2010 par le Daf de l’époque. Il a été sommé de rembourser 12 millions FCFA sans préjudice de poursuites judiciaires et la justification de 108.millions F CFA dépensés suivant des « attestations de dépenses».
Quant au ministre de l’époque, Joseph Paré, il lui a été intimé de rembourser 262 millions de FCFA. L’Asce a par la même occasion enjoint Joseph Paré de rembourser au Foner des sommes qui lui étaient destinées au titre des années scolaires précédentes (2008-2009 et 2009-2010) d’un montant de 32.969.574 FCFA.
Les autorités de la transition qui affirment vouloir lutter contre la corruption ont du pain sur la planche. Ces malversations ne constituent qu’un échantillon des cas de détournements au Burkina Faso. o
Joël BOUDA
Gel des avoirs: Blaise Compaoré est très futé
Le Ren-Lac demande le gel des avoirs de Blaise Compaoré qui a déjà échappé à une procédure judiciaire. Effet, en mars 2007, les Ong Sherpa et Survie déposaient une plainte contre les présidents Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso, Teodoro Obiang, Blaise Compaoré et Eduardo Dos Santos. La plainte se fondait sur des rapports présentant de sérieuses présomptions que ces chefs d’Etat ont été les instigateurs d’importants détournements de biens publics. La plainte avait réussi à engendrer l’ouverture d’une enquête par la police française qui, à travers 34 procès-verbaux, a confirmé l’existence d’un important patrimoine en France que les rémunérations desdits chefs d’Etat ne pouvaient pas justifier.
Malgré les résultats de ces investigations, la plainte avait fait l’objet d’un classement sans suite par le parquet de Paris qui avait considéré que l’infraction était insuffisamment caractérisée, si bien que l’origine des fonds ayant servi à l’acquisition de ce patrimoine n’avait pas été recherchée.
Le 9 juillet 2008, la section française de Transparency international (Ti) déposait une deuxième plainte contre ces mêmes chefs d’Etat qui sera également classée sans suite le 3 septembre 2008. Suite à cela, le 2 décembre 2008, Ti France contourne le parquet et utilise la procédure prévue par le droit français appelée «Plainte avec constitution de partie civile (Pcpc)» qui entraîne automatiquement l’ouverture d’une instruction.
Mais à cette étape, les présidents burkinabè Blaise Compaoré et angolais Eduardo Dos Santos n’avaient pas été visés par cette plainte, car l’enquête préliminaire déjà conduite par la police française n’avait pas permis d’établir de manière incontestable l’existence de leur patrimoine.