C’est la peur au ventre que la population vit ces semaines après l’insurrection populaire du 30 octobre dernier. Cette révolte a favorisé le pilage de certains magasins et stocks alimentaires, d’où la crainte d’une hausse des prix des denrées alimentaires pour la population. Déjà les premières semaines suivant la crise, certains commerçants se plaignaient de la rupture de certains produits comme l’huile dont le bidon de 20 litres est passé de 14.000 à 15. 000 F CFA. Selon eux, cette hausse est due au fait que cette marque d’huile est devenue introuvable du fait que les magasins du grossiste aient été pillés lors de l’insurrection.
Mahamoudou Séré, commerçant, donne des explications en ces termes: «Il est impossible de trouver cette huile sur le marché actuellement. Les stocks du grossiste ont été saccagés. Ce qui explique la légère hausse du prix. Cependant, tout devrait rentrer dans l’ordre d’ici quelques jours, avec la reprise des activités et la réouverture des frontières». Une légère hausse des prix des céréales a également été constatée à Bobo-Dioulasso et à Pô.
Cependant, tout semble être rentré dans l’ordre. Selon les économistes, le Burkina ne devrait pas craindre une hausse des prix. « La crise a été circonscrite dans les villes. Ainsi, on ne devrait pas avoir de hausse des prix. De plus, les prix sont relatifs à la production céréalière de l’année passée et celle en cours. Sur le plan global, la production céréalière de cette campagne agricole est satisfaisante. Cependant, l’insurrection populaire a entraîné des saccages et des pillages. De nombreuses personnes se retrouvent par la force des choses au chômage et verront leur revenu baisser. Si de nombreuses personnes n’ont plus d’argent, cela va se ressentir à long terme par la baisse de la consommation qui, par ricochet, entraînera la baisse des prix des denrées», explique Aziz Sana, économiste. Et à Ra-Sablga Ouédraogo, économiste-chercheur à l’Institut Free Afrik, de renchérir : «A la suite de la mise sur le marché des céréales pillés, c’est plutôt une baisse des prix qui a été constatée.
La hausse des prix des céréales est influencée par le choc agricole. Si on a une année de bonne production agricole, on n’a pas de pression générale sur les prix. Cette année, nous avions une production attendue de 5,7 millions de tonnes de céréales. Cette estimation ne sera pas atteinte en raison des attaques des oiseaux ravageurs dans le Soum et le Mouhoun où dans certains espaces, près de 80 à 100% des récoltes sont perdus. Il y aura des poches d’insécurité alimentaire. En tout état de cause, même s’il y avait des pressions sur les prix, nous avons une sous-région qui a plutôt une bonne saison.
On espère que ces marchés puissent aider à contenir les prix au niveau des céréales». Du côté des commerçantes installées à la gare ferroviaire, hormis quelques petites hausses de quelques jours, justifiées par la fermeture des frontières, les choses sont redevenues normales.
La vie a repris son cours même si la population n’est pas tout à fait rassurée. «Pendant la crise, les marchandises ne venaient plus, car les frontières ont été fermées quelques jours. Maintenant ça va, mais ce n’est pas comme avant car les commerçants qui faisaient la navette entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso ne sont pas tout à fait rassurés.
Ils viennent avec des stocks limités pour le moment. Nous espérons qu’avec le retour au calme, les gens seront rassurés et vont continuer à nous approvisionner. Les prix n’ont pas changé, mais on ne sait pas comment les choses vont se dérouler à l’avenir», témoigne Alima Sawadogo, commerçante.
En effet, la crainte est que certaines personnes profitent de la situation actuelle pour augmenter les prix sur le marché, vu qu’il n’y a pas de contrôle des prix. Le souhait de la population est que le nouveau Gouvernement veille à ce que les prix sur les marchés n’évoluent pas de façon exagérée, comme le fait savoir Ra-Sablga Ouédraogo : «Il faut que légitimement l’autorité publique sévisse si toutefois certaines personnes voudraient jouer au plus malin en augmentant les prix de certains produits».
Germaine BIRBA
Les décisions de l’ancien régime
Un décret datant du 26 novembre 2003 dressait une liste de 19 produits de grande consommation soumis à une réglementation. La même liste de produits fut considérée dans les mesures sociales du Gouvernement en septembre dernier. Elle comprend :
Le riz
Les autres céréales locales (maïs, mil, sorgho…)
Les huiles alimentaires
Le coton graine destinée à la fabrication de l’huile alimentaire
Les intrants agricoles
Les produits phytosanitaires
Le sucre
La farine de froment
Le pain
Le lait et produits de la laiterie
Le savon
Le ciment
Les fers à béton
Les tôles
Les hydrocarbures
Les médicaments essentiels génériques
La tarification publique (eau, électricité…)
Les articles scolaires
Le tabac.
L’ancien Gouvernement avait décidé des prix fixes pour les produits locaux et une marge à ne pas dépasser pour les produits importés. Avec le gouvernement de transition, la population espère une révision des prix ou dans le cas contraire le maintien de ceux-ci afin de ne pas rendre davantage pénible la vie des populations.