Politique

La Charte de la transition adoptée : présidentiables, à vos marques !

Deux semaines après la prise du pouvoir d’Etat par les militaires et suite aux négociations engagées par les principaux animateurs de la scène socio-politique, l’on a obtenu dans la nuit du jeudi 13 novembre un accord sur la Charte de la transition. Ils ont manifesté leur soulagement en entonnant le refrain fort à propos de l’hymne national : «Et une seule nuit a rassemblé en elle l’histoire de tout un peuple. Et une seule nuit a déclenché sa marche triomphale vers l’horizon du bonheur. Une seule nuit a réconcilié notre peuple avec tous les peuples du monde, à la conquête de la liberté et du progrès».

Que de péripéties avant l’aboutissement de la Charte voulue par tous et censée poser les maillons d’une chaîne devant faciliter la tenue des prochaines consultations électorales. Toutes les parties ont fait preuve de patience et de concessions pour fondre leurs différentes propositions et contre-propositions dans le moule du consensus afin d’arriver à ce compromis essentiel, paraphé par les partis politiques, les organisations de la société civile, les forces de défense et de sécurité et les autorités religieuses et coutumières.
C’est une étape importante qu’ils viennent d’enjamber, main dans la main, en convergeant vers l’intérêt suprême du Burkina pour lequel les uns ont mené une insurrection populaire et les autres ont pris leurs responsabilités après la vacance du pouvoir délaissé par l’ancien président Compaoré.
Si l’esprit de consensus et de discernement, valeur de référence de la transition, a permis son paraphe, l’autre pas, aussi important que celui du 13 novembre, est la désignation du président de la transition. Cette étape importante est réglée par la charte elle-même.
Ainsi, huit membres représentants les autorités religieuses et coutumières, cinq issus des partis politiques, aux côtés de cinq autres membres de la société civile, et autant de représentants des forces de défense et de sécurité conjugueront leurs jugements pour trouver cette personne qui répondra au nom de l’Etat au cours des 12 prochains mois. L’heureux élu devrait avoir la «capacité à conduire une Nation et à gérer des situations de crise et apte à conduire avec neutralité et objectivité les élections présidentielle et législatives», auxquelles il ne peut être éligible.
Le détenteur du pouvoir exécutif aura à composer avec le pouvoir législatif confié au Conseil national de la transition. Cet organe de 90 membres dans lequel la présence des jeunes et des femmes reflétera le visage démographique du pays tente un équilibrage des forces en présence. Le Cfop prend la part du lion, avec 30 représentants pour ses partis affiliés contre 25 pour l’armée et autant de membres pour la société civile.
L’ancienne majorité, courtoisement appelée «autres partis», se contentera de 10 sièges. La direction de Conseil, initialement voulue par les militaires, échoit à un civil. Leur concession a permis de lever les inquiétudes de ceux qui pensaient que les hommes en treillis voulaient garder la main sur la gestion du pouvoir.
Ces derniers ont compris les exigences distillées sous le couvert d’une pression douce par les diplomates étrangers : un gouvernement civil, une transition régie par l’ordre constitutionnel, dont le but principal est de préparer les élections. Les militaires dont la «contribution et le comportement patriotiques et républicains» sont reconnus à leur juste valeur sont appelés à regagner, en temps opportun, leurs fonctions primordiales qui sont celles de sauvegarder l’intégrité territoriale et la sécurité du peuple burkinabè.


 

Aller vite pour éviter les sanctions internationales

Avec l’adoption de la Charte qui consacre le rétablissement de la Constitution suspendue aux premières heures de la prise du pouvoir par les autorités militaires, le Burkina devrait retrouver sa légalité et, bientôt, toute sa place au sein de la Communauté internationale quand un Gouvernement reconnu se constituera.
Les efforts déployés depuis le début de la crise ont adouci les partenaires étrangers qui ont fait montre d’une sympathie envers le peuple burkinabè engagé dans le mouvement populaire pour plus de démocratie et de justice sociale. Les sanctions sont mises en veilleuse, mais, il faudra aller vite, car certains pays et organisations internationales ont déjà suspendu leurs concours financiers au Burkina en attendant d’y voir plus clair. Tout comme le Canada, le Fonds monétaire international (Fmi) vient de prendre une décision dans ce sens. La Banque mondiale, de son côté, souhaite par la voix de son vice-président pour l’Afrique qu’il y ait une transition le plus rapidement possible, qui soit inclusive afin que ses programmes de développement ne soient pas interrompus au Burkina.
Si les programmes de développement mis en œuvre par la communauté internationale devaient être suspendus temporairement à cause de la situation politique, cela aurait un effet très néfaste sur le développement économique du pays, prévient Makhtar Diop, récemment interrogé par Rfi.

Christian KONE


CHARTE DE LA TRANSITION PREAMBULE 

 

Nous, représentants des partis politiques, des organisations de la société civile, des forces de défense et de sécurité, des autorités religieuses et coutumières du Burkina Faso signataires de la présente Charte:
Nous fondant sur la Constitution du 2 juin 1991;
Considérant le caractère populaire de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 ayant conduit à la démission du Président Blaise COMPAORE;
Considérant le lourd tribut payé par les filles et les fils du Burkina Faso ;
Considérant le combat pour la reprise du pouvoir par le Peuple,
Considérant la contribution et le comportement patriotiques et républicains des forces de défense et de sécurité qui ont assuré la continuité du pouvoir d’Etat
Considérant la nécessité d’une transition politique, démocratique, civile, apaisée et inclusive;
Considérant le nécessaire accompagnement de la Communauté internationale pour relever les défis majeurs auxquels le Burkina Faso sera confronté tout au long de la période de la transition;
Considérant notre attachement aux valeurs et principes démocratiques tels qu’inscrits dans la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du30 janvier 2007 de l’Union Africaine et dans le Protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2001 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance ;
Tirant leçon de notre expérience politique et engagés à construire un véritable Etat de droit démocratique;
Conscients de l’urgence de doter le Burkina Faso d’organes de transition afin de combler le vide institutionnel dans la conduite des affaires publiques ;
Approuvons et adoptons la présente Charte de la transition qui complète la Constitution du 2 juin 1991 et dont le présent préambule est partie intégrante.

Titre I : Les valeurs de référence
Article 1
Outre les valeurs affirmées par la Constitution en son préambule, la présente Charte consacre les valeurs suivantes pour guider la transition, ses organes et l’ensemble des personnalités appelées à la conduire :
– le pardon et la réconciliation ;
– l’inclusion ;
– le sens de la responsabilité ;
– la tolérance et le dialogue ;
– la probité ;
– la dignité ;
– la discipline et le civisme ;
– la solidarité ;
la fraternité ;
l’esprit de consensus et de discernement.

TITRE II : LES ORGANES DE LA TRANSITION
Chapitre 1: Du Président de la transition
Article 2
Le Président de la transition occupe les fonctions de Président du Faso et de Chef de l’Etat. Il veille au respect de la Constitution et de la Charte de la transition. Ses pouvoirs et prérogatives sont ceux définis par la présente Charte et au Titre III de la Constitution du 2 juin 1991 à l’exception de ceux incompatibles avec la conduite de la transition.
Le conseil constitutionnel statue en cas de litige. Son mandat prend fin au terme de la transition après l’investiture du Président issu de l’élection présidentielle.
Article 3
Tout candidat aux fonctions de Président de la transition doit remplir les conditions suivantes :
– être une personnalité civile ;
– être burkinabé de naissance ;
– être âgé de 35 ans au moins et de 75 ans au plus ;
– être compétent ;
– être intègre
– être de bonne moralité ;
– être impartial ;
– être une personnalité de notoriété publique ;
– n’avoir pas jamais fait l’objet d’une condamnation ou d’une poursuite judiciaire pour crime ;
– être reconnu pour son engagement dans la défense des intérêts nationaux ;
– avoir une connaissance du fonctionnement des institutions et une expérience de leur gestion ;
– n’avoir pas soutenu le projet de révision de l’article 37 de la Constitution ;
– n’être affilié à aucun parti politique.
Il ne saurait être une personne des forces de défense et de sécurité en activité, en disponibilité ou à la retraite.
Article 4
Le Président de la transition n’est pas éligible aux élections présidentielle et législatives qui seront organisées pour mettre fin à la transition. La présente disposition n’est pas susceptible de révision.
Article 5
Le Président de la transition est choisi par un Collège de désignation sur une liste de personnalités proposées par les partis politiques, les organisations de la société civile et les forces de défense et de sécurité à raison de trois (3) personnalités au plus par composante.
Article 6
La liste des candidats de chacune des parties mentionnées à l’article 5 ci-dessus est déposée au siège du Collège de désignation sous pli fermé en trois (3) exemplaires dont l’original.

Article 7
La désignation du Président de la transition se fait sur la base des critères ci-après :
– le caractère consensuel de la personnalité au niveau national ;
– la capacité à conduire une nation et à gérer des situations de crise ;
– la capacité à conduire avec neutralité et objectivité les élections présidentielle et législatives ;

Article 8
Le Collège de désignation, qui prend en compte les jeunes et les femmes, se compose comme suit :
– cinq (05) membres représentant les partis politiques ;
– cinq (05) membres représentant les organisations de la société civile.
– cinq (05) membres représentant les forces de défense et de -sécurité ;
– huit (08) membres représentant les autorités religieuses et coutumières.
Excepté les représentants des partis politiques, les autres membres du Collège de désignation ne doivent pas être membres de l’organe dirigeant d’un parti politique.
Article 9
La procédure de désignation comporte deux (2) phases : une phase de présélection et une phase de sélection. La présélection est opérée par le Collège de désignation en vue de retenir trois personnalités. La sélection est précédée d’un entretien avec chacune des trois personnalités présélectionnées sur les motivations de leur candidature. La sélection définitive se fait par consensus au sein du Collège de désignation. Le candidat retenu est investi Président de la transition, chef de l’Etat, par le Conseil constitutionnel.
Article 10
Au cours de la cérémonie d’investiture, le Président prête le serment suivant: «Je jure devant le Peuple burkinabé et sur mon honneur de préserver, de respecter, de faire respecter et de défendre la Constitution, la Charte de la transition et les lois, de tout mettre en œuvre pour garantir la justice à tous les habitants du Burkina Faso».
Le président du Conseil constitutionnel reçoit la déclaration écrite des biens du Président de la transition. Cette déclaration est publiée au Journal officiel.
Dans un délai maximum d’un mois suivant la fin de la transition, il reçoit une seconde déclaration écrite. Celle-ci est publiée au Journal officiel, accompagnée des justificatifs éventuels en cas d’augmentation du patrimoine.
Le Conseil constitutionnel en relation avec la Cour des comptes, veille à l’application des présentes et est investi de tous les pouvoirs pour établir le patrimoine des personnalités concernées.
Cette disposition s’applique également à tous les membres des organes de transition institués par la présente Charte, à l’entrée et à la fin de leurs fonctions.
Article 11
Lorsque le Président de la transition est empêché de façon temporaire de remplir ses fonctions, ses pouvoirs sont provisoirement exercés par le Premier ministre.
En cas de vacance de la Présidence de la transition pour quelque cause que ce soit, ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement, le Premier ministre assure l’intérim en attendant la désignation d’un nouveau Président de la transition conformément aux dispositions de la présente Charte.

Chapitre II : Du Conseil National de la Transition
Article 12
Le Conseil national de la transition est l’organe législatif de la transition. Il est composé ainsi qu’il suit :
– Trente (30) représentants des partis politiques affiliés au CFOP ;
– Vingt-cinq (25) représentants des organisations de la société civile ;
– Vingt-cinq (25) représentants des forces de défense et de sécurité.
– Dix (10) représentants des autres partis.
Sa composition prend en compte les jeunes et les femmes.
Le Conseil national de la transition exerce les prérogatives définis par la présente Charte et au Titre V de la Constitution du 2 juin 1991, à l’exception de celles incompatibles avec la conduite de la transition. La Conseil constitutionnel statue en cas de litige.
Article13
Les membres du Conseil national de la transition ne doivent pas être des personnes ayant ouvertement soutenu le projet de révision de l’article 37. Ils ne doivent pas avoir fait partie du dernier gouvernement dissout de la IVème République. Son Président est une personnalité civile élue par ses pairs. Le Président du Conseil national de la transition n’est pas éligible aux élections présidentielle et législatives qui seront organisées pour mettre fin à la transition.

Chapitre III : Du Gouvernement de la Transition
Article14
Le gouvernement de transition est dirigé par un Premier ministre nommé par le Président de la transition. Il exerce les prérogatives définis par la présente Charte et au Titre IV de la Constitution du 2 juin 1991,à l’exception de celles incompatibles avec la conduite de la transition. La Conseil constitutionnel statue en cas de litige. Le gouvernement de transition est constitué de vingt-cinq (25) départements ministériels. Sa composition prend en compte les jeunes, les femmes et les syndicats.
Article 15
Les membres du gouvernement doivent remplir les conditions suivantes:
– avoir la majorité civile,
– être de nationalité burkinabé
– avoir les compétences requises
– être de bonne moralité.
Les membres du gouvernement de la transition ne doivent pas être des personnes ayant ouvertement soutenu le projet de révision de l’article 37. Ils ne doivent pas avoir fait partie du dernier gouvernement dissout de la IVème République.
Article 16
Les membres du gouvernement de la transition ne sont pas éligibles aux élections présidentielle et législatives qui seront organisées pour mettre fin à la transition.
Article 17
Il est créé auprès du Premier Ministre une Commission de la réconciliation nationale et des réformes, chargée de restaurer et de renforcer la cohésion sociale et l’unité nationale.
Article 18
La Commission de la réconciliation nationale et des réformes est composée de sous-commissions dont notamment:
– la sous-commission vérité, justice et réconciliation nationale;
– la sous-commission des réformes constitutionnelles, politiques et institutionnelles;
– la sous-commission réforme électorale;
– la sous-commission finances publiques et respect du bien public ;
– la sous-commission gestion des médias et de l’information.
Une loi organique fixe les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Commission de la réconciliation nationale et des réformes.
TITRE III : LA REVISION DE LA CHARTE DE LA TRANSITION
Article 19
Par dérogation aux dispositions prévues par le Titre XV de la Constitution, l’initiative de la révision de la présente Charte appartient concurremment au Président de la transition et au tiers (1/3) des membres du Conseil national de la transition. Le projet ou la proposition de révision est adoptée à la majorité des 4/5 des membres du Conseil national de la transition. Le Président de la transition procède à la promulgation de l’acte de révision conformément à l’article 48 de la Constitution du 2 juin 1991.

Titre IV : Les dispositions
transitoires et finales
Article 20
La durée de la transition ne peut excéder douze (12) mois à compter de la date de l’investiture du Président de la transition.
Article 21
Les institutions de la période de la transition fonctionnent jusqu’à l’installation effective des nouvelles institutions.
Article 22
La participation des Burkinabè de l’étranger à l’élection Présidentielle qui sera organisée pour mettre fin à la transition se fera conformément aux dispositions de la Constitution et du code électoral.
Article 23
Le mandat des membres du Conseil constitutionnel arrivé à échéance est prorogé jusqu’à la mise en place des institutions de la transition, le cas échéant.
Article 24
La présente Charte entre en vigueur dès sa signature par les parties ci-dessus mentionnées dans le préambule. Sa promulgation intervient dès sa signature.
Article 25
En cas de contrariété entre la Charte de la transition et la Constitution, les dispositions de la présente charte prévalent. En cas de conflit, le conseil constitutionnel statue.
Fait à Ouagadougou,
le 13 novembre 2014
Les signataires :
Les partis politiques
Les partis politiques affiliés au CFOP
Les autres partis politiques
Les organisations de la société civile
Les forces de défense et de sécurité
Les autorités religieuses et coutumières

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