Le Burkina a en projet la mise en place d’une plateforme Cloud dénommée (G-Cloud), au profit de l’administration, des entreprises et des citoyens. Le 24 septembre dernier, un rapport sur les résultats d’un appel d’offres international relatif à ce projet a été adopté en Conseil des ministres. Dans cette interview, Alfred N. Sawadogo, Directeur général de l’Agence nationale de promotion des Tic, explique les tenants et les aboutissants de ce projet dont le démarrage des travaux est prévu pour janvier 2015, pour un délai d’exécution de 27 mois.
– L’Economiste du Faso : C’est quoi le Cloud ? Quelle est l’utilisation réelle qui en sera faite ?
Alfred N. Sawadogo, Directeur général de l’Agence nationale de promotion des Tic: Le terme Cloud est le diminutif de Cloud Computing (informatique dans les nuages). Il s’agit d’un nouveau modèle informatique qui consiste à proposer les services informatiques sous forme de services à la demande, accessibles de n’importe où, n’importe quand et par n’importe qui (identifié comme client), sans interaction directe avec le prestataire de services.
La référence aux nuages évoque une dématérialisation de l’infrastructure informatique. L’idée est de proposer une capacité de traitement informatique sans se soucier des ressources physiques nécessaires à son maintien: ni sa localisation, ni sa puissance, etc.
L’analogie avec la consommation d’électricité est parlante : nous consommons de l’énergie électrique de manière variable, sans savoir comment et où est produite cette électricité.
Cette technologie permet, par exemple, à des entreprises d’externaliser le stockage de leurs données et de bénéficier d’une puissance de calcul supplémentaire pour le traitement de grosses quantités d’information.
– Avec le Cloud, on aura donc une mutualisation de ressources ; une mutualisation de ressources réseaux, de ressources de puissance de calcul, de stockage, de ressources logicielles et de ressources humaines,….
Concernant l’utilisation qui en sera faite, il est important de souligner que les services offerts par le Cloud ne diffèrent en rien des applications serveurs hébergées en interne dans les administrations et les entreprises. Bien au contraire, il offre une haute disponibilité des ressources et d’applications, avec une bonne capacité de traitement et de stockage.
– Pour le cas du Burkina, à quoi peut-on s’attendre dans la réalité des administrations, des entreprises et des citoyens ?
L’Etude nationale prospective (Enp) Burkina 2025 reconnaît que «c’est le niveau de maîtrise des technologies nouvelles et de l’économie de l’immatériel qui détermine de nos jours le sort économique des Etats».
Conscientes de cela, les autorités burkinabè, entendent mobiliser le potentiel des Tic comme puissant levier pour l’enracinement de la bonne gouvernance, le renforcement des capacités, une meilleure appropriation des programmes de développement par les populations, l’amélioration de la compétitivité des entreprises, le désenclavement, l’intégration sous-régionale et l’ouverture sur le reste du monde.
Une telle mobilisation offre aussi les moyens d’une refondation de la manière de livrer les services sociaux de base (éducation, santé,…) afin de les rendre plus accessibles et moins coûteux.
Aussi, plusieurs initiatives en matière de développement des infrastructures et des services Tic ont été entreprises dans divers domaines. Si ces différentes initiatives sont appréciables, elles doivent toutefois relever un défi majeur d’implémentation car, le plus souvent, elles se développent au sein d’un environnement hétérogène composé de silos autonomes qui ont tous une bonne raison d’exister, car répondant à des exigences spécifiques des administrations, des citoyens et des entreprises.
Ces initiatives, d’une part, ne prennent pas en compte les interdépendances, ni la cohérence des applications et des bases de données et, d’autres part, nécessitent que chaque initiateur prenne en charge l’acquisition, le déploiement, l’exploitation et la maintenance des différents équipements nécessaires (serveurs, pare-feux, baies de stockage,…), des applications réseaux, des plateformes applicatives, ainsi que des logiciels. Cela implique, non seulement, des dépenses importantes en capital, mais aussi un investissement en temps supplémentaire de la part du personnel informatique.
Dans ces conditions, il est difficile de passer rapidement d’une idée à sa déclinaison opérationnelle, au regard des contraintes à franchir. Ces difficultés entravent le développement diligent d’une offre de services électroniques au profit des citoyens et autres usagers.
En entreprise, le temps disponible pour les projets stratégiques se réduit de plus en plus. Face à cela, nous constatons que les utilisateurs exigent des temps de réponse de plus en plus courts ; sans oublier la direction dont l’objectif premier est la compression des coûts. Dans un tel contexte, le Cloud Computing se présente comme une révolution informatique.
Dans un environnement où 70% du budget investi dans l’informatique sont dévolus à la maintenance, où les infrastructures évoluent, devenant de plus en plus complexes mais aussi plus fragiles, le Cloud aborde l’informatique sous un autre angle et en minimise la complexité par le regroupement efficace des ressources.
En réponse à ces différentes préoccupations, et face à la nécessité d’avancer plus vite si nous voulons pouvoir tirer profit du potentiel des Tic, le gouvernement burkinabé, à travers l’Agence nationale de promotion des Tic (Anptic), a entrepris de mettre en place une plateforme Cloud au profit de l’administration, des entreprises et des citoyens.
Cette innovation technologique constitue une source de réduction des dépenses, de gain en rapidité et en flexibilité, donc en efficacité.
La réduction des dépenses est liée aux coûts d’investissement presque nuls et aux charges d’exploitation très réduites, pour les projets Tic.
La rapidité est relative à la mise à disposition d’environnements aux utilisateurs qui en font la demande, au moment où ils en font la demande. Un travail de 30 jours pourrait désormais se faire en 2 jours.
La flexibilité est liée à la possibilité d’adaptation, par exemple, aux montées en charge des applications métiers.
– Pourquoi le Cloud burkinabè va-t-il s’appeler G-Cloud et quels sont les objectifs poursuivis ? Y a-t-il différentes sortes de Cloud ?
G-Cloud, signifie Government-Cloud. Le «G» voudrait simplement dire que c’est le Gouvernement qui en est propriétaire.
Les objectifs visés par la mise en œuvre de G-Cloud sont :
– d’accélérer et de faciliter la mise en production de nouveaux e-services (e-éducation, e-Gouvernement, e-santé, e-commerce, e-services au profit du monde rural, etc.) à destination des citoyens, des entreprises et de l’administration ;
– d’optimiser et de réduire les coûts technologiques par la mutualisation des ressources, au profit de l’administration et des entreprises ;
– de disposer d’une infrastructure informatique plus flexible et évolutive, en vue d’améliorer l’accès, la disponibilité et la performance de l’ensemble des services délivrés par l’Anptic, en sa qualité de bras opérationnel du Gouvernement chargé, d’une part, de l’opérationnalisation de la stratégie e-Gouvernement et, d’autre part, de la promotion de l’utilisation des Tic dans les autres domaines de développement social, économique, scientifique et culturel.
En faisant référence à la définition d’un Cloud, donnée ci-dessus, le prestataire de services sera l’Agence nationale de promotion des Tic (Anptic) et les clients seront les services publics, les entreprises privées, les citoyens. Concernant les différentes sortes de Cloud, on distingue généralement quatre typologies de Cloud Computing, en fonction des acteurs et des usages qui en sont faits :
Cloud interne privé
Cloud externe privé
Cloud interne ouvert
Cloud externe ouvert
Concrètement, on dit du Cloud qu’il s’agit d’un Cloud interne lorsqu’une organisation (entité administrative, entreprise) met en œuvre elle-même son propre système de Cloud Computing.
Si elle confie cette tâche à un prestataire, on parle alors de Cloud externe.
De la même façon, une organisation peut mettre en œuvre un Cloud pour son propre usage : on parlera alors de Cloud privé.
Mais elle peut également mettre en œuvre ce Cloud pour l’usage d’autres utilisateurs ou entreprises : on parlera dans ce cas de Cloud ouvert.
Nous pouvons donc présenter le G-Cloud du Burkina Faso comme un Cloud interne ouvert.
– Quelle est l’opportunité pour le Burkina d’en disposer à ce moment précis ?
Pour l’utilisateur, comme une start-up par exemple, l’avantage principal est de bénéficier d’une plateforme et d’une infrastructure lui permettant d’héberger ses applications sans investissement financier, et capable d’absorber n’importe quel pic de charge. Il s’agit là d’un avantage non négligeable pour la promotion de start-up, sources de création d’emplois innovants pour les jeunes. Le Cloud Computing permet aussi de s’affranchir des contraintes de gestion des déploiements et de maintenance des infrastructures techniques, de limiter les coûts d’exploitation en mutualisant les ressources physiques, de garantir une haute disponibilité des services et des données et d’adapter l’infrastructure technique au volume d’activités du client. Avec le G-Cloud, nos administrations, institutions, organisations et entreprises n’auront donc plus besoin d’investir lourdement dans des ressources informatiques, nécessairement limitées, et nécessitant une gestion interne lourde et coûteuse, au détriment souvent de leur cœur de métier. Dans le contexte économique actuel où notre administration et nos entreprises cherchent à rentabiliser au maximum les investissements et à limiter les coûts d’exploitation, le G-Cloud se présente comme étant la solution. Plus globalement, le projet G-Cloud participe à la volonté du président du Faso et du gouvernement burkinabè d’exploiter les opportunités qu’offrent les Tic pour impulser le développement et rattraper un peu notre retard. Aujourd’hui, notre pays n’a plus malheureusement le temps de former les chirurgiens dont il a besoin, parce que la démographie n’attend pas et il faut dix (10) ans pour former un chirurgien. En même temps, il faut s’occuper de l’éducation, du paludisme, etc.
Dans ce contexte, il nous faut trouver des solutions alternatives. Si le backbone va permettre de rendre disponible une infrastructure d’accès aux Tic, robuste, stable et offrant la large bande, le G-Cloud, qui lui est très complémentaire, permettra d’une part, d’impulser le développement des services électroniques et, d’autre part, favorisera un accès équitable à ces services sur l’ensemble du territoire et au-delà de nos frontières. La plate-forme G-Cloud va constituer un tremplin pour le développement des solutions en matière de e-éducation, de e-Gouvernement, de télémédecine, de e-commerce, de e-services au profit du monde rural, etc. Cela contribuera sans nul doute à renforcer les capacités productives, à transformer la structure de l’économie, à créer des emplois et à réduire la pauvreté.
Au plan technique, le G-Cloud contribuera à améliorer la disponibilité et la qualité des services offerts, ainsi que la sécurité des applications et la fiabilité des données.
Les services attendus
Pour le cas spécifique du G-Cloud du Burkina Faso, l’Agence nationale de promotion des Tic ambitionne d’offrir les types de services suivants :
– l’infrastructure en tant que service (IaaS: Infrastructure as a Service): il s’agit ici de mettre en œuvre une infrastructure virtuelle (serveur, couches de virtualisation, stockage, réseaux) sur laquelle le client (service administratif, entreprise, citoyen) va pouvoir héberger des systèmes d’exploitation de serveurs et des logiciels applicatifs. Ici, le client délègue la gestion des machines tout en conservant la maîtrise des environnements de développement et de la conception des applications;
– la plateforme en tant que service (PaaS: Platform as a Service): il s’agit de mettre en œuvre une plateforme d’exécution de logiciels et d’applications, sur laquelle le client va pouvoir installer, configurer et utiliser les applications voulues. Ici, le client délègue la gestion des machines et des environnements de développement tout en conservant la maîtrise de la conception des applications;
– l’application en tant que service (SaaS: Software as a Service): il s’agit ici de rendre accessible une application aux utilisateurs finaux, en mode “service”. Ici, le client délègue tous les services au prestataire Cloud (la gestion des machines, des environnements de développement, des applications);
– la fourniture d’applications sous forme de fonctions communes disponibles comme service de SaaS interne : fonctions de confiance électronique (authentification forte des utilisateurs, signature électronique et certification de documents, stockage sécurisé et création de preuves juridiques) et des fonctions de communication mobile (notifications SMS à des individus, gestion de campagnes SMS destinées à une population cible, intégration mobile avec des applications de Gestion électronique de documents pour les procédures administratives en ligne).Karim GADIAGA