Yacouba Isaac Zida, l’intérimaire venu du Rsp
Suite à la démission du président Blaise Compaoré, un militaire succède à un autre au sommet de l’Etat burkinabè, le temps que la transition s’opère. Le nouvel homme fort qui a reçu l’onction de l’ensemble de l’armée pour accomplir cette mission est désormais le Lieutenant-Colonel Yacouba Isaac Zida.
Né le 16 novembre 1965 à Yako (Province du Passoré), une ville située à 110 km au nord de la capitale, il est marié et père de 3 enfants. Sur le plan professionnel, le nouvel homme fort était jusqu’à sa prise du pouvoir adjoint au chef de corps du Régiment de sécurité présidentielle (Rsp).
Il occupe ce poste depuis le 18 juillet 2011. Jusque-là, il a fait presque toute sa carrière au sein de ce corps d’élite de l’armée burkinabè. En effet, depuis 1996, il a été successivement commandant de compagnie, officier chargé de la sécurité, commandant de groupement adjoint, commandant adjoint de groupement.
Yacouba I. Zida a suivi plusieurs formations dans des écoles et centres prestigieux : Prytanée militaire du Kadiogo, lycée Philippe Zinda Kaboré, l’Université de Ouagadougou (département d’anglais), académie militaire Georges Namoano de Pô (Burkina Faso).
Hors du Burkina Faso, il a suivi des cours d’application des officiers de l’arme blindée à Mekhnès au Maroc (2001-2002).
En 2005 et 2010, il a suivi respectivement un stage de formation en niveau 1 et 2 en analyse d’exploitation des renseignements stratégiques à Taipei en République de Chine Taiwan. En 2006, il était au Canada pour des cours d’état-major élémentaires. Le nouveau président du Faso a été observateur militaire au sein de la Mission des Nations-unies au Congo, la Monuc (2008-2009).
En 2010, il a été officier d’état-major dans la manœuvre multilatérale contre le terrorisme transsaharien dénommée Flintlock 10. Entre 2010 et 2011, il était dans les effectifs de l’école militaire interarmes de Yaoundé au Cameroun pour des cours d’état-major. En 2012, il a suivi une formation sur les opérations antiterroristes à l’Université des forces spéciales de Tampa en Floride.
Le nouveau chef de l’Etat intérimaire, outre les diplômes militaires, est titulaire d’un master en management international de l’Université Jean Moulin de Lyon 3 et d’un master en diplomatie et relations internationales. Il a été successivement décoré de la médaille d’honneur militaire et de la médaille commémorative avec agrafe Rdc.
Auto-proclamé chef de la transition le 31 octobre, il a reçu le soutien de toute la hiérarchie militaire le 1er novembre 2014. Au moment où nous tracions ces lignes (2 novembre dernier), les militaires étaient en voie de céder la direction de la transition, sous la pression des partis politiques et de la communauté internationale.
Général Nabéré Honoré Traoré
Lorsque l’on évoque le nom de ce militaire, on ne peut que se souvenir qu’il fut l’adjoint au Commandant de la 2e région militaire avant le coup d’Etat du 15 octobre 1987. Suite à ce putsch, il devient le premier aide de camp de Blaise Compaoré devenu chef de l’Etat. Au bagage intellectuel qui force le respect, le Général Nabéré Honoré Traoré a fait ses armes à l’école de formation des officiers de Meknès au Maroc.
Il est perçu aussi comme un militaire qui se débarrasse difficilement de la peur. Est-ce parce qu’il est animé d’un esprit de solidarité et de gentillesse ? En tous les cas, après son passage sous la houlette du capitaine Blaise Compaoré, il occupera d’autres fonctions comme chef de corps à Fada N’Gourma, chef de corps de l’académie militaire, directeur des sports de l’Armée. Ensuite, il s’envolera pour l’école de guerre en France, avant de revenir au pays pour s’occuper de la fonction militaire.
Il passera ainsi président de l’Office de liaison de l’Afrique de l’Ouest (Olao) tout en étant dans la structure mondiale du sport, à savoir le Conseil international du sport militaire (Cism). C’est de là que son statut de sportif va le conduire à la destinée du football national. Elu président de la Fédération burkinabè de football, alors qu’il était passé Commandant, Nabéré Honoré Traoré passera Commandant du Groupement central des armées. Lorsque la crise militaire intervient en 2011, il faisait partie des rares militaires en qui la base plaçait encore sa confiance.
C’est ainsi que le président du Faso d’alors, Blaise Compaoré, lui fait appel pour occuper la fonction de Chef d’état-major général des Armées. Le lendemain de sa nomination, on se rappelle qu’il n’était pas Général. Très vite, il est bombardé du grade de Général de division. Depuis 2011, il a occupé cette fonction jusqu’à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre derniers. Il s’auto- proclame chef d’Etat avant que son subordonné, le Lieutenant-Colonel Isaac Yacouba Zida, ne l’évince pour occuper ce poste. Le Général Nabéré Honoré Traoré, âgé de 56 ans, est marié et père de deux enfants.
Général Kouamé Lougué
Celui-là que nombre de manifestants réclament à la tête de la transition après le départ de Blaise Compaoré est un militaire plein, direct et ferme. Alors qu’il s’était vu confier la responsabilité de chef de la Division opération de l’état-major général des armées, il passera Commandant du Groupement central en 1999.
L’homme qui est très proche de la troupe et qui est caractérisé par la simplicité et l’humilité est nommé Chef d’état-major général des armées avant d’occuper le fauteuil de ministre de la Défense. Son franc parler et surtout sa proximité avec la troupe qui l’adule ne plairont pas forcément à tous, surtout au sommet de l’Etat.
Il est donc débarqué de ce fauteuil ministériel. Direction, le secrétariat de la Défense nationale qui est rattaché au Premier ministère. Très vite, beaucoup déduisent qu’il doit être en désaccord avec son «chef», à savoir Blaise Compaoré.
Il avait déjà été accusé d’être de connivence avec d’autres militaires à qui on avait attribué un putsch manqué. Il passera devant les tribunaux militaires en tant que témoin. Avec la crise de 2011, la rumeur l’avait donné successeur du président Blaise Compaoré. Il n’en sera rien, puisque les jeunes militaires qui étaient allés le chercher pour cette fin ne le trouveront pas. C’est de cette fonction de secrétaire à la Défense nationale qu’il sera admis à la retraite en 2013. Malgré lui, cette nouvelle crise le réclame à nouveau à la tête de l’Etat. Il hésite. A 62 ans, le Général Kouamé Lougué est marié et père de 5 enfants. o
Zéphirin Diabré: le chef de file de l’opposition
A la tête de l’opposition politique en tant que chef de file depuis le 9 avril 2013. Zeph a insufflé une certaine vitalité et de la détermination à l’institution dans le cadre de l’agenda contre la modification de l’article 37. L’ancien responsable du géant nucléaire français Areva pour l’Afrique et ancien ministre des Finances de Blaise Compaoré, aujourd’hui président de l’Union pour le progrès et le changement (Upc) avait déjà, à la première marche de protestation historique du 18 janvier, lancé un coup de semonce, convaincu que les Burkinabè se sont définitivement réveillés pour s’assumer devant l’histoire en manifestant leur colère à travers le pays, dans la discipline et le calme, montrant ainsi leur détermination et leur maturité, jusqu’à la journée fatidique du 30 octobre. Avec la transition qui s’ouvre, on s’attend à ce qu’il soit incontournable dans les grandes décisions de la Nation.
Bénéwendé Sankara: le Sankariste
L’avocat a arraché de haute lutte la loi sur le statut de l’opposition dont il fut le premier chef de file, avant de passer la main à Zéphirin Diabré. Même s’il n’a fait que trois ans à ce poste et qu’il n’a pas pu rallier le maximum de partis politiques, le premier responsable l’Unir/Ps a construit le Cfop. «En dépit des difficultés de tout genre et en butte à maintes hostilités, Maitre Sankara a contribué avec force à jeter les bases d’une organisation qualitativement supérieure de notre opposition et a su se faire le porte-parole éloquent et l’ardent défenseur de ses positions». Ainsi parlait Diabré de son prédécesseur pour qui les acquis obtenus sous son mandat ont constitué la matière première à partir de laquelle il a «trouvé les ressources nécessaires pour mieux coordonner et unifier les actions de l’opposition politique pour lui faire jouer pleinement son rôle de levier et de levain de la démocratie. Fidèle à son slogan, «Pas un pas sans le peuple», le chantre de l’idéologie sankariste peut se réjouir que son œuf ait éclos d’une nouvelle ère, dans l’attente de l’alternance tant souhaitée en 2015. Maitre Sankara vient de conclure une union avec des partis sankaristes autour d’un front progressiste. Même s’il ne jouera pas les premiers rôles au devant de la transition, il faudra néanmoins compter avec lui.
Roch Marc Christian Kaboré : le rebelle.
Le Mouvement du peuple pour le progrès (Mpp) qu’il a lancé en janvier 2014 après avoir tourné le dos au Cdp, le parti majoritaire, a été l’un des points forts de l’actualité politique au Burkina Faso. En quittant le Cdp, avec d’autres ténors comme Salif Diallo et Simon Compaoré, l’ancien président de l’Assemblée nationale a fait peser la balance du côté de l’opposition que son nouveau parti a rejoint. Pour avoir été chef de Gouvernement et patron du pouvoir législatif, il a le profil d’un présidentiable dans la perspective de l’après transition.
Arba Diallo: Monsieur carton rouge
Le leader du Parti pour la démocratie et le socialisme, parti des bâtisseurs (Pds/Metba) emporté par un mal cardiaque le 1er octobre 2014, s’est illustré comme l’un des acteurs majeurs de lutte pour le changement en tenant toute sa place dans les grands actes de l’opposition politique, surtout dans les manifestations populaires au cours desquelles il a humé du gaz lacrymogène. Malgré son vieil âge (75 ans), l’auteur du célèbre carton rouge à Blaise Compaoré doit sourire depuis sa dernière demeure à Selbo de voir la fin du match pour son adversaire politique qu’il a défié lors du scrutin présidentielle de 2010.
Saran Sérémé: la dame de fer
En claquant la porte du secrétariat exécutif national du Congrès pour la démocratie et le progrès ainsi que du parti en septembre 2012, suite à un positionnement en sa défaveur sur la liste de candidature du Cdp/ Sourou aux élections législatives de décembre 2012, Saran Sérémé donnait le ton de sa conviction que «tout se conquiert en politique, rien ne s’octroie». Le parti pour la démocratie et le changement (Pdc) qu’elle a créé pour poursuivre sa carrière politique s’est vite affilié au chef de file de l’opposition en vue barrer la route à la révision constitutionnelle portant sur l’article 37. Elle a sonné la cloche la semaine décisive qui a vu le départ du président Compaoré, en organisant le 27 octobre la marche des femmes de l’opposition contre le référendum. La spatule devenue le symbole de sa lutte aurait, selon certains observateurs, auguré du mauvais présage relatif à la chute de son ancien mentor.
Les insurgés: les anonymes
Ce sont les centaines de milliers de citoyens anonymes qui ont répondu positivement au mot d’ordre de la coalition de la société civile et de l’opposition depuis le début du mouvement. Certains ont payé de leur vie cette insurrection contre le régime Compaoré. Ces anonymes ont été déterminants dans la réalisation cette seconde révolution.
Le Balai Citoyen: Smockey et Sam’sk le Jah
Cette organisation de la société civile très influente au sein de la jeunesse était au cœur de la mobilisation. Au lendemain de la démission du président Compaoré, c’est l’une des organisations, avec la Coalition anti-référendum (Car), qui a accepté l’idée d’accompagner Lieutenant-Colonel Zida comme chef de l’Etat en attendant que les concertations, devant définir la nature de l’organe de gestion de la transition, se fassent. Pour Le Balai Citoyen, ce choix est motivé par le fait qu’il fallait quelqu’un de confiance pour assurer l’ordre rapidement, mettre fin aux pillages et gérer l’armée qui risquait d’imploser. Le Balai Citoyen a été créé en juin 2013 dans la ferveur de la lutte contre le projet de modification de la Constitution par le président Compaoré. Il n’a pas d’organisation hiérarchisée, mais s’appuie fortement sur l’aura du musicien rappeur Smockey et de l’animateur radio Sam’sk le Jah. Il a comme porte-parole l’avocat Me Kam.
Pr Luc Marius Ibriga
Sa position actuelle sur la situation que traverse le Burkina est que la Constitution doit être maintenue et que l’armée ne peut pas être acceptée à la tête de la transition. Cet intellectuel, très actif au sein de la société civile, éclaire surtout par ses argumentations. Il a l’avantage d’être un constitutionnaliste et n’hésite pas à prendre position. Il est aujourd’hui à la tête de plusieurs coalitions de la société civile, notamment la «Force de résistance citoyenne» qui a pris part à la lutte contre la modification de l’article 37 de la Constitution. Il entraine sous son leadership plus d’une vingtaine d’organisations de la société civile. Il participe également à d’autres cadres de réflexions comme le Forum citoyen de l’alternance (Focal) dont il est aussi le président. o
(Ndlr : cette liste n’est pas exhaustive)