La société minière Amara qui exploitait la mine d’or de Kalsaka quitte le Burkina Faso. Selon les informations en possession de l’Economiste du Faso, parmi les raisons de ce départ figure le système fiscal burkinabè qu’elle juge défavorable.
En effet, la société connait un non remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (Tva), pendant que la même administration fiscale refuse d’utiliser ce qu’elle doit à la société comme Tva pour solder ses autres impôts. A cela s’ajoutent les difficultés auxquelles la société fait face suite à la baisse drastique du cours de l’or depuis 2013. La conjugaison de ces facteurs ont conduit la société à prendre cette décision stratégique : quitter le Faso pour la Côte d’Ivoire voisine. Après Amara, à qui le tour ? Le gouvernement burkinabè qui valorise la contribution des mines au développement économique et social du Burkina Faso n’a donc pas intérêt que d’autres sociétés minières imitent Amara Mining. Les extensions des sites en cours d’exploitation, tout en attirant de nouvelles sociétés minières afin de remplacer celles qui tirent vers la fin de leur vie, pourraient être une alternative. Gouvernement et sociétés minières se doivent d’entamer de franches discussions, sans délai, sur les points d’achoppement.
Le premier point de la discussion doit porter sur les incompréhensions persistantes entre d’une part les sociétés minières et d’autre part les services étatiques en charge de la collecte des impôts. La principale incompréhension émane de l’interprétation que les deux parties ont du système d’acompte provisionnel de l’impôt sur les sociétés (IS).
La loi de finances 2010 prévoit le versement de 3 acomptes provisionnels représentant 75% de l’impôt sur les sociétés, que Amara aurait versé au titre de l’année écoulée. Le crédit d’acomptes peut être imputé sur les impôts directs dus à l’Etat.
Du côté des sociétés minières, on estime que le refus des services fiscaux d’imputer le crédit d’acomptes sur les acomptes prévisionnels de l’année en cours amène les sociétés à verser de nouveaux acomptes. Pourtant, leur prévision annuelle est faite sur la base de la réduction des activités suite à la baisse du cours de l’or. Il n’est donc pas évident que l’impôt à payer couvre les acomptes.
La situation pose des problèmes de trésorerie pour la plupart des sociétés, obligées de débourser de l’argent en plus. Il est à craindre qu’avec le non renouvellement des contrats de travail à durée déterminée, les licenciements se poursuivent dans ce secteur si des sociétés se mettent à l’idée de fermer boutique.
La discussion entre les deux parties dans un cadre formel d’échanges s’avère nécessaire dans le contexte de crise du secteur. En effet, depuis 2013, le prix de l’or a connu une baisse de 30%, passant de 1.700 dollars l’once à environ 1.220 dollars l’once en 2014. L’opinion nationale a été alertée dès les premières heures de la baisse par les conséquences qu’elle a engendrées.
En juillet 2013, L’Economiste du Faso n’écrivait-il pas que « Cette baisse des cours des métaux a pour corollaire celle des recettes des sociétés minières en production ? L’austérité est le maître-mot dans ces sociétés, avec comme conséquence la réduction considérable des budgets alloués aux actions sociales, à la recherche, et même des compressions de personnel ». Nous sommes en octobre 2014. L’environnement international dans lequel évolue le secteur minier se dégrade de jour en jour.
Outre la baisse du cours de l’or, la crise que traversent les marchés financiers internationaux a accentué les difficultés de levées des fonds pour financer de nouveaux projets. Les potentiels investisseurs préfèrent plutôt se tourner vers les secteurs et activités (assurances, banques, télécommunications) moins risqués que les mines où le retour sur investissements se fait à moyen ou long terme. Cette difficulté dans la levée des financements sur les places financières a surtout affecté la recherche minière, contraignant des sociétés minières à réduire, avant de suspendre, leurs activités d’exploration. Cette suspension a engendré des licenciements dans les structures de recherche minière. Les sociétés de géo-services engagées dans les activités de sondage, de forage et d’analyse ainsi que les fournisseurs de biens et services miniers voient leurs carnets de commandes se rétrécir par manque de sollicitation de la part des sociétés minières.
Les caisses de l’Etat ne sont pas restées indemnes de cette situation. Les régies de recettes (Direction générale des impôts (Dgi), Direction générale des douanes (Dgd), Direction générale du trésor et de la comptabilité publique (Dgtcp)) ont elles aussi ressenti l’effet de la crise. Comparativement au premier trimestre de l’année 2013, au 31 mars 2014, les recettes minières ont enregistré une baisse de 49,11% au niveau de ces régies.
Face à la situation, les entreprises minières réduisent au maximum les charges pendant que l’Etat tente d’élargir son assiette fiscale afin de compenser le manque à gagner engendré par la crise. Nécessairement, l’Etat et les sociétés minières devraient se parler afin de trouver des solutions qui préservent l’intérêt des parties et surtout le maintien et le développement du secteur extractif.
La Côte d’Ivoire, nouvel eldorado
Le secteur minier burkinabè se caractérise par la faible teneur des gisements et la durée relativement courte de l’exploitation du minerai. Le salut viendra des extensions engagées par les mines en exploitation et la construction de nouvelles mines. Cependant, depuis l’adoption du code minier ivoirien, les sociétés minières, à l’image d’Amara (Kalsaka), sont attirées par la Côte d’Ivoire. Ainsi d’autres sociétés sont sur le point d’emboîter le pas à Amara. Nous y reviendrons.
Joël BOUDA