En 2007, lorsque, dans le cadre de ses fonctions au Programme de développement des Nations unies (Pnud), Toshihiro Nakamura fut muté en Sierra Leone, (Afrique occidentale) l’un des pays les plus pauvres de la planète, il commença à se sentir en porte-à-faux par rapport à sa mission.
Les mesures politiques mettaient longtemps à produire leurs effets sur la vie des gens, tandis que Nakamura était logé par l’Onu dans une grande maison, avec domestiques et chauffeur à sa disposition. De sa tour d’ivoire, il ne voyait rien de la misère ambiante.
Il avait par le passé été impressionné par des pailles de purification d’eau développées par une entreprise suisse : équipées d’un filtre extrêmement efficace, elles permettaient de boire sans risque les eaux boueuses et contaminées. A moins de 10 dollars [7,75 euros] pièce, ces tubes d’aspiration lui paraissaient bien plus pratiques que les purificateurs d’eau coûtant plusieurs milliers d’euros, que les sociétés nipponnes offraient aux organisations internationales.
Nakamura se mit en congé du Pnud, puis démissionna de son poste pour se concentrer sur l’aide au développement et fonder l’association Kopernik. Cette structure à but non lucratif s’efforce de résoudre les problèmes liés à la pauvreté dans les pays en développement en diffusant à prix modique des technologies adaptées aux zones rurales.
En l’espace de quatre ans à peine, Kopernik est venue en aide à quelque 200.000 personnes, fournissant avec une efficacité sans égale des produits utiles, innovants et abordables aux pays en développement.
L’association, qui emploie soixante personnes et génère près de 950 000 euros de revenus par an, s’implante désormais au Timor oriental, en Indonésie, en Inde, au Viêt-nam et au Kenya. «Dans les programmes d’aide conventionnels, les technologies novatrices coïncident rarement avec les besoins locaux et coûtent très cher, explique M. Nakamura, qui a aujourd’hui 39 ans.
Du coup, l’aide ne parvient pratiquement pas jusque dans les villages isolés, où elle est le plus nécessaire et attendue. Je voulais créer un système capable de changer cet état de choses». Son association doit son nom à Nicolas Copernic, l’astronome et mathématicien polonais du XVIe siècle qui, mû par une même volonté d’apporter un changement positif, démontra que la Terre tourne autour du soleil.
Nakamura organise des collectes de fonds sur Internet afin de couvrir les frais d’achat et de transport de cinq à vingt produits et de financer les déplacements des employés de l’association. Kopernik s’attache par ailleurs à développer des «Tech Kiosks», points de vente des produits qu’elle commercialise, et prévoit d’en implanter quatre-vingts en Indonésie d’ici à la fin de l’année. La démarche de M. Nakamura s’apparente à celle des entrepreneurs sociaux.
Dans certaines régions qui n’ont ni eau courante ni électricité, les femmes et les enfants doivent aller puiser de l’eau plusieurs fois par jour, et les familles s’éclairent à la lampe à pétrole. Ces conditions de vie privent les enfants d’un accès à l’instruction, ont des effets délétères sur la santé des habitants et accroissent les difficultés des ménages, qui se retrouvent ainsi prisonniers du cycle infernal de la pauvreté.
Kopernik a mis au point un système visant à apporter des solutions adaptées aux problèmes en mettant en contact sur Internet les innovateurs sociaux et les bénéficiaires. Le principe est le suivant : une université ou une entreprise travaillant dans le domaine des hautes technologies développe, par exemple, une citerne à eau de grande capacité mais légère, ou bien un chargeur solaire de batterie ; elle publie l’information sur Internet afin d’être contactée par des Ong qui souhaitent distribuer son produit dans des pays pauvres, ou bien par des particuliers ou des entreprises disposés à financer leur achat. Plusieurs universités et entreprises ont d’ores et déjà créé toute une gamme de produits innovants à l’intention des pays en développement, et les institutions de micro-crédit, comme le site américain KIVA, se sont généralisées, ce qui permet de collecter plus facilement les financements émanant de particuliers.
Récompenser une habitude, celle de l’hygiène
Chaque année, des milliers de Sud-Africains, dont beaucoup d’enfants, meurent de maladies liées au manque d’hygiène telles que le choléra ou la fièvre typhoïde. Le pays est considéré comme l’un des pays les moins propres au monde, en termes d’accès à l’hygiène au quotidien. Face à cette urgence de santé publique, l’agence Y&R Zambia, en collaboration avec les organisations The Safety Lab, Dare to Share, et Blikkiesdorp4Hope, a conçu le “Hope Soap”, un “Savon d’espoir” pour donner aux enfants l’habitude de se laver les mains. Ce savon transparent contient un petit jouet – une voiture miniature, une figurine Hello Kitty – qui n’est accessible qu’une fois le savon entièrement utilisé. Lancée en 2013 dans une zone pauvre de la région de Capetown, l’invention fait ses preuves. Selon ses créateurs, elle aurait déjà réduit les maladies de 70% au sein du quartier.
Valentine Pasquesoone
Hitori Nakagawa Asahi Shimbun Tokyo