Ils sont probablement nombreux les usagers en quête d’informations qui ont fini par se détourner des sites internet des ministères burkinabè. Pour les gens de la presse, même déçus, aller chercher de l’information sur ces sites demeure un reflexe, même si la satisfaction n’est pas toujours au rendez-vous. A l’heure des technologies de l’information et de la communication, les autorités gouvernementales travaillent à convaincre leurs compatriotes et partenaires qu’elles ont pris le train en marche. Mais celui-ci semble n’avoir pas véritablement quitté le quai. C’est vrai, car c’est depuis les années 98-99, aux premiers moments de l’internet dans le pays, sous la houlette de l’actuel Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, alors communicateur à la Primature, que l’on avait lancé la création des premiers sites ministériels, avec le concours de la Délégation générale à l’informatique (Delgi).
Un projet pilote est mis en place et dirigé par la Delgi. En 6 mois, la trentaine de ministères existants à l’époque avaient chacun son site internet confectionné par des opérateurs informatiques de la place, suivant une charte graphique unique donnée par les commanditaires. Les promoteurs de cette innovation avaient pris le soin de responsabiliser les Directeurs de la communication et de la presse ministérielle (Dcpm) comme les points focaux devant consacrer du temps à l’alimentation du contenu de ces sites. Ils ont bénéficié des formations à cet effet.
«Au début, les logiciels d’édition, en plus d’être des logiciels propriétaires, n’étaient pas très développés. Les sites étaient hébergés à la Delgi, les Dcmp se déplaçaient et y venaient pour les mises à jour. Ils n’avaient pas la possibilité de le faire à distance.
C’était fastidieux. Heureusement qu’aujourd’hui, avec l’apparition des logiciels libres, ces outils très légers et faciles d’utilisation ont été très déterminants dans l’avancée de l’alimentation et de l’animation des sites web ministériels», raconte Rachid Traoré, l’un des coordonnateurs du projet à la Delgi.
Selon cette personne ressource, le Burkina Faso a été l’un des premiers pays de la sous-région à créer des Dcpm et à doter ses ministères de sites internet. Cependant, près de 25 ans plus tard, plusieurs sites n’ont pas encore atteint le degré de qualité satisfaisant, malgré les soutiens multiformes apportés par des partenaires techniques et financiers à ce volet de la communication gouvernementale.
Les sites mis à jour de manière régulière et ayant des liens fonctionnels semblent se compter sur le bout des doigts. Même celui de la Présidence du Faso ne peut se vanter d’une meilleure cote, selon un récent écrit du journal Jeune Afrique qui classe son site internet au 20e rang sur 40 pays africains, avec une moyenne de 4,42 contre la première place donnée au Togo fort d’une moyenne de 8,58.
Ce classement aurait pris en compte «des critères objectifs comme le multilinguisme, le lien avec les réseaux sociaux, l’existence d’une application mobile et d’autres plus subjectifs tels que l’esthétisme et la facilité de navigation». Si l’on devait appliquer ces critères, ajoutés à la régularité de la mise à jour des informations, la plateforme gouvernementale n’engrangerait pas de bons points.
De nombreux exemples frappants ne militent pas en sa faveur. Sur le site web de la Primature, la dernière actualité titrée «7ème Festival du film francophone d’Angoulême (FFFA) : LE BURKINA A L’HONNEUR» (tenu du 22 au 26 août 2014) a été mise en ligne le1er septembre, alors que l’internaute s’attendrait à voir une nouveauté sur le voyage effectué du 27 août au 28 août 2014 par le Premier ministre et la délégation gouvernementale à Singapour, à l’occasion 3e Forum des affaires Afrique-Singapour.
Quant aux rubriques «Agenda» et «Discours du Premier ministre», les ajouts les plus récents indiquent ceci, respectivement pour l’une et l’autre: «Le Premier ministre préside la passation de service entre Médiateurs du Faso sortant et entrant, le 2 août 2011 à 10h au siège de l’institution» et «Discours de son Excellence monsieur le Premier ministre, chef du Gouvernement a l’occasion des trente ans de Sidwaya et du cinquantenaire de l’Agence d’information du Burkina (6 juin 2014)».
On peut accepter de ne pas tenir rigueur au gestionnaire de ce site, mais on ne peut rester indifférent quand on constate que la mise à jour des liens de ce portail gouvernemental n’a pas été faite depuis le 21 avril 2009 (d’après notre consultation datée du 04 septembre 2014 à 8h30).
Ce qui fait que la liste des ministères mentionnés sur le site web du Gouvernement garde les anciennes dénominations. Vous y lirez toujours «ministère de l’Agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques», alors que depuis la formation du Gouvernement du 02 janvier 2013, ce grand département est scindé en deux pour être confié à deux ministres, l’un en charge de l’Agriculture et de la sécurité alimentaire et l’autre s’occupe de l’Eau, des aménagements hydrauliques et de l’assainissement.
C’est également le cas de plusieurs autres départements comme le «ministère de la Culture, du tourisme et de la communication, porte-parole du Gouvernement», le «ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique», le «ministère des Postes et des technologies de l’information et de la communication», et le «ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation», où selon l’album photo publié sur le site web de la Primature, on ne sait plus qui de Jérôme Bougouma ou de Toussaint Abel Coulibaly s’occupe de la décentralisation. Sur la même photothèque, il est indiqué que Amadou Diemdioda Dicko et Bama Diemé occupent le même poste, celui de ministre délégué auprès du ministre des Infrastructures, du désenclavement et des transports, chargé des transports, alors que le ministre de la Recherche scientifique et de l’innovation, Gnissa Isaïe Konaté, a son nom et sa photo répétés deux fois et qu’Assimi Kouanda, tout ministre d’Etat, chargé de Mission auprès de la Présidence du Faso, qu’il est, ne figure pas sur l’album photos de l’équipe gouvernementale en poste.
A l’évidence, les gestionnaires des sites officiels ont des difficultés et des insuffisances à valoriser ces espaces en de véritables supports de communication.
«De l’expérience que j’ai eue, je me suis rendu compte que la responsabilité est partagée. Au niveau des structures ministérielles, les responsables n’ont pas encore intégré le web comme faisant partie des outils essentiels. Ils ne perçoivent pas son utilité en tant qu’outil efficace de communication. S’ils l’avaient perçu, ils auraient poussé les Dcpm à privilégier cet outil, d’autant plus que les cahiers des charges donnés à tous les ministères indiquent que le responsable éditorial se désigne entre les ministres et les secrétaires généraux, avec les coresponsables que sont les Dcmp.
Ce cahier définit les responsables du contenu et les pools de pilotage. Il y a une organisation qui est imposée, mais qui n’est pas respectée. Si les premiers décideurs ministériels étaient regardants, les sites seraient plus attrayants qu’ils ne le sont aujourd’hui. Ils sont responsables de ne pas visiter le site web chaque jour et de se rendre compte que tel élément passé hier n’y figure pas», explique Rachid Traoré, qui pendant quelques années a occupé le poste de directeur de la communication et de la presse ministérielle.
La Fonction publique, l’exemple à suivre
Si le site du ministère de la Fonction publique, du travail et de la sécurité sociale est à féliciter par son dynamisme dans le domaine des Tics, cela est dû en partie à l’un ses anciens commis, à savoir Soungalo Ouattara. Depuis qu’il était fonctionnaire à la Présidence du Faso, il s’occupait de cet aspect de la communication.
Arrivé à la Fonction publique, il a beaucoup fait bouger les Tics, surtout avec l’organisation des concours pour lesquels son département a facilité les procédures par la consultation en ligne des dates, lieux des épreuves et la proclamation des résultats. Il a pris en main un des projets appelé « Le guichet virtuel», qui peut être un début de la mise en place de l’e-Gouvernement, parce que c’est un portail web où il y aura des télé-services.
En allant sur ce portail, l’internaute devrait pouvoir accéder à toutes les informations disponibles sur le Burkina Faso, et pouvoir faire des opérations à distance : payer des impôts, postuler à un concours, recevoir les résultats. Ce projet interministériel, pour être réussi, nécessite le concours de tous les départements qui devraient être prompts à envoyer leurs informations et les télé-services proposés par chaque ministère, à défaut, les poster sur les sites web ministériels, pour que les liens puissent être établis depuis celui du ministère de la Fonction publique. La stratégie de communication autour du guichet virtuel en cours de validation mettra un point d’honneur à sensibiliser en premier lieu, les responsables ministériels afin que ces plateformes soient les plus visibles et les plus accessibles possibles aux utilisateurs.
Christian KONE