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Examens scolaires 2023-2024: ces efforts qui portent fruit

• Avec une année scolaire calme et sereine

• Les résultats aux examens ont connu une nette amélioration

• La barre des 50% a même été franchie au Baccalauréat

Frédéric D’Almeida, Directeur régional des Hauts-Bassins du MENAPLN.

«Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais pas quoi dire… Il faut vivre pour comprendre ». Le cœur, délivré de la charge de l’attente par le président du jury,  Alicia Thérèse Zongo cherchait encore ses mots le 27 juin 2024, peu après la proclamation des résultats du premier tour du Baccalauréat de la session de 2024 au lycée Marien N’Gouabi, dans la capitale burkinabè.  Comme elle, plus de 60.000 autres élèves « ont validé le Bac » cette année au Burkina Faso. De façon globale, les résultats aux examens de l’enseignement général ont connu un bond en avant sur l’ensemble du territoire national. A l’heure du bilan, le Certificat d’études primaires (CEP) a enregistré 288.883 admis, représentant 82,16% des inscrits et faisant ainsi une amélioration de 10,86% par rapport à 2023. Avec 219.475 inscrits, le Brevet d’étude du premier cycle (BEPC) a affiché un taux de réussite de 47,19%, soit une hausse de 8,92 points par rapport à l’année précédente.

Windkouni Haoua Eugenie Maiga, Directrice générale du Conseil à l›orientation universitaire et des bourses 

En 2023, le taux de succès au Baccalauréat était de 39,34 %. En 2024, une barre historique a été franchie avec 52,61 % et il reste encore les résultats de la session de remplacement en septembre. « Ces résultats, obtenus dans un contexte sécuritaire très difficile, sont, certes, réconfortants mais demeurent insuffisants, au regard des ambitions que nous nourrissons pour le système éducatif burkinabè », a reconnu Jacques Sosthène Dingara, ministre de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales (MENAPLN). Il s’exprimait ainsi, lors de sa conférence de presse sur le bilan des examens scolaires session 2024, le 2 août à Ouagadougou. Pour obtenir ces résultats, l’Etat a déboursé 21.814.212.178 FCFA répartis comme suit : 7.009.860.869 FCFA pour le CEP ; 7.640.858.536 FCFA pour le BEPC et 7.163.492.773 FCFA pour le Baccalauréat.

L’insécurité, qui affecte le Burkina Faso depuis 2015, impacte sur les allocations budgétaires dues aux secteurs sociaux de base (santé, éducation, agriculture, eau et assainissement) et collectivités territoriales. Le gouvernement burkinabè, qui a souscrit à des engagements internationaux, peine à les respecter. Il s’agit de la Déclaration d’Abuja (2001), qui stipule que l’Etat alloue chaque année, 15% de son Budget national à la santé ; de la Déclaration de Maputo (2003), qui engage les pays à l’allocation de 10% de leur budget à l’agriculture, en vue d’assurer la sécurité alimentaire ; et du Forum mondial de Dakar (2000), qui prévoit un taux de 20% du budget à l’éducation.

Moins de troubles et de grèves

Dans le projet du budget de 2023, particulièrement, il ressort qu’à part l’éducation qui respecte la norme mondiale, tous les autres secteurs sociaux de base ont été en deçà des engagements signés. Entre 2020 et 2024, l’éducation a bénéficié en moyenne de 23,08% du Budget national. 

Avec le respect de ses engagements financiers vis-à-vis de l’éducation, l’Etat arrive à réduire certaines contraintes. « Depuis quelques années, le gouvernement dote régulièrement le système éducatif d’infrastructures, notamment, des salles de classes. Cela a permis non seulement d’améliorer les conditions de travail des enseignants, mais aussi de réduire le nombre des effectifs pléthoriques dans les établissements », précise d’ailleurs un cadre du ministère ayant requis l’anonymat.

Les enseignants bénéficient annuellement des renforcements de leurs capacités, à travers, notamment, les conférences pédagogiques et les journées pédagogiques.  La disponibilité du matériel pédagogique et didactique, le fonctionnement des cantines scolaires ont participé à renforcer la sérénité dans l’exécution des différentes tâches. « Les conférences pédagogiques jouent un rôle important sur le rendement des enseignants, en ce sens qu’elles changent la manière de comprendre une séquence pédagogique et de résoudre les difficultés que rencontrent les apprenants. Elles donnent des astuces pour amener les apprenants à comprendre mieux et à interagir dans la classe, ce qui permet d’atténuer facilement leurs difficultés », reconnait Abdoul Aziz Zongo, Directeur de l’école de Singuindin, dans la Circonscription d’éducation de base (CEB) de Bingo, région du Centre-Ouest.

L’année scolaire 2023-2024 a aussi été particulièrement apaisée, de l’avis de nombreux acteurs. On n’a pas enregistré de perturbation liée aux sautes d’humeurs des élèves, encore moins de débrayages de la part de leurs encadreurs. Les enseignants ont pu donc aller au bout de leur programme sans difficulté. Les élèves et les candidats sont donc arrivés à la composition avec beaucoup plus de probabilités de succès. Eux-mêmes, prenant conscience de la situation, ont redoublé d’efforts pour s’ouvrir les portes de l’horizon. « La performance atteinte en 2022 est plus basse que la cible visée de près de 37,6 points de pourcentage.  Outre les crises sécuritaire et sanitaire, l’environnement scolaire aura été marqué par des mouvements de grèves à répétitions et une certaine instabilité institutionnelle », énumérait une note du MENAPLN du 26 juin 2022, pour expliquer les résultats mitigés de cette année-là.

Le Sahel surfe sur ses effectifs conventionnels

De façon spécifique, on remarque que la région du Sahel connait régulièrement de meilleurs taux par rapport au reste du pays, malgré la présence massive de personnes déplacées internes ayant fui l’insécurité dans leur localité de résidence. « Tous les déplacés ne sont pas des élèves et tous les élèves ne sont pas des déplacés », nuance un acteur de l’éducation.  Le premier facteur favorable à ces bons résultats reste la faiblesse des effectifs. A titre d’exemple, pour l’année qui vient de finir, le Sahel a présenté 3.257 candidats au CEP, tandis que le Centre totalisait 81.359 inscrits, soit près de 25 fois les effectifs du Sahel. La région des Hauts-Bassins avait 36.895 candidats et il faut diviser ce chiffre par 19 pour avoir celui du Sahel. Cette région comptait 779 inscrits pour passer le BAC et au même moment, le Centre-Ouest avait environ 15 fois ce nombre, soient 11.860 personnes. « Nous étions une vingtaine dans la classe. Les professeurs prenaient leur temps pour nous expliquer les leçons et nous pouvions poser les questions comme on veut, souvent même après les cours », révèle un bachelier de la région, pour expliquer son succès.  Au Lycée provincial de Dori, où siégeait le jury 471 de la série C et D d’ailleurs, seulement 20 candidats (9 garçons et 11 filles) étaient inscrits pour la série C.« Comme il n’y a pas beaucoup d’écoles privées ici, nous n’avons pas d’heures de vacation. Après les établissements publics, nous sommes dans les établissements publics », reconnait A. D. O. professeur de français à Dori. A la faiblesse des effectifs, on peut donc ajouter le nombre réduit des établissements privés dans la région.

Les Hauts-Bassins à la traine 

Dans la région des Hauts-Bassins, on dénombre 20 établissements post-primaires et secondaires publics, contre 150 privés dans le chef-lieu Bobo-Dioulasso. Au Sahel, l’écart n’est pas encore dans ces proportions. Les enseignants n’ont donc pas la possibilité de faire de la vacation et sont contraints de rester concentrés sur les effectifs conventionnels à leur disposition dans les établissements publics.

Si on tient uniquement compte du rapport entre les inscrits et les admis, la région des Hauts-Bassins est classée 12e sur les 13 régions au niveau du CEP, 11e au niveau du BEPC et 13e au niveau du BAC. Une telle situation peut s’expliquer : « Les mauvais résultats sont dus en grande partie aux candidats libres et aux établissements privés. Si vous prenez les passages dans les classes intermédiaires, les Hauts-Bassins battent tout le monde. Mais à l’examen, on a  les résultats qu’on a», reconnait Frédéric D’Almeida,  Directeur régional des Hauts-Bassins du MENAPLN.

Même si les résultats actuels sont de loin meilleurs à ceux de l’année dernière dans cette partie du Burkina, les mauvais résultats sont aussi structurels. « Les résultats restent en deçà des attentes dans plusieurs régions du pays, dont celle des Hauts-Bassins.  Les dix dernières années, les résultats aux examens scolaires dans cette région ont évolué en dents de scie sans atteindre 70%, aussi bien au primaire qu’au post-primaire et secondaire. Et même si la région a pu franchir les 70% de taux au CEP, session de 2024, elle demeure dixième sur 13 au classement national », a reconnu le ministre en charge de l’éducation, Jacques Sosthène Dingara, le 06 septembre, à Bobo-Dioulasso.

Les différents acteurs comptent bien prendre le taureau par les cornes, afin de renverser la tendance. Ils se sont d’ailleurs retrouvés du 06 au 7 septembre 2024, pour un forum dédié à l’éducation dans la région, à l’appel de la Direction régionale de l’Education préscolaire, primaire et non-formelle. Cette analyse systémique devrait permettre de cartographier les atouts et capitaliser les acquis du système éducatif au niveau régional, d’une part, et d’autre part, de faire un diagnostic sans complaisance des faiblesses de l’ensemble des structures éducatives de la région. « Il n’y a pas de bâton magique, il faut que tous les acteurs prennent conscience de ce que chacun fait. Que les élèves soient plus travailleurs, que les parents demandent aux enfants, le soir à la maison, s’ils ont appris leurs leçons ou fait leurs exercices. Les enseignants doivent travailler avec professionnalisme et être pour les élèves des éducateurs», avoue Frédéric D’Almeida.

Moumouni SIMPORE

Encadré

Après l’examen, la course aux places

Avec 452.402 admis aux différents examens, c’est autant de places qu’il faut trouver dans le cycle suivant pour chacun de ces admis.  « Avec 52,61% de taux de succès cette année, cela fait plus de 62.000 nouveaux bacheliers à caser dans les 14 institutions publiques d’enseignement supérieur public et de recherche du pays. C’est comme s’il faut créer une nouvelle université, puisque les 62.000 font presque l’effectif de l’Université Joseph Ki-Zerbo », s’est inquiétée la Directrice générale du Conseil à l›orientation universitaire et des bourses, Windkouni Haoua Eugenie Maiga, le 3 septembre 2024, lors d’une interview dans son bureau, à Ouagadougou.  La tâche pour caser ce beau monde semble ardue.

L’orientation dans le premier cycle de l’enseignement secondaire intervient après le succès de l’examen d’entrée en sixième. Elle est faite en tenant compte des aptitudes de l’élève, notamment, le dossier scolaire et les résultats à l’examen, et aussi des potentialités d’accueil au niveau des classes de sixième. Généralement, les plus jeunes sont orientés dans l’enseignement secondaire long, tandis que les plus âgés sont affectés dans l’enseignement technique, l’enseignement ménager ou l’enseignement manuel. La situation sécuritaire a bousculé les habitudes. « Il n’y a pas de quota réservé aux déplacés. Comme nous connaissons tous la situation du pays, chaque fois qu’un élève se présente, on le prend. Aujourd’hui, on va même au-delà des textes qui limitent les effectifs par classe et par établissement », atteste Souleymane Ouédraogo, enseignant d’Histoire-Géographie au Lycée municipal Moussa Kargougou de Kaya.

Avec l’adoption du Décret n°2023-1162/PRES-TRANS/PM/MDAC/MATDS/MEFP/MJDHRI/MSAHRNGF du 19 septembre 2023, fixant la procédure d’adoption et les modalités de protection et de soutien aux Pupilles de la Nation,  les enfants orphelins, reconnus comme tels, peuvent bénéficier de quotas et être exonérés du paiement des droits de scolarité dans les universités.

Le second pallier d’orientation dans le système éducatif burkinabè correspond à la classe de troisième. C’est à partir de ce niveau qu’intervient la structure principale chargée de l’orientation scolaire au Burkina Faso, à savoir le Centre national de l’information, de l’orientation scolaire, professionnelle et des bourses (CIOSPB), devenu Direction générale du Conseil à l›orientation universitaire et des bourses. La DGCOB est une Direction générale spécifique du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), chargée de l’accompagnement des futurs étudiants, des étudiants, des travailleurs, ainsi que des parents pour des choix éclairés sur les filières d’études et de formation, d’une part, et d’autre part, de la gestion des bourses d’études au niveau de l’enseignement supérieur.

La gestion des flux scolaires, lors de cette transition, revient à une Commission composée d’enseignants et de chefs d’établissements. Cette dernière répartit les admis au Brevet d’études professionnelles (BEP) en fonction des capacités d’accueil des établissements techniques et procède à l’affectation des admis à l’entrée en seconde générale et technique dans les différents établissements publics. Chaque établissement reçoit la liste des élèves qui y sont affectés et décide souverainement de leur répartition en fonction des séries existantes dans l’établissement. Dans certains établissements, le choix peut être donné à chaque élève de s’inscrire où il veut ; dans d’autres, les élèves subissent un ultime test pour les départager et les meilleurs à ce test sont affectés dans la série C jugée plus difficile.

A partir de cette année, cette Direction met un accent particulier sur les besoins réels du pays, comme le dit la première responsable : « Nous avons élaboré un document sur les filières prioritaires pour la formation des compétences nécessaires au développement endogène du Burkina Faso et ce document nous sert désormais à orienter les attributions de bourses dans les différents domaines ». 

Si la DGCOB conseille pour orienter, il revient à la Direction générale de l’Enseignement supérieur (DGESup) de procéder aux orientations proprement dites, par les attributions des places après le Bac dans les filières des différents établissements supérieurs.  Dans la pratique, la gestion des flux d’entrée à l’Université peut relever d’une Commission interne de l’Université composée d’enseignants et de chefs de département. L’orientation dans l’une des trois filières souhaitées par le candidat se fait conformément aux critères définis par l’Université elle-même : il s’agit principalement des notes scolaires, de l’âge (pour les filières de longue durée) et de la place disponible. Avec le développement de la technologie, une bonne partie du travail se fait en ligne. CampusFaso est d’ailleurs l’unique plateforme de gestion des procédures et de traitement des orientations pour les nouveaux bacheliers burkinabè ou étrangers.

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