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Dépenses fiscales 2022: l’Etat burkinabè a renoncé à plus de 170 milliards FCFA

• Au profit des ménages, des administrations publiques

• Mais surtout des entreprises

• Pratique incitative mais mérite un contrôle rigoureux du législateur

Le Burkina Faso, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Maroc, le Sénégal et le Togo. De ces six pays africains, lequel accorde moins ou plus d’exonérations fiscales sur la période de 2020 à 2022 ? Pour avoir des statistiques fiables et précises, le Centre d’études et de recherche appliquée en finances publiques (CERA- FP) a commandité une étude comparative sur les dépenses fiscales dont le rapport provisoire a été rendu public en mai 2024, à Ouagadougou. Le présent rapport a été conduit par le consultant, expert senior, agréé en fiscalité et finances publiques, Amos M. Zong-Naba. Pour la présente édition, nous faisons une halte sur le cas spécifique du Burkina Faso. Il révèle qu’en 2022, l’Etat burkinabè a décidé, par le “fait de prince”, de renoncer à 172,71 milliards FCFA au titre des perceptions de recettes fiscales auprès de l’administration publique, des ménages et surtout des entreprises.

Évaluée à 8,41 % des recettes fiscales mobilisées en 2022

Cette révélation est contenue dans le rapport sur les dépenses fiscales de 2022, 9e du genre depuis 2015, en attendant celui de 2023, a fait savoir le consultant.

Autre information importante qu’il a mentionnée est que les dépenses fiscales du Burkina Faso ont atteint 1,45 % du PIB nominal, correspondant à 8,41 % des recettes fiscales mobilisées en 2022. L’inspecteur des Impôts relève que dans le dernier rapport d’impact réalisé par le Burkina Faso via son Secrétariat permanent du Comité de politique fiscale (SP-CPF) a donné des résultats presqu’inattendus. Il martèle que selon ledit rapport qui a concerné l’impact socioéconomique des dépenses fiscales au Burkina Faso de 2017-2022 (SP-CPF, avril 2024), la mise en œuvre des dépenses fiscales identifiées se traduit par une baisse des recettes de l’État en moyenne de 0,23 % entre 2017 et 2022 par rapport à la situation sans dépenses fiscales. D’après le rapport, cette baisse est imputable, notamment, à la réduction des recettes provenant des « taxes sur les produits et les importations » (- 0,12 %) et des taxes sur le revenu des entreprises (- 0,66 %). Conséquence de cette situation, c’est qu’elle entraine une réduction des recettes publiques totales de 0,16 % en moyenne sur la période de 2017 à 2022, impactant négativement les investissements publics (- 0,04 %). De plus, de 2017 à 2022, il est observé une baisse de l’investissement privé de 0,16 %. Ce résultat inattendu impliquerait que les dépenses fiscales sur la période n’ont pas eu d’effet positif sur l’investissement privé. Ce fait corrobore les résultats d’études similaires indiquant que la fiscalité n’est pas le principal facteur d’attractivité des investissements dans les pays en développement (NICHOLAS & PATRICK, 2017). En outre, les dépenses fiscales ont un effet négligeable pour les ménages, car la même étude montre que leur revenu disponible baisse (- 0,01 %) et leur épargne demeure quasi stable. Sur la base de ces constats, Amos M. Zong-Naba s’interroge si l’Etat burkinabè doit supprimer les dépenses fiscales. A contrario, sur les autres objectifs comme la santé financière et l’emploi, l’étude démontre que les dépenses fiscales ont un effet positif. Et pour cause, affirme le rapport, les dépenses fiscales améliorent la santé financière des entreprises en augmentant leur revenu disponible (+ 0,19 %) et par la suite, leur épargne (+ 0,19 %). Quant à l’emploi, les résultats montrent une baisse du taux de chômage (- 0,01 %) par rapport à la situation de référence en lien avec une hausse de la demande de travail exprimée par les entreprises. En définitive, les dépenses fiscales entrainent une baisse du PIB réel en moyenne de 0,02 % sur la période, sauf en 2017. Ce repli est expliqué en partie par la contraction des investissements publics et privés.

Des recommandations formulées

Le rapport a formulé des recommandations pour un meilleur cadre règlementaire, législatif et organisationnel de l’évaluation des dépenses fiscales, une rationalisation des dépenses fiscales et une meilleure gouvernance au Burkina Faso.  Amos M. Zong-Naba requiert la nécessité d’un meilleur cadre de gouvernance des dépenses fiscales au Burkina Faso, qui doit exclusivement reposer sur le cadre législatif solide dans l’octroi des faveurs fiscales permettant d’établir et de gérer des systèmes de dépenses fiscales. Lequel cadre devrait améliorer la transparence et renforcer le contrôle de la gouvernance des dépenses fiscales, afin de limiter les risques de corruption et de fraude.  Le citoyen, le parlementaire et la presse sont invités à avoir un suivi et contrôle rigoureux des dépenses fiscales au même titre que les programmes de dépenses budgétaires directes. Il a invité le Burkina Faso à centraliser la gouvernance des dépenses fiscales au sein du ministère des Finances. En rappel, les dépenses fiscales sont accordées sur la base du (CGI, Code minier, Code des investissements, lettres ou notes, etc…). La finalité des dépenses fiscales vise à soulager la “poche” des ménages vulnérables, à attirer le maximum d’investisseurs et permettre surtout aux entreprises de créer de la richesse nationale.

Ambéternifa Crépin SOMDA

 

Encadré

Dépense fiscale ?

Une dépense fiscale consiste en un abandon de recettes résultant d’une réduction des obligations fiscales relativement à un système fiscal de référence. Elle constitue une alternative à une dépense budgétaire directe, notamment, à une subvention. La dépense fiscale résulte d’une mesure dérogatoire de nature fiscale, en vue d’alléger la charge d’impôts supportée par un contribuable, un groupe de contribuables ou un secteur d’activités. Cette mesure entraîne un manque à gagner de recettes.o

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