• La société turque n’a pas versé les 30 milliards FCFA
• Un manque à gagner qu’il faut combler
• Qui seront les sociétés futurs bénéficiaires de ces permis ?
Le 20 mars 2024, le Conseil des ministres informait d’un décret pris au ministère de l’Energie, des Mines et des Carrières. Celui-ci est relatif à deux projets de décret portant respectivement retrait du permis d’exploitation industrielle de grande mine d’or d’Inata de la société Afro Turk Inata SA et de grande mine de manganèse de Tambao de la société Afro Turk Tambao SA.
Des explications du gouvernement, c’est le 25 avril 2023 que l’Etat burkinabè a cédé ses actifs miniers de grande mine d’or d’Inata à la société Afro Turk Inata SA et de grande mine de manganèse de Tambao à la société Afro Turk Tambao SA. Depuis la cession de ces actifs, les sociétés Afro Turk Inata SA et Afro Turk Tambao SA n’ont procédé à aucun règlement des sommes dues à l’Etat burkinabè, malgré les interpellations et les mises en demeure de 90 jours qui leur ont été adressées. Ce qui constitue un manquement de ces sociétés à leurs obligations telles qu’elles résultent de l’article 3 des contrats de cession. Résultat, le Conseil a donc décidé du retrait des permis d’exploitation industrielle de grande mine d’or d’Inata de la société Afro Turk Inata SA et de grande mine de manganèse de Tambao de la société Afro Turk Tambao SA pour leur rétrocession à de nouveaux investisseurs.
Les termes des contrats de cession
Le 25 avril, lors de la signature du contrat entre l’Etat et Afro Turk, Savas Balcik, représentant de la société turque, avait fait le déplacement à Ouagadougou. Au total, les actifs ont été cédés pour un montant de 30 milliards FCFA. 28 milliards, c’était le montant estimé des actifs miniers pour l’exploitation industrielle du manganèse de Tambao. Pour la grande mine d’or d’Inata, les actifs miniers, à savoir les biens miniers, les charges reportées liées à l’exploration, les redevances, les investissements… ont été estimés à 2 milliards FCFA. Deux mois après la matérialisation de la vente, en juin 2023, le Conseil des ministres adoptait deux décrets en faveur du Groupe Turk.
Le premier décret porte octroi d’un permis d’exploitation industrielle de grande mine d’or à la société AFRO TURK INATA SA, dans les Communes de Nassoumbou et Tongomayel, province du Soum, région du Sahel. Le permis d’exploitation de cette mine est de 4 ans et couvre une superficie de 39,073 km², avec une production totale attendue de 7,06 tonnes d’or. Les attentes du gouvernement sont claires. Selon le communiqué du Conseil des ministres du 21 juin, « l’exploitation de la mine permettra de générer 6.897.289.306 FCFA au profit du budget de l’Etat et 150.250.000 FCFA au titre du Fonds minier de développement local ». De plus, le projet permettra de créer 256 emplois directs.
Le second décret porte octroi d’un permis d’exploitation industrielle de grande mine de manganèse de Tambao à la société AFRO TURK TAMBAO SA, dans la Commune de Markoye, province de l’Oudalan, région du Sahel. « La relance de l’exploitation de manganèse de Tambao est un projet intégré et un vecteur de développement socioéconomique pour l’ensemble du pays et en particulier, pour la région du Sahel. Le permis d’exploitation industrielle de grande mine sollicité couvre une superficie de 26,51 km² », informe le Conseil. La production totale attendue de cette mine est estimée à 62.754.000 tonnes de manganèse pour une durée de vie de 22 ans. De ces transactions, le gouvernement attendait, au titre de la contribution directe du projet au budget de l’Etat, 117.150.000.000 FCFA. Quant au Fonds minier de développement local, un montant de 19.525.045.502 FCFA est attendu durant toute la vie du projet. Sans oublier que le projet permettra de créer 1.500 emplois directs.
Un manque qu’il faut combler
L’octroi de ces permis devrait permettre au Burkina Faso d’obtenir un investissement de 120.000.000.000 FCFA pour la construction d’une base militaire et l’acquisition d’équipements de sécurisation et de 585.195.844.400 FCFA pour la construction d’un chemin de fer. Le retrait des permis engendre donc sur ce volet un manque qu’il faut combler. Le gouvernement l’a annoncé, cette action permettra la rétrocession de ces actifs à un nouvel investisseur.
Quelles seront les sociétés futurs bénéficiaires de ces permis ? L’on pourra assister peut-être à l’entrée officielle de nouveaux acteurs nationaux dans le capital de ces sociétés. A condition que le projet de loi portant Code minier du Burkina, qui sera proposé à l’Assemblée pour relecture et modification, soit adopté par les députés.
ESS
Encadré
Les innovations dans le nouveau Code minier
Le Conseil des ministres du 20 mars a aussi adopté le projet de loi n°036-2015/CNT du 26 juin 2015 portant Code minier du Burkina Faso et son modificatif, la loi n°012-2023/ALT du 25 juillet 2023. Cette relecture vise à disposer d’un instrument juridique solide et actualisé pour mieux encadrer le secteur minier et générer davantage de recettes au profit de l’Etat. La nouvelle législation consacre plusieurs innovations au nombre desquelles :
– la prise en compte de la commercialisation de l’or et des autres substances;
– la contribution des sociétés minières d’exploitation à la constitution de la réserve nationale d’or;
– l’obligation faite aux entreprises d’exploitation minière d’ouvrir leur capital social aux investisseurs burkinabè ; page 13 sur 36 PP-G/TRANS N°010-2024 du 20 mars 2024
– la modification du Fonds minier de développement local en Fonds minier de développement désormais affecté au financement des projets de développement endogène et des plans communaux de développement, ainsi qu’au financement du Fonds de soutien patriotique ;
– le renforcement du pouvoir des agents dans le suivi et le contrôle des activités minières ;
– l’augmentation de la participation de droit de l’Etat au capital des sociétés d’exploitation pour l’octroi d’un permis d’exploitation de grande ou de petite mine qui passe de 10 à 15%.
Le Conseil a marqué son accord pour la transmission dudit projet de loi à l’Assemblée législative de transition.
Encadré 2
Savas Balcik, l’homme derrière Afro Turk
Afro Turk SA, le nom de la société a été découvert avec l’annonce de la cession des deux permis miniers, celui d’Inata et de Tambao, par le gouvernement du Burkina Faso, en mars 2023. Plus tard, afin de respecter le Code minier, Afro Turk SA a créé deux sociétés de droit burkinabè. Afro Turk Tambao SA et Afro Turk Inata SA. Ces deux sociétés, selon les décrets portant octroi de leur permis d’exploitation, ont fait élection de domicile à Ouagadougou, secteur 3, section AH, lot 1135 bis.
C’est dans le compte rendu des travaux de la Commission nationale des mines sur la demande du permis d’exploitation de la mine de Tambao que L’Economiste du Faso s’est tourné, afin de mettre des noms derrière cette société.
Sur la liste de présence à la date du 12 juin 2023, 8 noms des représentants de la société Afro Turk Tambao SA y figurent. Parmi lesquels on retrouve Savas Balcik, celui-là même qui était présent au Burkina, quelques mois plus tôt, au nom de Afro Turk SA, pour la signature de la convention de cession des actifs miniers des deux sociétés. Sur cette liste, dans la case Structure, Savas Balcik a bien écrit Afro Turk Tambao SA, mais l’adresse e-mail de la société renvoie à Balkar Mühendislik. Une société dont il est le président du Conseil d’administration.
Sur le site web de la société, elle affirme que les secteurs d’activités sont celui de l’industrie de la défense : construction de hangars d’avions, d’ateliers de peinture de grattoir, d’entrepôts, de cantines, de laboratoires et d’immeubles de bureaux, modernisation de circuits d’air comprimé, etc.
Et dans le secteur civil : hôpitaux, usines alimentaires, restaurants, campus et bâtiments universitaires, hôtels, résidences, entrepôts, etc.
A noter également que le consortium, Balkar Insaat et Mühendislik, affirme avoir des contrats avec le ministère de la Défense du Burkina Faso, comme annoncé sur son site Internet (https://www.balkarinsaat.com.tr/projelerimiz/referanslarimiz.html).