• Pour le deuxième trimesttre
• Il s’agit du 2nd décaissement du Programme de 4 ans
• Premier appui budgétaire en 2024
Dans le cadre de la Facilité élargie de crédit (FEC), un programme de soutien économique a été mis en place en septembre 2023, par le Fonds monétaire international et les autorités burkinabè. Une équipe du Fonds a visité Ouagadougou du 29 février au 7 mars, dans le cadre de ce programme.
Les discussions entre le FMI et le gouvernement burkinabè ont porté sur plusieurs fronts, notamment, l’amélioration de la protection sociale et la gestion des risques fiscaux à moyen terme.
Quelles ont été les grandes conclusions de la mission et quels bénéfices en tireront les populations ? Le représentant-résident du FMI au Burkina Faso, Ben Assine Moez, s’est prêté aux questions de L’Economiste du Faso.
L’Economiste du Faso: Une équipe du FMI était présente début mars 2024 au Burkina. Elle est venue examiner les politiques macroéconomiques du pays, dans le cadre de la première revue du programme approuvé en septembre 2023. Quelles sont les grandes conclusions de cette mission au Burkina Faso?
Ben Assine Moez, représentant-résident du FMI au Burkina Faso : Comme vous le savez le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé, le 21 septembre 2023, un programme quadriennal des autorités burkinabè soutenue par une Facilité élargie de crédit (FEC) portant sur un montant total de 228,76 millions de DTS, soit l’équivalent de 302 millions de dollars. Une équipe du siège, dirigée par Martin Schindler, chef de mission pour le Burkina Faso, s’est rendue à Ouagadougou du 26 février au 7 mars 2024 pour examiner la mise en œuvre du programme à fin décembre 2023, dans le cadre de la première revue du programme, les politiques macroéconomiques envisagées par le gouvernement en 2024 et pour mener les consultations au titre de l’article IV des statuts du FMI sur les politiques à moyen et long terme. Les principales conclusions de cette mission sont les suivantes :
Les services du FMI et les autorités burkinabè sont parvenus à un accord au niveau des services sur les performances à ce jour et les politiques économiques. Une fois la revue approuvée par le Conseil d’administration du FMI, le Burkina Faso aura accès à un financement d’environ 32 millions de dollars (24,1 millions de DTS).
Les autorités burkinabè ont réaffirmé leur volonté de rester dans l’UEMOA.
La mission du FMI salue les efforts déployés par les autorités pour mettre en œuvre des ajustements et des réformes macroéconomiques nécessaires, surtout visant à dégager de l’espèce budgétaire pour financer les besoins de développement. Il est à noter que tous les objectifs quantitatifs, ainsi que la plupart des repères structurels du programme ont été atteints.
Malgré le contexte difficile, la croissance du PIB réel devrait s’accélérer pour atteindre 5,5 % en 2024, contre une estimation de 3,6 % l’année dernière, les efforts visant à rétablir la sécurité devant stimuler davantage l’activité économique.
La mission a également eu des discussions fructueuses sur des défis à plus moyen terme, y compris les risques fiscaux, la croissance et le développement, la protection sociale et les effets de changement climatique.
Les réformes macroéconomiques engagées par les autorités du pays vont-elles peser sur l’approbation de l’accord par le Conseil d’administration du FMI ?
Les autorités ont entamé un programme ambitieux de réformes dans les domaines de la protection sociale, de la gouvernance, de la transparence budgétaire et de l’énergie. Ces réformes sont soutenues par des assistances techniques du FMI. Depuis septembre 2023, les autorités ont progressé dans les domaines cités. Ces progrès, jugés très positifs par la mission du FMI, seront appréciés par le Conseil d’administration du FMI durant sa prochaine réunion sur le Burkina Faso.
Une fois l’accord validé par le Conseil d’administration du FMI, à partir de quel mois le Burkina bénéficiera du premier décaissement ?
Cet accord sera présenté au Conseil d’administration du FMI durant le mois de mai. S’il est approuvé, un montant d’environ 32 millions de dollars sera immédiatement décaissé à l’Etat burkinabè. Ce décaissement sera le deuxième après celui de septembre 2023.
Cet appui vise à « renforcer la résistance aux chocs et réduire la pauvreté ». Concrètement, pour les populations, à quoi va servir ce financement ?
En fait, renforcer la résistance aux chocs et réduire la pauvreté représente un principal objectif du programme. Dans ce cadre, le programme vise à promouvoir la stabilité macroéconomique et la croissance, renforcer le système de protection sociale, à travers la création du registre social et l’élargissement progressif du nombre de bénéficiaires de l’assistance sociale et le renforcement de la résilience au changement climatique qui, tous, bénéficieront à tous les segments de la population burkinabè.
Travailler à réduire le déficit budgétaire, c’est aussi l’un des engagements des autorités dans le cadre de cet accord. En tant que spécialiste, dites-nous quelles sont les retombées d’une telle mesure pour les populations ?
Le premier objectif du programme consiste à créer de l’espace budgétaire pour les dépenses prioritaires et maintenir la soutenabilité de la dette. Pour cela, les autorités se sont engagées à réduire progressivement le déficit budgétaire à 3 % du PIB nominal d’ici 2027, tout en assurant la protection des populations les plus vulnérables et en créant une marge de manœuvre budgétaire pour les dépenses prioritaires, notamment, l’investissement public et renforcer les filets de protection sociale.
Par ailleurs, le déficit est passé de 10,4 % du PIB en 2022 à 6,7 % en 2023, grâce, notamment, à une bonne mobilisation des recettes et une maitrise des dépenses courantes. Cet objectif est essentiel pour maintenir la viabilité de la dette : une dette élevée signifie qu’une grande partie du budget est consacrée au paiement des intérêts plutôt qu’à la protection sociale ou aux investissements nécessaires à une croissance forte. Dans le même temps, plusieurs facteurs de vulnérabilité budgétaire doivent être surveillés de près, notamment, les coûts d’emprunt élevés sur le marché obligataire régional et les subventions généralisées et régressives aux produits pétroliers qui ne sont pas bien ciblés sur les pauvres.
L’une des composantes de ce programme est la protection sociale. Quelle appréciation fait le FMI du nouveau dispositif dénommé Programme national d’appui à l’autonomisation des ménages pauvres et vulnérables (PAMPV) ?
La mission félicite les autorités pour les progrès accomplis dans la mise en place d’une protection sociale plus ciblée et moins fragmentée, notamment, grâce à la création du Registre social unique et à la mise en place d’un nouveau dispositif majeur de protection sociale, le Programme national d’appui à l’autonomisation des ménages pauvres et vulnérables (PAMPV). Nous considérons les transferts monétaires comme un instrument très efficace dans ce contexte. Les autorités ont suspendu les transferts monétaires pour des raisons de sécurité. Nous espérons qu’elles pourront bientôt trouver un moyen de reprendre les transferts monétaires en équilibrant ces préoccupations avec l’efficacité de cet instrument.
Au cours de cette mission, les services du FMI ont aussi mené des consultations au titre de l’article IV. Quels ont été les principaux sujets abordés lors de ces entretiens ?
Dans le contexte du programme soutenu par le FMI, les discussions se concentrent généralement sur le court terme, l’article IV offre une bonne opportunité d’adopter une perspective plus large et de se concentrer sur les défis à moyen et long terme et les politiques à adopter pour y surmonter.
La mission du FMI a mené les discussions très fructueuses avec les autorités au titre de l’article IV.
Les discussions ont porté sur l’amélioration de la protection sociale ; les risques budgétaires à moyen terme pesant sur la viabilité de la dette ; les enjeux du changement climatique ; et les moteurs de la croissance à long terme.
L’environnement économique du pays est caractérisé par les coûts d’emprunt assez élevés, ce qui peut jouer sur la gestion de la dette. Quel est l’appui du FMI pour assurer la viabilité de la dette au Burkina Faso?
Dans le contexte actuel, l’appui du FMI devrait aider le Burkina Faso dans la gestion de sa dette sous plusieurs angles : (i) la restauration de la stabilité macroéconomique à travers une meilleure gestion des finances publiques, y compris la convergence vers un déficit budgétaire de 3 % en 2027, (ii) le financement du FMI est à taux d’intérêt zéro, (iii) l’accord avec le FMI devrait encourager d’autres partenaires à accorder des financements similaires ; (iv) l’accord avec le FMI devrait aussi aider à rassurer les investisseurs sur le marché régional, ce qui permettrait de réduire les taux d’intérêt sur les émissions de l’Etat burkinabè.
Dans ce contexte, nous avons pris note de la réaffirmation par les autorités de leur engagement envers l’UEMOA, c’est un bon signe pour une stabilité macroéconomique plus large et nous espérons que cela aura également un impact positif sur le marché obligataire régional.o
Propos receuillis par ESS
Encadré
Votre institution a décaissé depuis mars 2023, près de 50 milliards pour le Burkina, afin de riposter aux chocs alimentaires. Pouvez-vous revenir sur les actions importantes menées à ce propos ?
«Le Burkina Faso a bénéficié d’un financement d’urgence du FMI en mars 2023 d’un montant d’environ 50 milliards FCFA pour faire face à la crise alimentaire. Ces fonds ont été principalement utilisés pour financer la vente de denrées alimentaires et d’intrants agricoles à des prix subventionnés, la distribution gratuite de nourriture pour lutter contre la malnutrition aiguë, l’amélioration de l’approvisionnement et de la distribution en eau, des mesures pour le soutien à l’élevage, ainsi que par des transferts monétaires conditionnels et inconditionnels aux populations touchées. Dans le but de renforcer la transparence de l’utilisation de ces fonds, les autorités ont publié un audit sur les dépenses engagées dans le cadre de ce financement et les identités des bénéficiaires effectifs des contrats des marchés publics retenus », a déclaré M. Moez.