• CBA ne tient pas son engagement
• Un projet compromis, le partenaire menace de se retirer
• La production est le parent pauvre des financements
Eloi Nombré est le président de la Fédération nationale des producteurs d’anacarde du Burkina Faso (FENAPB). La Rédaction de L’Economiste du Faso l’a reçu en début du mois d’avril. Il est mécontent du Conseil burkinabè de l’anacarde dont il est un des administrateurs pourtant. Le CBA avait pourtant marqué son accord pour financer leur projet.
L’Economiste du Faso : Vous avez l’air très remonté contre le Conseil burkinabè de l’anacarde dont vous êtes un des administrateurs pourtant. Qu’est-ce qui explique cette colère ?
Eloi Nombré, président de la FENAPB : Je suis devenu administrateur en 2019, avec la mise en place du CBA. Il a été demandé aux différents maillons de désigner un représentant. C’est ainsi que les producteurs (NDLR : au nom de l’Union nationale des producteurs d’anacarde) m’ont désigné pour les représenter au Conseil d’administration.
Je suis très déçu, et avec moi, les producteurs, parce que le CBA aujourd’hui est tout sauf un outil de développement. L’Etat lui a conféré la principale mission de régulation et le développement de la filière. Elle ne remplit aucune des deux, à notre entendement.
Avez-vous un exemple ?
Prenons la régulation des prix. On fixe le prix plancher, c’est-à-dire, le prix minimum garanti au producteur à 300 francs CFA. Il n’y a aucun mécanisme qui permet de le vérifier et de contrôler. Les acheteurs se présentent au moment de la commercialisation pour acheter à 250 ou 275f/kg. C’est à prendre ou à laisser. A l’arrivée, ce sont les producteurs qui paient le prélèvement obligatoire à la place des commerçants exportateurs. Je trouve que cela est injuste et c’est connu de tous.
Qui veille au respect du prix minimum dans ce cas ?
Normalement, acheter en dessous du prix plancher est comme une sorte de fraude ; puisque l’acheteur enfreint à un consensus qui a été adopté et fait l’objet de publication officielle. Nous estimons que CBA doit être capable de faire respecter cela, sinon cela va conduire à un désordre dans la filière.
CBA n’a-t-il pas les moyens de le faire pour l’instant ?
Autre chose mais pas les moyens. Le CBA dispose de moyens. Le problème est qu’une étude sur la régulation est disponible et il suffit de mettre en œuvre les propositions de celle-ci. L’étude dort dans les tiroirs. En 2016 et 2016, on était tous d’accord, l’Etat avec nous, qu’il fallait réguler le secteur, notamment, permettre au secteur de la transformation de s’approvisionner en priorité au niveau de la production nationale, avant d’exporter les noix brutes d’acajou. L’objectif était de protéger la filière et surtout disponibiliser la matière première pour les unités de transformation d’abord. Quand le CBA est né, les commerçants (protégeant leurs intérêts) ont dit qu’ils n’étaient pas prêts à adhérer au mécanisme de régulation. On sent le désordre dès que la production nationale baisse, les transformateurs se plaignent des commerçants.
Sur le volet développement. Un point important à savoir. Le CBA existe et vit sur les ressources collectées sur l’exportation de la noix brute de cajou. Les ressources sont suffisantes, selon nous. Le budget 2023 était de 4 milliards FCFA. Pour nous, il manque cruellement des investissements structurants pour que nous puissions assister, à terme, à un véritable décollage de la filière. Ça manque de vision, selon nous.
Quand vous parlez de projets structurants, faites-vous allusion aux projets de la FENAPAB dont les contreparties n’ont pas encore été financées par le CBA ?
Pour nous, c’est un exemple illustratif de ce manque de vision.
De quoi s’agit-il ?
En août 2021, en partenariat avec l’INERA et le cabinet E and D Consult, nous avons soumis un appel à projets sous-régional lancé par PROCASHEW, financé par le gouvernement américain. Le projet est intitulé « résilience aux changements climatiques » et visait à développer avec la recherche des clones résistants au stress hydrique, avec une précocité de la floraison, entre autres. Le Programme COCAHSEW a exigé un cofinancement si le projet est retenu au final. Comme il s’agit de recherche action, notre partenaire, INERA, a sollicité auprès de CBA le financement de la contrepartie nationale qui s’élève à 75 millions FCFA ; ce qui a été fait et le CBA a marqué son accord d’accompagner le projet s’il était retenu (lettre n°2021/mica/SG/CBA/DG/ DCVM du 25 août 2021).
Malheureusement, à l’heure où nous faisons cet entretien (le 4 avril 2023), le CBA est resté muet à notre requête, pourtant, c’est une condition nécessaire pour mettre le projet en œuvre.
Quelles sont les raisons avancées par CBA pour ne pas respecter son engagement ?
Nous constatons qu’il ne réagit pas. Je pense que CBA ne veut pas travailler avec tous les acteurs, mais seulement avec les membres de l’interprofession, c’est-à-dire qu’avec l’Union nationale des producteurs. Toutes les organisations ne sont pas membres de l’interprofession et la collecte des ressources de la noix brute repose sur l’ensemble des producteurs du pays. Il n’y a donc pas de justification valable, dans la mesure où ce sont des acteurs de la filière qui portent un projet dont les retombées pourraient profiter à toute la Nation.
A vous entendre, la production est le parent pauvre de la filière…
Mais regardez ce que CBA fait avec les ressources collectées. Il met 2 milliards dans le projet PROMUTAB (projet de mise à niveau des unités de transformation de l’anacarde du Burkina) qu’il a initié. Ce sera essentiellement des subventions en équipements.
Et ici, au niveau de la Fédération, on n’est pas du tout d’accord avec cette approche, parce que le CBA n’est pas une structure de financement. Il peut juste accompagner, faire du conseil, faciliter la prise de textes favorables mais pas se substituer à une structure de financement, d’autant qu’au niveau du ministère du Commerce, ces mêmes unités avaient été accompagnées de 2012 à 2018, à travers le Cadre intégré renforcé (CI), avec un financement extérieur de 21 milliards FCFA.o
Interview réalisée par la Rédaction
NDLR: le DG de CBA, contacté par la Rédaction, a promis de réagir à son retour au pays
Encadré
Avez-vous reçu une correspondance comportant le refus de ce financement ?
Selon les explications fournies par M. Nombré, le refus n’a pas fait l’objet d’une réponse écrite. «Non. Il n’y a pas eu de lettre indiquant le non- financement. Le sujet a plutôt été abordé, lors d’une réunion du Conseil d’administration, sur la présentation du PTBA de 2023 (budget du programme d’activités du CBA 2023). Bien avant, il y a eu une correspondance que la Fédération a adressée au CBA pour rappeler les activités à financer dans le cadre de son engagement. En plus de ce projet avec l’INERA et le cabinet d’expertise ED Consult, il y a un autre projet avec l’Université Joseph Ki-Zerbo, axé plus sur le développement de l’apiculture dans les vergers d’anacarde. Tout cela, dans le but d’améliorer les revenus des producteurs et aussi améliorer la productivité des vergers, parce qu’avec les abeilles, cela accroît la pollinisation, etc., soutient l’administrateur. Cela fait 6 mois que la Fédération attend la réaction de CBA, avec la menace de perdre son financement américain : « Normalement, pour nous, le CBA devait en tenir compte et le présenter au Conseil. Chose qu’il n’a pas faite. Ne l’ayant pas fait, moi, en tant qu’administrateur représentant les producteurs, je l’ai présenté aux autres administrateurs. Effectivement, il fallait écouter, après la Direction générale du CBA, qui a donné ses arguments pour lesquels nous ne sommes pas d’accord et nous l’avons signifié aux autres. Le PCA a dit qu’on allait voir ce qui peut être fait. Voilà que cela fait déjà six (6) mois de retard et rien ne profile à l’horizon ».o