• Un décret jugé révolutionnaire
• Le retour à la case départ
• Des mouvements d’humeur pour demander la relecture de la loi
Le Conseil des ministres, en sa séance ordinaire du mercredi 30 octobre 2019, adoptait des actes concernant le personnel du corps des Greffiers. C’était un rapport relatif à six (06) décrets portant application du statut du personnel du corps des Greffiers. Il s’agissait, entre autres, du décret portant hiérarchisation des emplois et des fonctions du personnel du corps des Greffiers ; du décret portant Code d’éthique et de déontologie du personnel du corps des Greffiers ; du décret portant conditions et modalités d’affectation et de nomination du personnel du corps des Greffiers ; du décret portant fixation des caractéristiques et conditions de port de costume d’audience du personnel du corps des Greffiers ; du décret portant composition, organisation, attributions et fonctionnement du Conseil de discipline du personnel du corps des Greffiers ; du décret portant autorisation et conditions d’exercice d’activités privées lucratives du personnel du corps des Greffiers.
L’adoption de ces décrets permettait l’application effective de la loi n°054-2012/AN du 18 décembre 2012 portant statut du personnel du corps des Greffiers.
Mais, le décret portant hiérarchisation des emplois et des fonctions du personnel du corps des Greffiers n’est pas du goût de certains syndicats de magistrats. En effet, l’article 3 dudit décret dispose : « Dans les juridictions, les Greffes sont placés sous l’autorité des Greffiers en chef, chefs de Greffes. L’ensemble du personnel du corps des Greffiers exerçant au sein d’une même juridiction relève du chef de Greffe qui est leur supérieur hiérarchique immédiat ».
Il faut dire qu’avant l’adoption de ce décret, tous les Greffiers n’avaient pas pour supérieur hiérarchique immédiat le chef de Greffe. Ce faisant, les Greffiers affectés au sein des cabinets d’instruction avaient pour supérieur hiérarchique le juge d’instruction, et pour ceux affectés au secrétariat du Parquet, le Procureur du Faso. Ces derniers avaient un pouvoir de notation, autorisaient les absences et accordaient les permissions. Ces Greffiers bénéficiaient ainsi d’une forme de détachement et d’indépendance à l’égard du chef de Greffe. Avec ce décret, les Greffiers se détachaient de l’autorité de certains collaborateurs, en l’occurrence des magistrats, au profit du chef de Greffe. Les syndicats des Greffiers l’avaient qualifié de décret révolutionnaire.
Considérant que ce décret porterait préjudice à leurs membres, sur le terrain et au bon fonctionnement de la Justice, l’ensemble des trois syndicats des magistrats a introduit un recours en annulation devant le Conseil d’État, la plus haute juridiction de l’ordre administratif. Les syndicats des Greffiers avaient alors demandé une intervention volontaire, toute chose que la Cour a acceptée.
Cela fait maintenant plus de deux ans que l’affaire est portée de la Justice. Ce marathon judiciaire, après plusieurs renvois et reports, a connu sa première décision le vendredi 31 mars, à Ouagadougou. Le Conseil d’État a décidé de l’annulation de l’article 3 du décret suscité. « Nous sommes en concertation avec notre conseil et l’Agent judiciaire de l’Etat (AJE) pour trouver la mesure appropriée devant nous permettre d’obtenir l’annulation de l’arrêt prononcé par le Conseil d’Etat », a déclaré l’intersyndicale des Greffiers, après ce revers qui marque un retour à la case départ. C’est une remise en cause des acquis du corps, dénonce-t-elle.
Dans tous les cas, nous userons des moyens à notre disposition pour défendre l’esprit et la lettre du décret, a-t-elle renchéri. Dans la matinée du lundi 03 avril 2023, les Greffiers du Tribunal de Grande instance de Ouaga 2 ont observé un mouvement d’humeur. Ils réclament la relecture de la loi portant statut du personnel du corps des Greffiers. Selon eux, ils avaient obtenu la promesse que tout serait mis en œuvre pour que la relecture intervienne au plus tard mars. Le lendemain, des Greffiers du TGI Ouaga 1 se sont inscrits dans cette dynamique.
D’autres Greffiers, par contre, disent ne pas être surpris de la décision du Conseil d’État. Ces derniers estiment que la loi comporte suffisamment de lacunes et insuffisances qui peuvent motiver la décision de la plus haute juridiction de l›ordre administratif.
D’après nos informations, dans plusieurs juridictions, les Greffiers ont tenu des assemblées pour se pencher sur la relecture de la loi. L’intersyndicale des Greffiers a initié une assemblée générale au cours de laquelle elle entendait examiner la décision du Conseil d’État et décider des actions à entreprendre le vendredi passé.o
Amin Sidsoré
Encadré
Le dispositif de la décision
Le Conseil,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière administrative, en premier et dernier ressort ;
En la forme
-Rejette l’exception d’irrecevabilité tirée du défaut d’intérêt des requérants;
-Déclare la requête recevable ;
Au fond
La déclare partiellement fondée ;
-Annule les dispositions de l’article 3 du décret n°2019-1227/PRES/PM/MJ/MINEFID du 05 décembre 2019 portant hiérarchisation des emplois et des fonctions du personnel du corps des Greffiers ;
-Déboute le Syndicat autonome des magistrats du Burkina, le Syndicat des magistrats burkinabè et le Syndicat burkinabè des magistrats en ce qui concerne les autres dispositions dudit décret;
Met les dépens à la charge du Trésor public.