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Résilience de l’économie: quelles propositions pour sortir de la crise

• Sécuriser les finances publiques

• Réduire le train de vie de l’Etat 

• Les propositions de la Confédération syndicale

«Finances publiques et résilience de l’économie nationale, des entreprises et des ménages en période d’insécurité pour une sortie de crise réussie ». C’est le thème du panel organisé par L’Economiste du Faso, le 28 mars dernier, à l’occasion de son 10e anniversaire. A cette occasion, le Journal a réuni, sur une même tribune, 4 personnalités. Il s’agit de : Dr Amadou Yaro, Directeur général du Cabinet CERE, ancien DG de l’Ecole nationale des régies fiancières, Dr Issa Compaoré, représentant le Patronat, Dr Idrissa Kaboré, représentant la Chambre de commerce et d’industrie, et le Secrétaire général du Conseil syndical du Burkina, Guy Olivier Ouédraogo.

La communication inaugurale a été donnée par Docteur Amadou N. Yaro, Directeur général du Cabinet CERE et ancien ministre du Développement de l’économie numérique.

Une communication que le Journal a décidé de partager avec ses lecteurs et abonnés. Une contribution à découvrir ici.

« Quelle est l’importance des finances publiques pour un pays en crise, et en crise sécuritaire ?

Tout d’abord, qu’entend-on par finances publiques ? Je dirais que les finances publiques relèvent des sciences sociales et ont pour objet l’étude du phénomène financier public dans sa globalité : ressources, charges, trésorerie, procédure budgétaire et comptable, politique budgétaire… et dont les principaux protagonistes sont les États, les collectivités territoriales, les établissements publics. Mais il convient de dire que les entreprises privées et les ménages sont concernés par les finances publiques. Pourquoi les entreprises privées ? Parce que l’Etat et plus généralement les pouvoirs publics, dans un contexte d’économie libérale ou ce qui tient lieu d’économie de marché, s’appuient sur les entreprises privées qui sont les principales créatrices de la richesse nationale, donc les pourvoyeuses de recettes fiscales. Ce sont ces recettes fiscales qui alimentent les caisses de l’Etat et qui lui permettent de faire de la redistribution. Pourquoi les ménages sont aussi concernés par les finances publiques, notamment, dans notre pays ? Parce que beaucoup de ménages vivent au rythme du fonctionnement de l’Etat. Si l’Etat ne redistribue pas, par exemple, par les salaires, il est évident qu’il risque d’avoir une véritable chute de la croissance économique. Des exemples de pays qui ont été à un moment donné incapables de payer les salaires des agents publics montrent les effets dévastateurs. De même, comme je le disais tantôt, une bonne partie du secteur privé vit des marchés publics dont dépendent leurs salariés.

L’organisation des finances publiques est essentielle à la prise en charge de besoins nouveaux. C’est un indice de la qualité du lien entre le politique et le social. Tout en étant un facteur de puissance de l’État, les finances publiques sont une source d’enrichissement.

Comment faire fonctionner l’économie en cette période de crise ?

Ceci étant, quelle analyse peut-on faire, et surtout quelles propositions peut-on en déduire ? Assurément, la situation de nos finances publiques est difficile. Elle est d’autant plus difficile qu’il y a de nouveaux besoins sécuritaires. Je ne vous donnerais pas de chiffres. Les journalistes que vous êtes les connaissez sans doute mieux que moi.

Les conséquences sont on ne peut plus dramatiques, même s’il est vrai que l’Etat fait tout son mieux pour satisfaire aux besoins régaliens comme le paiement des salaires et le fonctionnement courant des institutions de l’Etat.

Comment continuer de faire fonctionner l’économie en cette période de crise ? Autrement, comment continuer de trouver des ressources financières endogènes pour des besoins de l’Etat sans cesse en augmentation du fait de la crise sécuritaire ?

Certains préconisent de mettre en place une économie de guerre. Qu’est-ce que ces mots recouvrent ?

Au sens stricto-sensus, l’économie de guerre désigne les pratiques économiques exceptionnelles mises en œuvre, lors de certaines périodes historiques de fortes agitations ou d’autarcie extrême, généralement, mais pas nécessairement liées à l’existence de conflits armés. Elle a pour objectif le maintien des activités économiques indispensables à un pays, l’autosuffisance, la dissuasion de la consommation privée, la garantie de la production des aliments et le contrôle de l’économie depuis l’État. 

Parmi les caractéristiques principales, on relève : un contrôle plus accru de l’Etat sur l’économie, en général, et sur les instruments de gestion de cette économie ; des mesures de réduction de la consommation de certains produits comme le carburant ; un repli du pays vers ses frontières intérieures comme une forme d’autarcie.

Une telle politique est faite pour durer dans le temps. Autrement, c’est partir de l’idée que l’organisation administrative et de l’économie doit se faire dans la durée.

Je reste persuadé que la crise sécuritaire va connaitre une fin. A partir de cette conviction, je crois qu’il faut intelligemment allier les moyens d’une économie de guerre et ceux en place dans une économie en temps de paix. Autrement, il me semble qu’il faut voir en ligne de mire la sécurisation des finances publiques, afin de donner les moyens financiers à l’Etat de continuer à jouer ses missions régaliennes, certes, mais aussi de redistribution.

Quelles propositions pour nous en sortir ?

Je dirais que la solution réside dans un concept bien connu. Il s’agit de bâtir une véritable stratégie des finances publiques pour une sortie de crise. En effet, quelles que soient les perspectives en termes de temps de sortie de crise, l’insécurité actuelle laissera des marques durables sur l’économie burkinabè et les finances publiques. La stratégie passe par :

-Une politique budgétaire orientée vers la soutenabilité des engagements internes de l’Etat, c’est-à-dire, la dette intérieure : selon l’agence Ecofin, à la fin mars 2022, la dette publique burkinabè se chiffrait à 9,7 milliards $ dont près de 47% détenus par les créanciers internationaux et 53% par les créanciers intérieurs. De manière chiffré, la dette intérieure est relativement importante, au regard de ses effets sur les opérateurs économiques nationaux. De nombreuses actions sont menées par le gouvernement pour juguler la dette intérieure, à travers, notamment, la stratégie de gestion de la dette à moyen terme 2022-2024. Il me semble cependant qu’il faut davantage d’effort pour relancer ou booster de nombreux secteurs d’activités.

-Une réduction effective du train de vie de l’Etat : il s’agit, en l’espèce, non plus tellement d’affirmer ou de réaffirmer une volonté de réduire les dépenses publiques, mais de faire en sorte que cela soit une véritable réalité. Il est vrai que beaucoup d’efforts sont faits par le gouvernement. Signalons le dernier en date qui est l’abrogation du Haut Conseil du dialogue social. C’est assurément une avancée majeure, mais cela me parait insuffisant ou que la communication publique ne permet pas de constater les réalités, au regard des enjeux du moment. Il faut, je le répète, une réduction effective des charges publiques.

Le Premier ministre ou le ministre en charge des finances pourraient convoquer ce qui peut s’apparenter à un conclave budgétaire, réunissant tous les ordonnateurs et les administrateurs de crédits et leur fixer des objectifs et des résultats de réduction pendant un laps de temps déterminé. Par exemple, il pourrait être demandé de faire des propositions de réduction de 10% des budgets alloués et qu’ils s’engageraient à respecter scrupuleusement. Ainsi, la décision ne viendrait pas nécessairement de la superstructure, mais des responsables, y compris au plus bas niveau. Par ailleurs, il convient que le gouvernement dise exactement, devant la représentation nationale, à quoi vont servir les gains obtenus, c’est-à-dire, à quels postes budgétaires ces réductions seront destinées.

-Une plus grande maîtrise de l’assiette fiscale : parler de l’assiette fiscale, c’est comme enfoncer une porte déjà ouverte.

La lutte contre la fraude fiscale et douanière (et une lutte acharnée contre la corruption) par la modernisation des contrôles fiscaux, des formations plus adaptées des agents.o

Dr Amadou Nebila YARO

 

Encadré

Une meilleure gestion des entreprises

Il est important que les entreprises « se prennent résolument en charge ». Il leur faut mettre l’accent sur une gestion parcimonieuse de leurs outils de travail. Certes, des difficultés existent et entravent le bon fonctionnement des entreprises, mais il faut savoir s’adapter au terrain. La situation sécuritaire du pays enjoint à tout acteur un nouveau comportement. Il faut mettre l’accent sur la réduction de leurs charges et notamment, de leurs dépenses de fonctionnement. Il implique qu’un impôt ou une taxe s’applique à un plus large éventail de biens, de services ou de revenus.

Tout ceci doit se faire de préférence dans la concertation entre tous les acteurs de l’économie. C’est pour cela que j’en appelle à la convocation, dans les meilleurs délais, d’une conférence nationale de la résilience économique autour de la situation économique, donc autour de la sécurisation des finances publiques nationales.

En conclusion, je dirais que l’économie burkinabè dispose des ressorts nécessaires pour être résiliente face aux chocs de l’insécurité. Elle doit s’adapter et les acteurs, tous ensemble, se doivent de se parler pour des solutions idoines. 

 

Encadré 2

Les propositions du SG de la Confédération syndicale

burkinabè, Guy Olivier Ouédraogo

Face à l’inflation, réapparaissent les vieux débats sur la subvention de certains produits de grande consommation par l’Etat. En effet, face à l’augmentation des prix des hydrocarbures, des voix s’élevèrent pour demander des subventions. Mais avec quoi subventionner, si ce n’est qu’avec les impôts du contribuable qui est aussi consommateur. Que faire ? A l’échelle du Burkina, je fais les propositions suivantes :

Dans un bref délai:

Procéder à une revalorisation du SMIG qui n’a présentement aucun sens ;

Rechercher les causes réelles de l’inflation et prendre les mesures économiques en la matière.

A moyen terme :

Le développement et la mise à disposition de tous, des différentes données statistiques sur les salaires, le coût de la vie, l’inflation, la fiscalité, etc., afin de permettre la prise de mesures concertées pour l’amélioration continue des conditions de vie des travailleurs sans exception, tel que le préconise les dispositions de la Constitution du Burkina Faso. Le dialogue social étant l’instrument pour y parvenir.

L’opérationnalisation de l’assurance maladie universelle, afin de soulager les travailleurs du lourd fardeau des soins de santé.

L’investissement dans des projets permettant la baisse du coût de l’électricité, de l’eau     et des télécommunications, etc.

Le développement de la production nationale.

En conclusion, le débat sur l’inflation et la résilience pourrait se résoudre par cette phrase de Henry Ford : « Je veux construire des automobiles que mes ouvriers pourront acheter ». Cela résume le remède contre l’inflation, puisque c’est la bourgeoisie qui fixe les prix des produits et qui paie les travailleurs. Qu’elle cesse de spéculer comme elle le fait pour qu’on ne parle plus d’inflation et la résilience des travailleurs qui doit en résulter. Du reste, la spéculation n’engendre que la révolte légitime. Malheureusement, cette solution ira mieux aux pays producteurs et non consommateurs comme le nôtre.

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