Y aura, y aura pas ? La disponibilité de l’engrais a rarement suscité des frayeurs à l’orée d’une campagne agricole comme c’est le cas cette année. Si la crise de Covid-19 avait déjà fait grimper les prix en 2021, la guerre Russie-Ukraine a fait disparaitre l’engrais de la circulation. Malgré tout, le Directeur général de la Centrale d’approvisionnement d’intrants et de matériel agricole (CAIMA) se veut rassurant. Avec L’Economiste du Faso, Passam Manégré Zida est revenu sur le fonctionnement de sa structure et les démarches entreprises pour mettre l’engrais à la disposition des producteurs. Pour lui, la totalité des 168.000 tonnes que la CAIMA devra fournir cette année sera disponible d’ici à la fin du mois de juillet 2022.
L’Economiste du Faso: Quels sont les besoins annuels de l’ensemble des producteurs burkinabè en engrais ? Quelle est la quantité que la CAIMA fournit dans l’ensemble de ces besoins ?
Passam Manégré Zida: Annuellement, les besoins réels du Burkina Faso tournent autour d’un million de tonnes d’engrais, mais les producteurs utilisent, en réalité, 300 000 tonnes d’engrais par an. De ces 300 000 tonnes, la CAIMA a un plan d’approvisionnement de 168 000 tonnes. Nous avons reçu de l’Etat une caution de 50 milliards et cette caution a rassuré les banques qui ont accepté de nous accompagner pour faire les acquisitions. Depuis que l’engrais est entré formellement dans nos mécanismes de production en 2008, nous avons toujours eu du retard dans la mise à disposition des engrais aux producteurs, car les engrais arrivaient dans les mois de juillet-août. En mettant en place la CAIMA, l’objectif est de rendre disponibles les engrais assez tôt mais aussi à des prix concurrentiels. La structure est très jeune. Le Directeur que je suis a été nommé en juillet 2021, certains de mes collaborateurs sont arrivés en avril 2022. Malgré cela, nous avons pu fournir de l’engrais à partir du mois de juin. Les années à venir, nous ferons mieux afin que la question des intrants ne soit plus un souci pour les producteurs.
L’année passée déjà, la crise liée à la Covid-19 a presque fait doubler le prix des engrais. Cette année, avec la guerre Russie-Ukraine, l’engrais coûte au moins deux fois son prix de 2020. La tonne qui était de 300-350 000 FCFA, est passée à 700 000 FCFA. Nous sommes nés dans un contexte difficile, mais nous allons nous battre pour que les producteurs aient accès à l’engrais à des prix acceptables.
A la date du 15 juin 2022, quelle est la quantité d’intrants disponibles dans les magasins de la CAIMA ?
Les besoins sont de plusieurs ordres. Nous avons des commandes de l’Etat, d’un Projet de la Banque mondiale, et des groupements de producteurs. Nous parachevons les quantités de l’Etat à hauteur de 5 000 tonnes. La semaine prochaine, nous allons commencer la livraison de la commande de la Banque mondiale qui est de 5 000 tonnes également. Nous avons des surplus dans les chefs-lieux de province que nous allons mettre à la disposition des producteurs.
Notre directeur des intrants est à Abidjan, à l’usine, pour finaliser les choses. A la frontière, il y a une longue file de camions qui rentrent dans le pays avec de l’engrais de la CAIMA. Toutes nos provisions seront respectées.
Nous allons pouvoir livrer 168.000 tonnes cette année pour satisfaire d’abord l’Etat, le Projet de la Banque mondiale, les faîtières des producteurs et le reste sera mis à la disposition des entreprises de vente d’engrais pour les autres producteurs.
Un autre volet de la disponibilité reste la distribution. Comment se fera le transfert de l’engrais vers les zones de production ?
La CAIMA ne fait pas de ventes directes mais cède ses produits aux entités morales, notamment, l’Etat, les organisations paysannes, les revendeurs d’intrants…. C’est à ces acteurs de faire parvenir les engrais aux producteurs. Nous avons le même mode opératoire que la Centrale d’achat de médicaments essentiels génériques (CAMEG) qui fait venir les médicaments qu’elle met à la disposition des pharmacies pour qu’elles les revendent à la population.
La saison pluvieuse est déjà installée dans toutes les régions. L’engrais ne va-t-il pas arriver un peu tard ?
Les contrats d’approvisionnement ont été signés et nous recevons continuellement nos commandes et nous sommes sûrs de pouvoir satisfaire nos trois premiers clients d’ici à la fin du mois de juin. Pour le reste, on va patienter jusqu’en fin juillet où tous nos partenaires nous ont promis la livraison de toutes nos commandes.
A quel prix sera cédé le sac de 50 kg au producteur ?
Le mardi 7 juin 2022, les responsables de la CAIMA étaient à la Primature pour un plaidoyer sur la subvention de l’engrais auprès du Premier ministre.
Nous avons pu rendre disponible l’engrais sur le territoire national. Quant au prix de cession, il revient à l’autorité publique d’apporter une subvention pour qu’il soit accessible financièrement aux producteurs. Les concertations sont en cours et nous vous communiquerons le prix de cession lorsqu’il sera fixé.
Les difficultés d’approvisionnement en engrais chimique par l’importation posent aussi la question de solutions palliatives et pérennes. Explorez-vous d’autres pistes en interne ?
La CAIMA attend 5.000 tonnes d’engrais organo-minéral. La faîtière des producteurs de fumure organique est membre de la CAIMA. Elle nous a fait des propositions et nous préparons des contrats pour pouvoir livrer la fumure aux producteurs. Il nous faut d’abord avoir la capacité de ces producteurs mais aussi la qualité de la fumure. En la matière, le ministère de l’Agriculture a établi des normes pour avoir une fumure de qualité avec des résultats performants. La faîtière soumet ces normes à ses membres et nous attendons de voir ceux qui vont respecter ces critères pour faire le point.
Avez-vous prévu un plan de développement pour la production de la fumure organique produite au Burkina ?
Promouvoir la fumure organique locale est l’un de nos objectifs principaux. Nous allons nous retrouver bientôt en atelier avec les acteurs pour réfléchir sur leurs capacités à mettre à la disposition de la CAIMA de l’engrais de qualité pour les producteurs.
Martin SAMA