L’Economiste du Faso : Le processus pour avoir un abattage constaté par un procès-verbal rédigé par les services compétents ne semble-t-il pas lourd pour une situation d’urgence ?
En matière d’indemnisation, il y a des textes qui encadrent. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas dire après un prélèvement, que c’est la grippe aviaire. Nous avons beaucoup de prélèvements dans des élevages où il y a eu beaucoup de morts et où les gens pensaient que c’est la grippe aviaire mais les examens ont démontré le contraire. Donc, si ces personnes réclament leurs indemnisations, cela devient impossible. Il y a deux possibilités pour avoir une réparation. Dans le premier cas, il doit y avoir un abattage sanitaire suivi d’un procès-verbal, dans ce cas, l’éleveur peut bénéficier d’une indemnisation. S’il n’y a pas eu d’abattage sanitaire et que l’élevage a perdu son cheptel par une mort naturelle, là, le site rentre dans le cadre des élevages sinistrés et peut bénéficier des mesures de relèvement que l’Etat verra comment accompagner les acteurs de la filière qui ont perdu afin qu’ils puissent se relever.
Ces mesures de relèvement ne peuvent être évaluées qu’à la fin de la maladie. C’est en ce moment qu’on pourra connaitre l’impact de la maladie sur les productions des gens et voir ce que cela a entrainé comme perte, avant de voir comment accompagner les acteurs pour qu’ils puissent se relever.
L’Etat peut faire ce relèvement de plusieurs manières. Il peut décider, par exemple, de faire la détaxation de tout ce qui est intrants ou matières premières pendant un bout de temps pour permettre aux gens d’importer et de pouvoir commencer à produire ; comme il peut décider de mettre en place un fonds d’institution financière et échelonner peut-être leur remboursement avec des conditions de crédits qui soient adaptées à la situation.
Un éleveur peut perdre son cheptel sans avoir le temps d’en faire le constat, alors que l’indemnisation est soumise au constat…
Après les prélèvements, les résultats sont disponibles en 24h maximum, donc ces résultats peuvent être transmis aux personnes concernées. Si c’est la grippe aviaire, les mesures sont immédiatement prises en attendant que le Haut-Commissaire signe un arrêté. Dès qu’il y a une mortalité, l’élevage est mis sous isolement, ce qui veut dire qu’il y aura un suivi journalier à partir de cet instant. Cela voudrait dire qu’au moment du prélèvement, si l’éleveur avait 10.000 têtes, et au moment de l’abattage il n’y avait plus rien, ce dernier ne sera pas indemnisé, car les textes se basent sur l’abattage pour qu’il y ait indemnisation. Cela ne se fait pas au Burkina seulement, c’est le même processus dans tous les pays du monde. S’il n’y a pas d’abattage, on considère que c’est une mort naturelle, même si c’est lié à la maladie. Ainsi, vous devenez sinistré et on verra comment l’Etat pourra vous accompagner.
Le ministre Moussa Kaboré a annoncé 3,8 milliards FCFA comme budget d’indemnisation dans le plan de riposte le 14 janvier dernier. Est-ce ce montant qui est disponible pour les indemnisations ?
Quand on parle d’indemnisation, on ne peut pas donner une somme tant qu’il n’y a pas eu de procès-verbal et le point de la situation. Mais ce sont des prévisions. On a prévu dans le plan de riposte que si les mesures ne sont pas prises très rapidement, on pouvait perdre au moins 1.500.000 volailles. Et si on calcule ce nombre à raison de 3. 500FCFA/volaille, ça donne un montant. Nous avons aussi évalué qu’on pouvait perdre au moins 2.000.000 d’œufs. Si on prend ce nombre multiplié par 80 FCFA, on aura un montant. Donc, ce sont ces éléments que nous avons évalués pour donner un montant approximatif. Cependant, nombreux sont ceux qui n’ont pas compris. C’est pour dire que même 1 FCFA n’a été dédié pour la mise en œuvre du plan de riposte pour le moment. C’est sur le budget de fonctionnement de nos services que nous puisons aujourd’hui pour pouvoir gérer les foyers en attendant que l’Etat puisse faire une table ronde avec les bailleurs de fonds afin que ces derniers puissent nous venir en aide pour pouvoir continuer. Sinon ce n’est pas de l’argent qui est disponible qu’on prendra directement pour donner aux gens après l’abattage.
La situation politique a entrainé un ralentissement au niveau de l’Administration. Quel est l’impact sur le plan de riposte ?
L’urgence sanitaire est là. Mais en attendant que les bailleurs ou l’Etat puissent nous venir en aide, il y a au moins un certain nombre de données que nous avons et que nous pouvons utiliser pour commencer à gérer les foyers. Mais il faudra que nous nous prenions nous-mêmes en charge à travers le peu de moyen que nous avons pour pouvoir commencer la riposte. Et quand l’argent viendra, on pourra continuer les autres éléments qu’on n’a pas pu mettre en œuvre. Mais ce qui est urgent, nous le ferons sans l’accompagnement des bailleurs, car même si aujourd’hui, ces derniers venaient à intervenir, ce n’est pas pour indemniser les éleveurs, ni faire les abattages.
Au regard de la situation, quelle doit être l’attitude des éleveurs alors ?
Je voudrais inviter les gens à revoir leurs productions, parce que depuis qu’on a fait la déclaration, quand il y a une petite mortalité seulement, ils pensent immédiatement à la grippe aviaire. Quand les résultats de leurs prélèvements sortent négatifs du laboratoire, les gens sont alors étonnés parce qu’ils ont eu des mortalités. Mais le test ne ment pas, parce que c’est un test sur l’ADN. Chacun doit continuer l’application de son protocole sanitaire pour éviter que la maladie ne vienne, parce qu’il y a d’autres maladies qui sont semblables à la grippe aviaire et qui tuent également. S’il y avait des vaccinations contre certaines maladies qu’ils faisaient, l’existence de la grippe aviaire ne doit pas en être un frein. Si en suivant le protocole sanitaire, il y a des complications, ils ne doivent pas attendre la dernière minute pour accourir aux services compétents, parce que si c’est la grippe aviaire et ils attendent un bout de temps, le temps d’y intervenir, on peut ne rien trouver vivant. Mais s’il y a la mortalité et qu’ils signalent, dès le lendemain, il y aura des prélèvements et le surlendemain, ils auront les résultats. Ça leur permet d’avoir au moins une situation qui leur permettra de bénéficier de l’indemnisation.
Martin SAMA
Encadré