Les Burkinabè se sont réveillés le 24 janvier 2022 avec un nouveau président à la tête de l’Etat. Lui, c’est le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). Parmi les dossiers urgents qui attendent des réponses rapides, la flambée des prix des produits de première nécessité et surtout celle liée à la probable hausse du prix du pain par les boulangeries. Selon le président de la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB), Dasmané Traoré, rencontré le 25 janvier 2022 à Ouagadougou, des boulangers persistent et signent, ils veulent cette augmentation. La raison principale, le renchérissement du prix de la farine de blé dû à la conjoncture internationale. Le 30 novembre 2021, à travers un communiqué, la Fédération burkinabè des patrons de boulangerie, pâtisserie et confiserie (FBPBPC) informait le gouvernement de leur intention d’augmenter le prix de la baguette de pain de 150 à 200 FCFA. Un refus catégorique leur a été opposé le lendemain, soit le 1er décembre 2021 par le gouvernement. Pour Dasmané Traoré, les différents arguments de la FBPBPC est que la tonne de blé à l’international est passée de 350.000 FCFA à 420.000 FCFA. Conséquence, selon les boulangers, cela augmente leurs charges qu’ils n’arrivent plus à supporter. Pire, disent-ils, d’autres ont commencé à mettre la clé sous le paillasson. Face à cet argument, la LCB leur a rappelé cette rencontre tripartite (gouvernement, boulangers et LCB) qui avait arrêté les prix définitifs de façon consensuelle en mars 2017. Où il a été décidé que la baguette de 180 grammes soit vendue à 130 FCFA et celle de 200 grammes à 150 FCFA. Pour des raisons inavouées, la baguette de 180 grammes, au lieu de 130 FCFA, est vendue à 150 FCFA. Ce revirement serait lié au manque de monnaie ; malheureusement, cette hausse de prix est restée en l’état jusqu’à ce jour. Pour Dasmané Traoré, il n’y a pas de doute qu’en plus de se remplir les poches (20 FCFA supplémentaires sur chaque baguette de 180 grammes), les boulangers aient fait d’énormes profits de gain et ce, depuis 2017.
Les prix de vente de la farine de froment fabriquée par les Grands moulins du Faso (GMF) sont fixés comme suit à Ouagadougou.
Des distributeurs empochent 1.500.000 FCFA/mois
A en croire le président de la LCB, la hausse des charges dont parlent les boulangers est loin d’être liée au renchérissement du prix à l’international. Pour lui, deux raisons essentielles expliquent cela. Primo : des surcoûts ont été délibérément créés en lien avec la concurrence sur le marché. Il affirme que des boulangers ont confié la distribution du pain à des tierces personnes qui se font d’énormes recettes au détriment de la boulangerie. Selon le constat de la LCB, chaque distributeur se retrouve avec 50 FCFA de bénéfice sur chaque baguette vendue. Sur la base de 1.000 baguettes distribuées par jour par un distributeur, celui-ci se retrouve avec 50.000 FCFA/jour ; 500.000 FCFA/10 jour et 1.500.000 FCFA/mois. A la LCB, on trouve que ces bénéfices sont excessifs et ne permettent pas aux boulangers de rentrer dans leurs dépenses. La LCB fait observer qu’on ne saurait concéder le tiers de revenu de son produit à quelqu’un d’autre. Dasmané Traoré souligne que des boulangers qui ont expérimenté les 50 FCFA étaient obligés de le ramener à 40 FCFA, car insupportable. Il révèle que même à 40 FCFA avec l’enquête de la structuration du prix du pain, sur la baguette de pain, le boulanger a environ 15 FCFA et le distributeur a 40 FCFA. Pour Dasmané Traoré, il y’a une déperdition des bénéfices des boulangers. Donc, pour lui, il n’y a pas de raison de répercuter cette déperdition sur les consommateurs en voulant la hausse du prix du pain.
Des boulangers s’en démarquent
Secundo : déjà en 2017, les boulangers faisaient d’énormes bénéfices au point de susciter la vocation à de nombreuses personnes qui se sont lancées dans le business. Malheureusement, dit-il, les nouveaux venus n’étant pas du domaine et par manque d’expérience, ont eu des difficultés par la suite à faire prospérer leur boulangerie. Pour Dasmané Traoré, ce sont ces derniers qui souhaitent le plus la hausse du prix du pain. Il exhorte ces « nouveaux venus » à s’assumer au lieu de s’acharner sur le consommateur et qu’ils laissent le marché s’autoréguler seul. Du reste, le président de la LCB précise que tous les boulangers ne sont pas sur la même longueur d’onde sur la hausse du prix du pain. Pour preuve, l’Union nationale des boulangers estime qu’une augmentation n’est pas nécessaire actuellement. Pour elle, même avec 420.000 FCFA la tonne de blé, les boulangers s’en sortent financièrement. Des boulangers disent que certains pays voisins ont augmenté le prix du pain. Pour la LCB, cette hausse a été suivie de l’augmentation de la quantité du pain qui est passée de 200 grammes à 250 grammes. Dasmané Traoré a interpellé le nouveau pouvoir à prendre à bras-le-corps cette question au sérieux pour éviter au consommateur de subir les frais. La LCB fait une suggestion au MPSR, celle d’accompagner les boulangeries en souffrance à se remettre en selle.
Rachel DABIRE
Encadré
Ristourne sur le prix du pain aux distributeurs : une vraie aubaine
« Une dame vendeuse des brochettes dans un établissement scolaire de la place nous a confié, lors d’une enquête terrain, faire des ristournes de 100.000 FCFA par mois avec la boulangerie. En plus de ces ristournes, elle engrange des bénéfices sur la vente des brochettes ».
Encadré 2
« Même à 420.000 FCFA la tonne de blé, les boulangers ont environ 15 FCFA comme bénéfice sur chaque baguette »
Pour montrer que les boulangers veulent faire la force aux consommateurs, la LCB, en association avec le ministère en charge du commerce, a mis en place une équipe qui a travaillé sur la structure du prix du pain (27 boulangeries), tous les frais et charges liés à la fabrication du pain ont été pris en compte jusqu’au prix réel ; après déduction, il ressort que même à 420.000 FCFA la tonne de blé, ils ont environ 15 FCFA comme bénéfice sur chaque baguette.
Encadré 3
Sanctions économiques de la CEDEAO sur le Mali, quelles répercussions sur le Burkina Faso ?
« Par jour, le Burkina Faso est traversé par des centaines de véhicules de transport de marchandises et des cars de transport de personnes entre le Mali vers les pays côtiers et vice versa. De nombreux Burkinabè tirent des dividendes de ce flux de transport sur les différents corridors. A la fin, c’est le consommateur qui perd dans ces sanctions. De nombreux commerçants burkinabè partent au Mali soit pour vendre des marchandises, soit pour en importer (les pagnes bazin, engrais, etc.). Cette rupture n’est pas sans conséquence sur l’économie nationale. Avec la nouvelle donne politique dans notre pays, si les Burkinabè devraient subir des sanctions économiques, là, ça sera l’asphyxie totale. Car, certains produits de première nécessité feront défaut (huile, sucre…). Bonjour la surenchère des produits de consommation. Que la CEDEAO revoie la copie de ses sanctions pour que le consommateur ne se retrouve pas à subir les conséquences.