L’Economiste du Faso : Quelle est aujourd’hui la place de la SOFITEX dans l’économie régionale et nationale et son rôle dans l’industrialisation du pays ?
Wilfried Yaméogo, DG SOFITEX : La SOFITEX joue un rôle primordial non seulement dans l’économie nationale et régionale, mais aussi dans l’industrialisation du pays. En effet, la SOFITEX assure environ 80% de la production du coton, et son impact sur la chaîne de valeur du coton et l’économie nationale est perceptible à travers les effets directs et indirects du coton sur le niveau de revenus des producteurs, sur les autres acteurs intervenant dans la chaîne de valeur, et sur des grandeurs macroéconomiques comme la balance commerciale, l’emploi et le Produit intérieur brut (PIB).
En effet, le coton est la principale spéculation agricole qui assure régulièrement aux agriculteurs des revenus garantis, du fait du lien entre sa production et sa commercialisation à un prix d’achat du coton graine, fixé avant les semis ; ce qui offre au producteur de prendre la décision souveraine de produire et de définir son plan de campagne. Ces revenus ont permis aux agriculteurs non seulement de couvrir leurs coûts de production, leurs dépenses personnelles, mais aussi d’accumuler du capital cheptel, construction et équipements. L’intensification croissante de la culture cotonnière a entraîné une amélioration parallèle du niveau technique des producteurs et la modernisation de l’agriculture (intensification des spéculations vivrières, développement de la culture attelée et de la motorisation) et une amélioration des conditions de vie des populations de la zone cotonnière.
La culture du coton mobilise, en amont et en aval, de nombreux autres acteurs qui bénéficient de ses effets induits, notamment :
-les transporteurs et pétroliers qui interviennent en appoint des sociétés cotonnières pour le transport du coton-graine des zones cotonnières vers les sites d’égrenage et la fibre de coton à destination des ports d’embarquement ;
-les banques locales qui assurent une part importante du financement de la SOFITEX ;
-l’Etat, à travers la perception des impôts et taxes diverses ;
-les fournisseurs, commerce général, à travers les emballages, les pièces détachées et les consommables divers.
Tous ces effets induits impactent positivement l’économie nationale et régionale, à travers les flux commerciaux engendrés par la culture du coton. La SOFITEX apporte une importante contribution en devises par l’exportation de l’essentiel de sa production du coton fibre. En effet, sur un plan historique, avant l’avènement de la production minière, le coton (en plus des activités connexes) contribuait pour plus de 40 % au PIB agricole, soit 12 % du PIB national. Actuellement, avec l’essor de l’exploitation des mines, la contribution du coton à l’économie se situe en seconde position, mais elle n’en demeure pas moins significative.
La SOFITEX par ailleurs, qui exporte environ 98% de sa production vers une trentaine de pays, la plupart en Asie, contribue fortement à la balance commerciale du pays. Selon le rapport du Comité de la balance des paiements (2016), les cinq principaux produits exportés en 2016 par le Burkina sont : l’or non monétaire avec une part de 65,1 % dans le total de la valeur des exportations, suivi du coton en masse (11,8 %), des graines de sésame (4,0 %), de la noix de cajou (4,0 %) et du zinc (3,2 %).
Vous êtes le principal fournisseur des unités de trituration…
Au niveau de l’industrialisation du pays, la SOFITEX joue un rôle capital en assurant l’approvisionnement de la quasi-totalité des unités de trituration de graine coton installées au Burkina et cela a également contribué à la transformation structurelle de l’économie nationale. Par ailleurs, le développement du secteur textile industriel et artisanal a été possible grâce à l’accompagnement de la SOFITEX à la FILSAH, à travers son approvisionnement en fibre à des prix préférentiels. Toute la politique de développement de l’industrie textile engagée par l’Etat repose sur la production cotonnière, donc sur une grande partie de la production de fibre de la SOFITEX.
La graine de coton est essentielle pour les huiliers et savonniers, quelle stratégie pour garantir sa disponibilité en qualité et en quantité ?
La SOFITEX, dans sa dynamique d’accompagnement des unités de transformation de graine de coton, met la totalité de sa graine huilerie à la disposition des huiliers. Malheureusement, la capacité de trituration installée dans le pays dépasse de loin l’offre de la SOFITEX. La politique de relance de la production entreprise par la SOFITEX augmentera sans doute les quantités mais ne comblera pas, à court terme, le besoin en graine des huiliers.
Ces dernières années, le gouvernement met l’accent sur l’industrialisation du pays, pensez-vous que les actions en cours vont dans la bonne direction ?
Le gouvernement du Burkina Faso ambitionne de transformer structurellement l’économie burkinabè pour une croissance forte, durable, résiliente et créatrice d’emplois décents. D’où les actions multiformes entreprises ces dernières années pour le développement du tissu industriel.
Dans cette dynamique, le pays dispose d’atouts :
– un fort potentiel de produits de base indispensables à la transformation industrielle ;
– une volonté politique affichée pour le développement industriel du pays ;
– une politique d’amélioration de la qualité des produits industriels afin de les rendre plus compétitifs ;
– l’existence de conditions attrayantes pour les potentiels investisseurs à travers le Code des investissements.
Fort de ces constats, nous pensons que les actions en cours sont dans la bonne direction, même si, il faut le souligner, elles sont ralenties par la cherté des facteurs de production et le phénomène de l’insécurité.o
JB
Encadré
Les prévisions de la prochaine campagne
La prévision de la SOFITEX au titre de la campagne 2021/2022 est de 525 000 tonnes de coton graine, soit une augmentation de plus de 20% par rapport à la réalisation de la précédente campagne. La stratégie pour atteindre cet objectif est basée sur :
– la cohésion et la confiance des différents acteurs, notamment, les producteurs de coton ;
– la meilleure organisation et la responsabilisation des organisations de producteurs de coton et leurs faîtières ;
– la gestion efficiente du crédit agricole ;
– l’augmentation de la productivité au champ ;
– le renforcement des capacités des producteurs et de l’appui-conseil ;
– la bonne gestion de la fertilité des sols ;
– la réadaptation des programmes de protection phytosanitaire ;
– la modernisation des exploitations ;
– l’utilisation des techniques innovantes (Système d’information géographique, Irrigation d’appoint, etc.) .o