L’Economiste du Faso : Quel bilan succinct pouvez-vous faire du mandat du bureau sortant ?
Ahmed M. Koné est le président sortant de l’Observatoire burkinabè des médias : Il n’est pas facile, après quelques années d’activités, de faire le bilan, même succinct, du bureau sortant d’une organisation comme l’Observatoire burkinabè des médias (OBM). Néanmoins, je vais tenter de faire honneur à votre invitation. L’OBM a été créé en octobre 2012, à l’initiative de trois entités : les organisations professionnelles des médias, le patronat de la presse et les mouvements des droits humains. C’est un organe d’autorégulation, qui en est aujourd’hui à son deuxième bureau.
Le premier a été dirigé par l’un de nos doyens, M. Jean Baptiste Ilboudo, lequel n’a pas souhaité voir renouvelé son mandat. Il s’est désisté à mon profit. Comme lui, je suis journaliste et conseiller de presse à la retraite.
En fait, sur une base consensuelle, les géniteurs de l’OBM ont opté de confier la direction de l’organisation aux aînés. Cette sagesse honore la corporation. Le choix est aussi conforme à ce qui se passe dans la sous-région. Merci donc à ceux qui m’ont confié l’OBM.
L’OBM a pour mission de :
« Contribuer à la protection de la liberté de la presse en initiant des actions pour assurer l’observance par les journalistes des règles de l’éthique et de la déontologie telles qu’elles sont codifiées et incorporées dans la Charte des journalistes du Burkina Faso ».
L’Observatoire a pour principes et valeurs à promouvoir et défendre :
Confraternité : renforcer la solidarité entre journalistes ;
Professionnalisme : travailler dans le respect de l’éthique et de la déontologie et des normes professionnelles ;
Transparence : être redevable vis-à-vis des acteurs concernés sur le plan de la gestion et des activités mises en œuvre ;
Impartialité : assurer un traitement équitable des dossiers et être juste dans les décisions.
Pour atteindre ses objectifs, l’OBM dispose de trois instances : l’Assemblée générale, le Bureau exécutif et le Conseil de l’éthique et de la déontologie.
L’OBM est soutenu dans ses actions par l’Etat, par le canal du Fonds d’appui à la presse privée (FAPP). Il est ouvert aux Partenaires techniques et financiers (PTF), pour le financement de certains projets. Nous avons deux types d’activités : les activités propres à l’OBM, et les activités extérieures.
Les activités extérieures sont celles qu’organisent les partenaires et auxquelles l’OBM participe. Exemples : les associations socioprofessionnelles (ARCI, AJB, SEP, SYNATIC), les mouvements des droits humains (MBDHP), le Centre national de presse Norbert Zongo, et les partenaires internationaux (CFI, Hirondelles, OLPED-CI et Institut Panos du Sénégal).
Les activités propres à l’OBM sont : les réunions, les points de vue et prises de positions de l’organisation. Durant ce mandat, nous avons également mené des actions de promotion (les visites aux médias, les interviews et articles dans les médias, la production d’un film promotionnel).
Répondant à diverses sollicitations, le bureau sortant a maintes fois accordé des entrevues aux bureaux d’études et aux étudiants en rédaction de thèse ou de mémoire.L’OBM étant chargé d’observer les médias, nous avons procédé à des auditions. Des confrères ayant fait preuve de manquements ont donc été appelés à s’expliquer. Toutefois, le bureau a opté d’éviter les sanctions ; il privilégie la prévention. L’accent est ainsi mis sur la formation et la sensibilisation, mais aussi sur la promotion de l’éthique et de la déontologie. En fin d’exercice, le bureau sortant a organisé un panel sur « Journalisme et Politique ». Animé par le Professeur Mahamadé Sawadogo de l’Université Ouaga1-Professeur Joseph Ki-Zerbo, il a beaucoup intéressé les confrères et consœurs, et de nombreux étudiants.
Ce mandat a été marqué par quels types de difficultés ?
Le bureau précédent avait défriché le terrain. En prenant le relais, nous avons constaté qu’avec les ambitions, la seule bonne volonté ne suffit pas. La faiblesse des ressources demeure un nœud gordien à l’OBM. Ainsi, avons-nous dû suspendre l’ancrage institutionnel. On a remis à plus tard les projets de relance de l’équipe des médiateurs de presse, et d’installation des points focaux régionaux, entre autres.
Il y a aussi l’éternel défi à relever : trouver un siège à l’OBM. Il abritera le futur Secrétariat technique permanent (STP) qui soulagera les journalistes des tâches administratives et financières. Le bureau sortant a obtenu l’accord du ministre de la Communication et des Relations avec le Parlement, M. Remis Fulgance Dandjinou, pour que soient libérés au profit de l’OBM, certains des locaux de l’ancien bâtiment qui abritait son département. La balle est dans le camp de ceux qui doivent nous aider à concrétiser ce projet.
Par ailleurs, les rapports laissés par nos prédécesseurs mettent en relief des difficultés de fonctionnement, notamment, au niveau des commissions chargées d’examiner le travail des médias et de faire le rapport au Conseil de l’éthique et de la déontologie pour dispositions à prendre. Partant de ce constat, nous avons voulu innover en créant des groupes techniques d’observation (GTO), et des groupes d’études thématiques (GET). Ils devront éventuellement ajouter leurs efforts à ceux des commissions spécialisées pour toutes fins utiles. Pour l’heure, seuls sont en place les GTO.
Après la formation par des consultants, les membres des GTO ont chacun travaillé pendant une période donnée, sur un type spécifique de média : radio, télévision, presse écrite et presse en ligne.
Les résultats obtenus nous ont convaincus de la nécessité de former les professionnels des médias. Il y a, en effet, trop de dérives au plan de l’éthique et de la déontologie dans l’ensemble des médias. Or, au plan des ressources, l’OBM est limité. En outre, les professionnels des médias ne sont pas toujours aussi disponibles. Nous avons donc décidé de privilégier la formation à l’éthique, celle ayant trait à la déontologie a été reportée à plus tard.
La première vague de formation portant sur l’éthique a eu lieu dans trois régions : le Centre-Ouest (Koudougou), les Hauts-Bassins (Bobo-Dioulasso), et les Cascades (Banfora). Cette expérience pilote a beaucoup intéressé les participants qui ont recommandé qu’elle soit étendue aux professionnels des autres régions.
Le bureau sortant souhaite que les textes fondateurs de l’OBM soient revus de manière à ouvrir les commissions spécialisées du CED aux groupes techniques spécialisés (GTO et GET).
Quel regard portez-vous sur les médias burkinabè après ce mandat ?
J’aime à le dire : la relève est assurée au niveau de nos médias. Avec l’avènement du privé, il y a de plus en plus de parutions. Preuve que les nouvelles générations osent entreprendre. De plus en plus de jeunes et davantage de femmes investissent les médias. Ils proviennent d’horizons divers, et sont généralement bien formés, tant au niveau du supérieur que des écoles professionnelles. Cela favorise l’émergence d’un journalisme de spécialisation et de qualité.
Toutefois, l’OBM déplore de sérieux manquements au plan de l’éthique et de la déontologie. Les fautes récurrentes que nous avons pu identifier se résument à : des informations non sourcées, des plagiats, des propos qu’on peut considérer comme injurieux ou diffamatoires, l’anti-confraternité, etc.
Il faut intensifier la formation à ce niveau. Il faut que nos jeunes reconnaissent l’évidence, fassent preuve de plus de modestie. Il est suicidaire de travailler dans les médias sans une bonne dose de culture générale. De même, la maîtrise de la langue de travail doit être un souci constant.o
Propos recueillis par JB
Encadré
Comment voyez-vous l’avenir des médias burkinabè ?
«Présentement, la carrière du journaliste a pris du plomb dans l’aile, du fait des pressions de toutes sortes, et de la non-relecture de la Convention collective. L’absence d’un Code d’éthique et de déontologie consensuel a aussi ouvert les voies à la cupidité et à la corruption. Toutefois, j’ai foi en l’avenir, avec les efforts qui s’intensifient dans la mobilisation et la solidarité face aux divers fléaux.
Je demeure serein ; mais il faut continuellement se battre afin de préserver et d’élargir le cadre démocratique dans lequel notre presse évolue. Il faut enrichir et améliorer le contenu de nos médias en exploitant, à bon escient, le contexte de liberté d’expression pour lequel nous nous sommes toujours battus, et que d’autres nous envient », Ahmed M. Koné président sortant de l’Observatoire burkinabè des médias.o