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Technologie financière: «Les banques sont contraintes d’adapter leur modèle», Martial Goeh-Akue, président de l’APBEF-B, DG Orabank Burkina Faso

La Conférence internationale sur les entreprises de technologie financière communément appelées FinTech, a eu lieu du 30 au 31 octobre 2019, à Dakar. Les technologies financières (FinTech), les défis qu’elles posent, les opportunités et perspectives qu’elles portent pour les pays en développement ont été les thématiques principales de cette rencontre. La question de la régulation, ainsi que la supervision des Fintech étaient aussi au menu.
L’Economiste du Faso a tendu son micro au président de l’Association professionnelle des banques et établissement financiers du Burkina et Directeur général de Orabank Burkina Faso, Martial Goeh-Akue, de retour de Dakar, où il a pris part à la conférence internationale. Il nous explique ici, les changements à venir dans le secteur bancaire.

L’Economiste du Faso : Innovations financières basées sur la technologie, c’est ainsi que l’on définit les Fintech. Comment se manifestent ces innovations sur le secteur bancaire ?
Martial Goeh-Akue, président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Burkina et Directeur général de Orabank Burkina Faso : Innovations financières basées sur la technologie, c’est ainsi que l’on définit les Fintech. Une Fintech est une entreprise qui développe une technologie numérique innovante pour optimiser un service financier. Les Fintech cherchent à proposer des services financiers plus efficaces et à moindre coût. Le terme «fintech» est une contraction de «finance» et de «technologie». Les Fintech sont généralement des start-up, c’est-à-dire des entreprises jeunes, anticipant une forte croissance, et fondant leur activité sur une innovation.

Comment se manifestent ces innovations sur le secteur bancaire ? L’implication de la technologie dans la finance n’a-t-il pas un impact immense sur la finance classique ?
Le secteur bancaire est en pleine disruption. Le marché de la banque de détail est en pleine mutation. Acteurs entrants, règlementation renforcée, nouvelles attentes des clients : la banque de détail revoit son modèle opérationnel pour s’adapter à un marché en pleine mutation et préserver ses capacités de croissance. La transformation digitale est au cœur de ce défi.
La banque mobile est en plein essor. L’arrivée prévue de nouveaux acteurs force les banques à repenser leur organisation pour répondre aux nouveaux comportements de la clientèle. Les banques, véritables acteurs digitaux, doivent poursuivre leur mue technologique dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Les connexions sur nos plateformes digitales explosent et présagent déjà de ce que sera la banque de demain : plus agile, plus numérique, plus instantanée…et à faible coût. Une révolution silencieuse se prépare dans le domaine des moyens de paiement et la banque doit être au cœur de l’écosystème numérique avec une offre de services mobiles sécurisée.

Certains économistes affirment que les Fintech menacent l’avenir de nombreux métiers. Quel est votre point de vue ?
La transformation digitale constitue une opportunité, même si plusieurs produits et métiers sont déjà emportés par cette révolution. On ne parle plus de Kodak, le transport urbain est disrupté par Uber, l’hébergement par AirBnb. Les communications téléphoniques d’un pays à l’autre sont coûteuses. Il existe des solutions d’appels gratuits par le Net. Les SMS sont payants. Vous avez également des solutions gratuites.
Chaque secteur a ses spécificités bien sûr, mais la banque de détail n’échappera pas à ce phénomène ; elle sera en partie «désintermédiée». Les banques sont challengées sur tous leurs métiers par des start-up offensives, amenant des ruptures technologiques et remettant en cause les modèles existants.
Certaines Fintech empiètent sur des secteurs réservés aux banques de détail : le paiement (paytechs), les services bancaires du quotidien (néobanques), le crédit (crowdfunding et crowdlending). Ces Fintech ne sont pas des banques, mais permettent à l’utilisateur de contourner les banques pour certaines opérations. D’où la nécessité de réguler leur activité et créer une complémentarité entre le secteur bancaire et les Fintech pour un développement durable des économies. Ces «Fintech» s’attaquent ainsi au crédit, qui demeurait jusqu’ici une prérogative du système bancaire. Les plateformes de financement participatif (crowdfunding) connaissent également un développement rapide.

L’on entend parler de plus en plus de blockchain ou de biométrie au niveau des services financiers, de quoi s’agit – il ?
Une blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations sans organe de contrôle. Techniquement, il s’agit d’une base de données distribuées dont les informations envoyées par les utilisateurs et les liens internes à la base sont vérifiées et groupées à intervalles de temps réguliers en blocs, formant ainsi une chaîne L’ensemble est sécurisé par cryptographie. Par extension, une chaîne de blocs est une base de données distribuées qui gère une liste d’enregistrements protégés contre la falsification ou la modification par les nœuds de stockage ; c’est donc un registre distribué et sécurisé de toutes les transactions effectuées depuis le démarrage du système réparti.
La biométrie a de beaux jours devant elle dans le secteur des paiements. Les solutions d’identification des consommateurs basées sur leur empreinte digitale, leur voix ou leur image ont de fortes chances de se répandre. Imaginez le processus de KYC (Know your customer) effectué avec la biométrie par une Fintech qui détient bien les autorisations nécessaires et qui pourrait ensuite rendre disponible ces informations auprès du secteur bancaire: la procédure d’ouverture de compte notamment, dans les régions reculées, sera fortement facilitée.

L’utilisation de nouvelles technologies améliorera-t-elle vraiment l’inclusion financière ?
L’accès au compte est un besoin vital pour le développement économique de nos pays. Le faible taux de bancarisation au sens strict évolue rapidement avec l’apport des comptes mobiles. C’est une véritable opportunité pour les acteurs du secteur financier et les Télécoms. La monnaie électronique complémentaire permet d’accroître les flux d’activités économiques, et en conséquence, d’augmenter la richesse créée.
Les canaux numériques permettent de surmonter les obstacles liés aux contraintes de l’infrastructure physique pour l’accès à un large éventail de produits financiers (services de paiement, d’épargne, d’assurance, d’investissement et de crédit) et le téléphone mobile permet l’accès aux services essentiels comme l’eau et l’électricité́ par le biais des services de paiement à l’utilisation. L’inclusion des populations suppose la fourniture d’un volume important de paiements, de dépôts, de produits d’assurance et de prêts de faible valeur, adaptés aux besoins des clients. Les solutions des Fintech peuvent contribuer à réduire les coûts et assurer une durabilité́ de l’accès aux services financiers.
Cette mutation ne va-t-elle pas bouleverser l’équilibre du système financier, notamment, en matière de cybercriminalité, de blanchiment de capitaux ?
La prise en compte des Fintech opérant dans le segment des services de paiement est une nécessité avec conséquemment la création par les autorités, d’un cadre règlementaire qui favorise le développement des Fintech mais également qui sauvegarde l’ensemble du secteur financier. La protection de l’épargnant constitue ici une préoccupation constante.

Est-ce que les banques au Burkina Faso sont prêtes à cette révolution ?
Bousculées par la révolution du digital, les banques sont contraintes d’adapter leur modèle. Nos banques semblent opter pour la collaboration avec les Fintech afin de mieux réagir. Nos banques ne peuvent ignorer la révolution digitale et ont besoin d’intégrer les innovations des Fintech pour y faire face.
Je rappelle que les banques au Burkina sont de véritables acteurs digitaux et innovants.

Comment exploiter de façon optimale, le potentiel des technologies financières, tout en préservant la confiance en la stabilité du système financier ?
Avec la mise en place d’un cadre règlementaire adéquat permettant de calibrer un encadrement qui doit tout à la fois favoriser le développement de ces entreprises, en évitant des dérives préjudiciables aux consommateurs ou aux épargnants.

Propos recueillis par AT et NK


Le nouveau diplômé

Executive leading Digital transformation certificate (HEC-Paris, Berkley San-Francisco). C’est le nouveau titre que vient d’acquérir Martial Goeh-Akue, DG Orabank Burkina Faso, par ailleurs président de l’APBEF-B. Entre 2014 et 2016, il a été formé en Executive Master of business administration (MBA) de HEC-Paris. Celui qui dirige la banque Orabank Burkina depuis 2015, a 25 ans d’expérience managériale. Sous sa coupole, la banque a remporté 3 fois consécutives, le prix de «Meilleure banque du Burkina Faso», à l’occasion des Bankers Awards de Londres.

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